Légende de M. de Boisadan qui était très ami avec le diable


Anonyme

Éléments contextuels

1913

xxe siècle

Le Mesnil-Adelée

Avranchin

Édition du texte

Légende de M. de Boisadan qui était très ami avec le diable. Le diable voulut le tuer et dans ce but se trouvant avec lui à un dîner, il laissa tomber sa fourchette pour que M. de Boisadan la lui ramasse mais celui-ci ne voulut pas sachant bien que le diable profiterait de ce qu’il serait baissé pour l’étrangler. On raconte aussi que le corps de M. de Boisadan fut emporté par le diable et qu’à la place on mit du bois dans le cercueil. On raconte également que le jour de son enterrement sa cour était pleine de corbeaux.

M. du Boisadan était d’accord avec le diable. Iune coup qu’il était à un dîner do l’diable no z’entendit iun grand vacarme c’était l’diable qui laissait chèr sa fourchette. I dit comme ça à M. du Boisadan : Erlève mé ma fourchette. Jé n’s’ai pas ton domestique, qu’o li répondit comme ça M. du Boisadan. A iune aut’ fouès M. du Boisadan mourait. L’vicaire de Reffuveile s’en ervint pour l’administrer. Tout d’un coup il entendit une voix qui sortait de dessous du lit et qui li criït comme ça : « Qué qu’tu viens faire lo té vieux voleur. – Qu’est ce que j’ai volé ? – Un quarteron d’épingles. – Si j’ai volé ço j’l’ai rendu, laisse quoi faire mon ministère. » C’était l’diable qui était sous l’lit. L’jour de l’enterrement de c’t’homme là no vit iune grande quantité de corbeaux qui allaient comme ço (geste de long en large) doens sa cour. L’diable prit c’homme là, do li si bien que doens son cerceuil non mit des grosses bûches de bois pour que ça pèse pisque l’gas n’y était pas.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’original.

Source ou éditions princeps

Monographie communale, 1913, Arch. dép. Manche, 124 J 65.

Édition critique

Patrice Lajoye, « Quelques légendes inédites en patois de la Manche collectées en 1913 », Revue de la Manche, 62, 249, 2020, p. 32.

Études

Patrice Lajoye, « Quelques légendes inédites en patois de la Manche collectées en 1913 », Revue de la Manche, 62, 249, 2020, p. 27-37.

Commentaire historique et contextuel

Ce récit reprend le thème légendaire du cadavre substitué, dont les attestations populaires proviennent quasiment toutes de Normandie, de Bretagne et de Vendée. On en connaît cependant des attestations plus anciennes, venant de toute la France. Il y est en général question d’un homme de mauvaise vie, ayant parfois passé un pacte avec le diable. Au moment de sa mort, le diable emporte son corps et lui substitue une bûche ou des pierres. Les versions normandes ajoutent que cela se fait en présence de nombreux corbeaux. On connaît dans la commune voisine de la Chapelle-Urée une autre légende montrant un sieur de Boisadam passer un pacte avec le diable et échapper in extremis à la damnation. Cependant cette légende a été publiée sous une forme très littéraire (M. Sarlin, « La légende de Boisadam », Mémoires de la Société d’Archéologie, Littérature, Sciences et Arts des arrondissements d’Avranches et de Mortain, IX, 1888, p. 241-243). Ces deux textes montrent toutefois qu’il a bien existé un folklore local concernant le sieur de Boisadam.

Commentaire linguistique