La guerre o croq pour queuque temps penduë


David Ferrand

Éléments contextuels

1622

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Sur la paix qui fut faicte devant Monpellier en l’année 1622 « Cant royal sur la paix qui fut faite devant Monpellier en l’année 1622 ».

Cant ryal amphibologique.

Adieu, sergens, salez la halebarde ;

Biau porte enseigne, encoffre ten drapel ;

Vous, corporiaux à la mine blaffarde,

L’empessadeurs, torquez votte musel,

Et refiquez l’espée à sen fourrel.

Trop avez beu par dessaux « defaux ». à note ocque.

En su tens chy pu brin on ne se choque ;

Note bon Roy nous a donné la paix.

Tout douchement « doucement ». prenez votte repuë

Et pour disner ne gaittez desormais

La guerre o croq « au croc ». pour queuque temps penduë.


— Pere Tibaut, je cray que la moutarde

Pu que le vin t’a troublay « troublé ». le chervel.

Si tu prenez quemen may de prez garde,

A l’avenir ten ris seret « serez ». tel ;

Rien n’est chertain sous la cape du Ciel.

Aga, men bon, j’ay songay « songai ». sous ma toque,

Qu’un vieux penart qui o cul a les broque « broques ».

Dedans l’Estat voudra fiquer sen nez « son nez ».,

Et qu’un chiclope « Ciclope ». engendray « engendrai ». de la nuë

Fera sortir de queuque trou punais

La guerre o croq pour queuque temps penduë.


— Bertin, cherbleu, tu as bien la vezarde

Pronostiquant à tou ten devantel.

O grand prophete ! Es-che point la Guimbarde,

Nostradamus, ou bien le vin nouvel

Qui de te n’ame a cauffé le fournel.

O doux Bellier que le Delphien toque,

Callimachons sortiront de leu « de leur ». coque,

Tous à quevau su des saumartinez

Qui la gargoüille occiront de leu veuë,

Si deux serpens reprennent mutinez

La guerre o croq « au croq ». pour queuque temps penduë.


— Je ne cray point que ta téte choquarde « téite ehoquarde ».

N’ait luit Maur’gard du fond jusqu’o coupel.

Cat écaudé de l’iau « eau ». fraide se garde ;

Le lion parfais, quemen dit Eutrapel,

Du fin renard affluble « afflube », « afflublè ». le mantel.

Pis no a « Pis on a ». veu bailler la pandeloque

O z’ostinez « O sostinez ». saillis de leu bicoque,

Qui ont esté o Capricorne nez.

Tieu n’a gagné « gaigné ». la cache pretenduë

Qui veut bien vair pour haster un procez

La guerre o croq pour queuque temps penduë.


— Set que s’en set, men parler je ne farde ;

Je n’entens rien à tout ten vieux fratel.

— Ch’est que tu as ainchin « ainsin ». l’ame coüarde.

— Je fron « Je feron ». bien mieux d’aller à te n’otel,

Car il est temps « tens ». de manger un morcel.

Pour les sergeans « sergeant »., je cray, par nostre doqué,

Qui m’en voudront pis que je le z’affroque « les affroque ».

A men potin ; si je rétions troublais

Y me mestrest sentinelle perduë

Et à laisir « loisir ». tremblant je chanterais

La guerre oc croq pour queuque temps penduë.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La Premiere et seconde Muse normand ou Recueil de plusieurs ouvrages facetieux en langue purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers autheurs, s. d., Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 16-18.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique