Le recapé du grabus des Croates
David Ferrand
Éléments contextuels
1636
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
L’Autheur depeint le voyage d’un soldat de la ville de Roüen qui accompagna l’armée
que le Roy fit lever pour aller devers Nancy, où les Croates gastoyent et ravageoient
tout le pays, qui furent deffaits par Monsieur S. Simon, chef pour le Roy de la Cavalerie.
1635.
Cant rial « ryal ».
Qui vien de loin peut dire menterie,
(Se dit le monde en ses contes nouviaux) ;
Mais à st’écrit qu’asteure je publie,
O sçait fort bien qui n’y a de raillerie,
Car plusieurs y ont delaissé les « leu ». houziaux.
Jeunes « Jeune ». soudars faits dans « à ». la saugrenée,
Grands avalleux de quarettes ferrée
Qui sans sortir mogriez pu souvent,
Quand vo trainez su ses carriaux vos lattes,
Retenez bien chen que dit à present
Le recapé du grabus des Croates.
Quand notte Roy (dont Dieu Mot parfois omis. dait bonne vie),
Pour denicher tout se z’Imperiaux,
Fit faire un banc dedans notte patrie
Que men bon Prinche, et chef en Normandie
A fait plaquer par tout à ses potiaux,
May qui avais la teste évretinée,
A men costé je croquis une espée ;
Je cherche maistre, et trouve un regiment
De gens qu’estest tous vestus d’escarlates.
Ainchin partit assez joyeusement
Le recapé du grabus des Croates.
Emmy ses camps je fezions chere lie,
Je ne manquions de montons ny d’aigniaux « agniaux ». ;
La broque allet de bons poullets fournie ;
Dans le chelier estet la gourde pie,
Que j’aportions su la table à plains siaux.
Mais aprechant pres du gros de l’ermée
Je commenchime à ne trouver berée ;
Sans pain ny cher je dinions pu souvent.
Lors comme un ais mes ios devindrent plattes,
Et souhettet r’estre opres de Roüen
Le recapé du grabus des Croates.
En fin me vla ny sans friche ny mie
Dessous l’abry des pavillons royaux ;
Le ventre creux comme une chifournie,
Les pieds tous nuds, et au nez la roupie,
N’ayant emply que de vent mes bouyaux.
Chla me forchet par fais à la serée
D’aller bien loin faire la picorée,
Et fusse mort en un jour vairement,
Sans le secours d’un jafflier de mattes ;
Mais l’avallant bien tost fendit le vent
Le recapé du grabus des Croates.
Car j’aperchuz tout d’une compagnie
Bien quatre mil « mille ». de fendeurs de naziaux.
Ces gens avest la cher maigre et ternie,
Le z’yeux enfons, secs comme anatomie ;
Bref, beste et gens che n’estet que des piaux.
Y tuent, bruslent, et de tout font curée.
May qui courais, craignant tieulle arrivée,
Vers mes tallons lorgnant trop encrement,
Dans un fossé qus su les quatre pattes,
Et là petit « petet ». et de pur et d’enhen
Le recapé du grabus des Croates.
Mais Saint Simon et sa quevallerie
Leu fit bien tost gaigner les gigotiaux ;
Car enfonsant de pleine equilbourdie
De bien chinq chens y l’en « il en ». fit la turie « tu’rie ».,
Qui restent là estallez comme viaux.
Tout le butin dont y firent levée
Fut racroqué par nos gens ste journée ;
May tout tremblant je « j’y ». courus vitement
A leu souliez esquanger mes chavates.
Lors bien chargé s’en revint tres content
Le recapé du grabus des Croates.
Envay
Prinche vaillant qui ste gendermerie
Avez trainé o pays de Nanciaux,
Que le bon Dieu à jamais vo benie,
Car votte argent et table bien guernie
En a tiré d’un grand nombre de maux !
Aintel n’avet une miette avallée
Qui s’en allet quieux vous faire lifrée
Dont de loüange en avez grandement,
Et yen érez su sair quand à ses pattes
Tiendra un verre et bera à vou souvent
Le recapé « recappé ». du grabus des Croates.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Lunziesme partie de la Muse normande ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1636, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 100-103.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
–
Commentaire linguistique
–