Le corps d’état dreché en ordonnance


P. M.

Éléments contextuels

1635

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant rial

Quement j’alletz à ste pessonnerie

Qui est la bas prez de la halle o grain,

Je vis en gros par bande et compagnie

Le z’erts-boutans de la chavaterie

Voulant leu garde eslire là soudain.

Alors oüyant leu brit et leu hesmée

J’ymaginets « S’ymaginets ». que che fut queuque ermée ;

Mais m’enquerant, un melet du troupel

Me dit : « Monsieur, ne scets point en doutance ;

Je te dierray qui met en un mouchel

Le corps d’état dreché en ordonnance.


« Regarde, tient, contemple, je te prie,

Che grand chircuit de no Mestre tout plein.

Dirais tu pas, à vair leu modestie,

Leu biaux z’abits et leu fache hardie,

Que che seret queuque Senat romain ?

O por rassiets te n’ame sammellée

Par checun en y fet là l’assemblée,

Pour restablir queuque Garde annuel ;

Et ch’est pourquay tu vais en affluance

Dans la Vieutour, note coumun ottel,

Le corps d’état dreché en ordonnance. »


Chu chabrenaut à la teste estourdie

Me placquant là coume queuque vilain,

Je volu vair la grand cherimounie

Qui font tretous, noumant aveu cririe

Leu anciens du prumier o derrain.

Là le z’oysons des dernieres couvées

Qui su le feu ont boutté la porée,

Veule estre esluits dessu un n’escritel

Que tient o mains un homme de fianche,

Qui met en paix, mogré tou leu fratel,

Le corps d’état dreché en ordonnance.


L’un, yeuxaltant sa genialogie,

Dit : « Je ne sis fils d’un pere incertain. »

L’autre, remply de fougue et de furie,

Dit : « No ne m’a jamets por ma folie

Cassé la gueule aveuc un pot d’estain. »

L’un dit : « Je n’ay point danché la grenée

O Celestins, ny dessous la ramée

De la Myvais, ny mangé de l’agnel. »

Vela coument chets gens pleins d’ignorance

Trouble, ayant beu deux daiz de vin nouvel,

Le corps d’état dreché en ordonnance « ordoznance »..


D’autres dierront : « Je n’ay par gosserie

Vendu ma fame, afin d’aver du pain,

O bien passé de Baviere en Surie.

O le matin trinquant de l’iau de vie

Lessé men froc faute de fons en main. »

Mais niaumains « niaumais ». toute leu sogrenée,

Les pu huppez disant leu ratelée

Boutant les daiz tretou à leu cappel,

Les Gardes sont esluits de l’assistance,

Por maintenir en devair soulemnel

Le corps d’état dreché en ordonnance.


Estant esluits, che n’est que raillerie,

Que brit et cris pu tournant que l’arain.

Les petits pots, et la godetterie

De la Vieutour en font « fonl ». une ermonie,

Qui va chermant Appolon et sen train.

Cheste rymeur estant un ptiot passée,

Checun s’en va par trouppe ramassée

Baire « Vaire »., et buvant che casser le muzel

Por faire vair leu z’illustre insolance,

Eternijant dessu notte cartel

Le corps d’état dreché en ordonnance.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Dixiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand, presentez aux Palinots, 1635, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 79-82.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique