Le temps va mal, Dieu nous garde d’un pire


David Ferrand

Éléments contextuels

1635

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

L’Autheur fait une ratiocination dans sa pensée du siecle passé au miserable siecle d’apresent, et neantmoins il invoque Dieu qu’il ne nous en envoye point de pire. 1634.

Cant rial

Men fieux Lucas, clierc en philosophrie,

Dans ses lichons drenierement « dernierement ». luyset

Que tout quanget dans le cours de ste vie,

Et que le pu ch’etet la frenesie

De notte téte, et chela no prouvet.

Mais du depis ruminant su ma selle,

Vyant « Veyant ». que tout tourniolle et canchelle,

Y diset vray, car no ne veit iamais

Tieux quangemens ; tousjous « trousious ». y no z’enpire.

Je diray donc, à che que je m’en crais :

Le temps va mal, Dieu nous « non ». garde d’un pire.


Ainchin diset me n’ayeulle Marie

Pres notte feu par fais quand o soupet ;

A l’avet veu, coum’ o dit, la turie,

A derenglet la genialogie,

De tous no rois jusqu’à Hugues Capet.

A no diset leu yengain, leu querelle,

Coume y vivest, leu pratique nouvelle,

Pour l’aver ouy de ses grans trespassaiz « trespassais ». ;

Et quand les maux du temps a l’oyet dire,

A brelenguet, ainchin coume je fais :

Le temps va mal, Dieu nous « nou ». garde d’un pire.


« Tou tes discours filez à la toupie,

(Diset Drien) ne sont que vray caquet.

A su temps-là n’y avet de miaullerie ;

Le vin, la chair, ny la piauchellerie

Ne poyet pas la valeur d’un niquet.

No ne savet que ch’etet de gabelle ;

Biaucoup de gens n’emplest leu z’esquerchelle

De no deniais pour un bien amassais ;

Le poysan avet chen qui desire.

Y t’est aysé à me dire, Gervais :

Le temps va mal, Dieu nous « nou ». garde d’un pire.


— Je cray vrément que tu entre en resverie ;

Coüye qu’o n’oye illoque ten vieux plet,

De pur d’entrer en cambre mal guernie ;

Pour te glemir, eras tu mieux ta vie ?

Y gagne assez en su temps qui se tet.

— Ouy, mais… — Mais quay ! veux-tu estre rebelle ?

Le Roy l’entend, sa volenté est telle,

Nos corps, nos biens sont à ly sans proçais.

Heureux sont ceux qui sont sous « souz ». se n’empire !

Tais tay, ou bien dis que pour nos meffais :

Le temps va mal, Dieu nous « nou ». garde d’un pire.


— Jens ! chennela me tient en frenaisie

Oncore pu que chen qui me « my ». tenet.

La cherité « charité ». du monde est refredie,

La leyauté no quange en tromperie,

Et l’equité n’est pu chen qu’a l’étet.

Le mal o bien ensemble o z’amouchelle ;

Checun sert Dieu o poix de sa chervelle,

Les povres sont des richards oppressais.

Tout chennela me broüillant la tirlire

Me fait prosner, jerqué dessu se z’ais :

Le temps va mal, Dieu nous « nou ». garde d’un pire. »


Envoy

Prinche, veyant à vos Bonnes Nouvelles

Se z’estrelins grimpez à de z’esquelles

Pensant croquer ceux qu’estest escappais,

Dans tieux grabuge où y n’y a que rire,

Emmy ses camps à part may je disais :

Le temps va mal, Dieu nous garde d’un pire.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Dixiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand, presentez aux Palinots, 1635, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 74-77.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique