Le z’oume ouniz et les fame bardée


David Ferrand

Éléments contextuels

1635

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant rial

Et bien, Colas, qu’est che que tu compose

Pres de ten feu ainchi qu’un songe creux ?

Luits-tu Esope ou chez Metamorphose,

Le biau Regnaut, Rouland le furieux

Qui fut jadis d’Angelique amoureux.

— Nennin, Betran ; je luysets st’ordonnance

Par qui le Roy fezet à tou deffence

De ne porter pu que deux passemens,

Et toute-fais d’audache outrecuidée

No vait partout, mogré chets riglements,

Le z’oume ouniz et les fame bardée.


Dedans la Cour la Noblesche dispose

Ne porte pu d’habits voluptueux,

Mais seulement des esguillette en rose,

Lessant l’argent qui est cher en tou lieux

O z’estrangers de glore ambitieux.

Mais pour les fame, y l’ont tant d’arrogance

Que ne songeant à leu folle despence

Font chamarrer par tout leu vestements,

Chy qu’o diret de mulle desbrindée.

Ossi vait t’on dedans no mouvements

Le z’oume ouniz et les fame bardée.


Il y en a qui jamais ne repose,

Mais resveront su leu coutil plumeux,

Coume y pourront esbloüyr queuque chose

A leu maris queuque fais peu songneux

Pour esclatter en passements nombreux.

Quand on « ont ». dévret les mettre à la potenche

Ou les coiffer, y l’ont tant d’insolenche

Qui souffrirest pu tost mille tourments

Que d’obeyr à la loy coumandée.

Ossi vait-on apres tant de crimens

Le z’oume ouniz et les fame bardée.


J’en connais bien, mais les nommer je n’ose,

Qui porte au dos des haillons tou poudreux ;

Et, niaumains, tenant les lippes closes,

Vou jugeriez, jettant su eux le z’ieux,

Que se seret queuque nymples des Dieux.

D’otres oncor font cheux eux abstinenche

Por en apres aver de la finance

Et embellir leu devant de dix rangs.

Bref, elles sont tieullement desbordée

Qu’o vait par tout o villes et o camps

Le z’oume ouniz et les fame bardée.


A st’edit là les houmes ont fait pose

Portant cordons de verre et feurre creux,

Et, sans vouler rien esgriffer en glose,

Y l’ont deffet leu clinquant argenteux

Que no vayet mesme porter o gueux.

Y n’y a pu que les fames en France

Qui prengnent trop d’odiuit et licence.

Mais passe, set en dépit de no dents,

Tousjou leu teste, où la lune est logée,

Fera parestre o fos et aux prudens

Le z’oume ouniz et les fame bardée.


« Va, va, Colas, estrique là ta prose.

Penserests-tu, oncor que tu ses vieux,

Les reformer ? non : fusse tu Berose,

Ou un Caton docte et judicieux,

Tu y perdrez tes mots sentencieux.

Va, tire nou un day de ta pienche ;

Vla un morcel de gambon de Magence ;

Y fet sifler plus sec que les Flamens.

Cha donc trinquons à goune desbondée,

Et cachons hors de no z’entendemens

Le z’oume ouniz et les fame bardée.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Dixiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand, presentez aux Palinots, 1635, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 86-89.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique