Les apprentifs faits mogré l’ordonnance
David Ferrand
Éléments contextuels
1636
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Les Savatiers au nombre de neuf cens qui peuvent estre en la ville de Roüen, font
une assemblée generalle de tout le corps, où il fut arresté que l’on ne feroit aucun
apprentif, et neantmoins il se rencontra un des Gardes, trouvant un enfant legitime
du costé de la servante d’un grand logis, qui par l’autorité du Maistre pour de l’argent
le fist passer par la Jurande et introduire dans ledit Estat. Ce que l’Autheur vous
represente dans ce present Chant Royal.
Complainte
A toute la taulée chavatique par le bon
pere Betren, sur la rompation de
l’Ordonnance par eux faite
de ne prendre plus nuls
apprentifs au
dit Estat Ce titre manque parfois..
Cant rial « ryal ».
A Dieu chegros, alesne, et soys pourchelle.
Je pens o croq me n’aumuche à dentelle,
Mes brodequins, menicles et yétrieux,
Je veux brusler mes froumes et ma selle
Et renoncher à l’estat de carleux.
Che n’est pu rien que supersticherie ;
O z’assemblez sans rezon o z’y crie ;
S’on z’est six chens, six chens opinions ;
Chequn « Chaqun ». s’estime un grand clierc en la France ;
Ch’est che qui a fait qu’à présent je veyons
Les apprentifs faits mogré l’ordonnance.
Dans ste Vieux Tour, lieu o no z’amouchelle
Tout notte corps qui dait « doit ». estre fidelle,
Fut arresté des Maistre jeune et vieux
Qu’on ne prendret ocune « aucune ». haridelle,
Ny apprentif, en estant trop d’aintieux.
Et niomains tieulle cerimonie « ceremonie ».,
Un des hupez de la chavaterie,
Sifflé d’un gros pour un glop de testons,
En fist passer un par la suffisance,
No faizant vair à tout tant que j’estions
Les apprentifs faits « fais ». mogré l’ordonnance.
— Quay ! pour aver du fond à l’esquerchelle,
Et pour lequer pu grasse leu escuelle,
Chla les rend t’y su nou z’avantageux :
Sçavent-t’y mieux tailler une sumelle,
O mieux connestre un cuir su le tenneux « sur le Tenneur ». ?
— Nennin, Betren, mais l’entrée et sortie
Qu’o grand maisons y l’ont par flaterie.
Ouy, l’ont st’honneur d’estre les marmitons ;
Chennela fait à notte estat nuisance,
Et y a causé que sont su no rezons
Les apprentifs faits « fais ». mogré l’ordonnance.
— Je n’ay vaillant un mouquet de candelle,
Mais, si m’étet monté à la chervelle,
Je battrais tant ce z’especes de gueux,
Qui à l’estat font une offence aintelle,
Car o no met en un tel degré qu’eux.
Faut t’y qui l’est reduit en gueuserie
St’état qu’est si necessaire à la vie ;
Ouy, necessaire ; aga ! si je voulions,
Les pu hupez ferest leu penitance,
Et, chla « Et chela ». estant, à present je n’erions
Les apprentifs faits « fais ». mogré l’ordonnance.
— Men bon Betren, de chela ne groumelle ;
Les gros bourdons par une forche aintelle,
Les rez d’iraigne entrainent quanté z’eux ;
Les mouquerons y sont prins par leu z’elle ;
O ptits et yo grands chla ressemble en ces lieux.
L’intherest propre et la bourse guernie
Font à biaucoup oublier leu patrie,
Et le devair « devoir ». qu’o rigles je devons.
Y ne leu chaut, pouveu que Margot dance.
N’en parlons pu, et pour st’eure lessons
Les apprentifs faits « fais ». mogré l’ordonnance.
Envay
Excusez mey, men Prinche, je vo prie,
Si st’ecritel « stecristel ». ichite je publie ;
Quand o se sent, checun dit ses rezons ;
Je vois queux vous y prendre ma substance,
O je m’attens ne vair à vo « vos ». tisons
Les apprentifs faits « fais ». mogré l’ordonnance.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Lunziesme partie de la Muse normande ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1636, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 104-107.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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