L’or deniché, et la monnais jouquée
David Ferrand
Éléments contextuels
1635
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cette année l’on fit monter l’or si haut et à tel prix que ceux qui en avoyent le
mettoyent hors à cause qu’ils se doutoyent qu’un prochain rabays, et ne se trouve
plus aucune monnoye dans le commerce, à cause qu’ils en faisoient amas.
Cant ryal « rial ».
Faut-t’y traisner sa miserable vie
Parmy le brit que i’ost de tou costez ?
No n’entend miet que de la piaullerie ;
Si l’un estrive, et se met en furie,
L’autre d’engain depiche ses marchez.
Aveuq bon dret un chequ’un se desolle,
Et si che n’est pourtant la monopolle
Qui no devrede « drevede ». et no boutte « boute ». en tourment.
Non : car qui rend la quemune piquée
C’est qu’elle vait asteure apertement
L’or deniché, et la monnais jouquée.
Les vieux penards (qu’à paine je ne die
Vieux usuriez, du reste je m’en tais,)
Craignant que l’or n’abaisse o se descrie,
Dedans leu nids bastis de hucherie
Ont accouvé nos douzains bien merquais.
D’un autre part, qui fait presque j’affolle « presquo z’affolle ».,
A si haut prix y l’ont mis la pistolle
Qu’o z’a rongnée assez esquerchement,
Que l’estrangier la veyant là fiquée
No z’en engonse, et fait vair largement
L’or deniché, et la monnais jouquée.
No ne vait pu que la mitraillerie
De ses Flamens qui sont loque avortais ;
A lequeday j’en rechais, j’en emplie,
Mais d’y connétre en rien friche ny mie,
J’ay biau luquer, du tout je ne serais.
Qui perd le pu à d’aintelle bricolle
Sont le z’enfans qui n’ont pu de nourolle « pu nourolle ».,
Le z’écoliers, à qui dessouz la dent
Est mainte noix o double brelinquée.
Y l’en devrede en veyant à present
L’or deniché, et la monnais jouquée.
Qui sans monnais court à la boucherie
Peut bien disner sans chair et sans navets ;
Et qui n’en a sa pouquette guernie
Pour se caucher à la chavaterie
Peut bien s’attendre à queminer nu piais.
Le chicaneur a biau ficher la « sa ». colle,
Sen proçais n’est sans monnais sur le rolle ;
La portungalle y sera « lera ». vairement
Qu’un proculeux voudret aver croquée ;
Là le plaideux « pledeux ». et ly vaye en tourment
L’or deniché, et la monnais jouquée.
Qui perd oncor à tout ste dieblerie
Sont en un mot hostes et taverniais ;
Car, lors qu’o z’a la panche bien guernie,
La pieche d’or ossy « ossi ». tost o desplie,
Disant : « Tenez ; rendez de la monnais. »
O ly qui craint le credit de su drolle,
Su se vezins y vretille, y nicholle,
Qui coume « comme ». ly n’ont un blanc seulement.
Que fra ty donc ? sa bechon est trinquée ;
Faut qui l’acrais, modissant fermement
L’or deniché, et la monnais jouquée.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Dixiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand, presentez aux Palinots, 1635, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 77-79.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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