Compliment fait au Parlement de Rouen
Anonyme
Éléments contextuels
1764
xviiie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Texte A | Texte B |
Discours des poissonnières Nos chers Seigneurs… votre retour nous cause une joïe si grande si vive que je ne sçaurions nous en taire, pardonnéz l’importunance de notre demarche en faveur de la chose publique. Je vous revoïons, nos chers seigneurs, ça fait notre bonheur, vos bons foins nous en assurent ainsy que la bonté de notre adorable Roy que j’osons apeler notre pere, puis qu’il porte tous ses Sujets dans son cœur. Que le ciel luy accorde ainsi qu’a vous, nos chers Seigneurs, de longues années. Si beaucoup de paroles pouvoient vous faire connoitre tout ce que je ressentons, je n’en finirions pas ; mais par respect j’abregons et je vous assurons que si je le cedons en politesse aux autres corps de ste ville, je ne le cedons a personne en fidelité et en amour pour notre bon Roy le bien aimé, et pour l’auguste parlement de Normandie qui le represente si loiallement. |
Compliment fait au Parlement de Rouen, le 19 Mars 1764, par les Poissonnieres de ladite Ville Nos chers Seigneurs, vote r’tour « votre retour ». nous cause une joye « joie ». si grande « vive »., que je ne saurions « sçaurions ». nous en « la ». taire. Pardonnez l’importunance de note « ma ». démarche, en faveur de nos sentimens « de la chose publique ».. Je vos r’voyons « vous revoyons »., nos chers Seigneurs, ç’a « et cela ». fait note bonheur. Vos bons soins nous en assurent, ainsi que la bonté de note « notre ». adorable Roi, que j’osons appeler note pere, puisqu’il « puisse qu’il ». nous porte tous « porte tous ses sujets ». dans son cœur. Que le Ciel lui accorde, ainsi qu’à vous, nos chers Seigneurs, de longues années. Si biaucoup « beaucoup ». de paroles pouvoient « pouvaient ». vous faire connoître « connaître ». tout c’que « ce que ». je r’sentons « ressentions »., je ne finirions pas ; mais par respec « j’ai respect ». j’abregeons « j’abrégions »., et j’vos « je vous ». assurons que si je le cédons en politesse aux autres Corps de steville « la ville »., je ne le cédons à personne en amour et en fidélité « en fidélité et en amour ». pour note « notre ». bon Roi le Bien-aimé, et pour l’auguste Parlement de Normandie, qui le r’présente « représente ». si loyallement « loyalement ».. |
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur les originaux. Les variantes de l’édition d’Edmond Selignan sont rapportées en note.
Source ou éditions princeps
Texte A : extrait du registre secret du Parlement de Normandie, lundi 19 mars 1764, Arch. dép. Seine-Maritime, 1B282.
Texte B : imprimé inséré à la fin d’une brochure, le Journal des opérations du parlement de Normandie, Musée Alfred-Canel, Pont-Audemer, 900 TRE 1955.
Édition critique
a. A. Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. 6, 1842, Rouen, Édouard Frère, p. 588 (édition très partielle à partir du registre secret du Parlement).
b. Edmond Selignan, La Justice en France pendant la Révolution (1789-1792), 1901, Paris, Plon, p. 80-81 (édition complète à partir d’une source non mentionnée).
Études
Patrice Lajoye, « À propos du compliment des pêcheurs du Pollet adressé à la duchesse de Chartres (1772). Les compliments de poissonnières en patois normand », Les Amys du vieux Dieppe, 2021, CXXXIV, p. 70-77.
Commentaire historique et contextuel
Ce document est connu par deux sources qui n’ont sans doute par la même origine, auxquelles s’ajoute une source secondaire incertaine. On trouve tout d’abord une transcription de ce discours dans le registre secret du Parlement de Rouen. Une autre transcription a cependant été imprimée et insérée à la fin d’une brochure, le Journal des opérations du parlement de Normandie. Elle n’est connue que par un seul exemplaire conservé au Musée Canel de Pontaudemer. Enfin, la version publiée par Edmond Selignan se distingue et de l’une, et de l’autre, et pourrait laisser présager l’existence d’une troisième source.
En février 1763, la guerre de Sept Ans prend fin. Le gouvernement est cependant lourdement endetté, et certains impôts de guerre sont prolongés. Le Parlement de Rouen proteste, ce qui entraîne l’exil de dix magistrats pour deux mois et, en novembre 1763, à la démission de l’ensemble du Parlement. En mars 1764, de grandes festivités sont organisées pour célébrer le retour du Parlement. C’est dans ce cadre que six « marchandes de marée », menées par une dame Caillot, arrivées en carrosse, furent reçues au palais, où la dite Caillot prononça le Compliment (Annonces, affiches et avis divers de la Haute et Basse Normandie, 43e feuille hebdomadaire, 23 mars 1764, p. 177).
Ce texte appartient donc au même groupe de documents que le Compliment adressé à S. A. R. Madame la duchesse de Chartres par les pêcheurs du fauxbourg du Pollet-les-Dieppe, sans doute en 1783.
Ces Compliment pourraient bien s’inspirer de cas semblables survenus à Paris dans les décennies précédentes. En 1730, les Harangères de Paris adressent au roi une harangue « sur la naissance de Monseigneur le Duc d’Anjou », en style poissard. Déjà, dans le même style, étaient publiés à Paris en 1614, une Rejouissance des harangères et poissonnières des Halles de Paris sur les discours de ce temps, et en 1649, La Micaresme des harangères ou leur entretien sur les affaires de l’Estat, mais aussi, Le Caquet des poissonnières sur le departement du Roy, et de la Cour (vers 1610-1630) ; Pierre du Puy, Complot et finesse de six poissonnières et harangères pour rattraper le Tasteur (1613) ; Nouveaux compliments de la place Maubert, des Halles, Cimetière Saint-Jean, Marché-Neuf et autres places publiques, Ensemble la Resjouissance des harangères et poissonnières faite ces jours passés au gasteau de leurs reynes (1644) ; Le Caquet des marchandes poissonnières et harangères des Halles sur la maladie du Duc de Beaufort (1649) ; ou encore les Plaintes d’une fruictière et d’une harangère envoyées à la Reyne. On trouve encore, édité en patois en 1791, un Compliment adressé par les dames poissonnières de Nancy à l’évêque constitutionnel Lalande lors de son arrivée en cette ville (sur les discours et compliments des poissonnières de Nancy : Ch. Courbe, Les Rues de Nancy du xvie siècle à nos jours, t. 1, 1885, Nancy, Imprimerie Lorraine, p. 244-250).
Commentaire linguistique
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