Une ordonnance de 1316 décrit le « pays ou duché de Normandie » comme l’un des plus boisés du royaume de France. La Normandie a donc une longue histoire forestière…
Créé à l’automne 1994, le pôle pluridisciplinaire de recherche Environnement, sociétés et espaces ruraux (Pôle Rural) constitue depuis son origine l’un des axes majeurs de la Maison de la Recherche en Sciences Humaines de Caen (MRSH). Il présente l’originalité de faire travailler ensemble historiens de toutes périodes, géographes de diverses spécialités, archéologues, sociologues ou linguistes sur les questions rurales. Cette entreprise qui fédère ainsi plusieurs disciplines des sciences de l’homme s’est progressivement élargie à d’autres disciplines des sciences de la nature (biogéographie, foresterie, pédologie, agronomie, écologie).
Tout en poursuivant ses travaux sur les paysans, le foncier, l’élevage et la faune sauvage, le Pôle Rural oriente ses recherches vers une thématique forte, au cœur des préoccupations mondiales : la forêt, qui permet d’illustrer les rapports complexes entre l’homme et la nature. Plusieurs enquêtes pluridisciplinaires sont actuellement menées par les chercheurs du Pôle autour de cette thématique.
Équipe
- Philippe MADELINE, Professeur de géographie, unicaen (ESO-Caen).
- Élisabeth RIDEL-GRANGER, Ingénieure de recherche au CNRS en analyse de sources historiques et culturelles, MRSH de Caen
- Jan SYNOWIECKI, Maître de conférences en histoire moderne, unicaen (HisTeMé).
- Anna TRESPEUCH-BERTHELOT, Maîtresse de conférences en histoire contemporaine, unicaen (HisTeMé).
Blandine PAREY, Assistante-ingénieur au CNRS, IDEES-Caen et MRSH / Pôle Rural.
- Roger CALMÈS, Professeur honoraire de géographie.
- Jean-Marc MORICEAU, Professeur émérite d’histoire moderne.
Axes de recherche
Quels sont les facteurs techniques, économiques, culturels du changement agricole d’hier et d’aujourd’hui ? Comment analyser l’évolution des rapports sociaux et des appartenances socioprofessionnelles au sein du monde agricole ? Comment se recomposent les relations entre agriculture, politiques publiques et espaces ruraux ? Voici quelques-unes des grandes questions qui structurent les travaux des chercheurs travaillant sur cet axe au sein du Pôle Rural. Les agricultures de l’Ouest français constituent un des terrains d’observation privilégiés par les chercheurs du Pôle pour renouveler les questionnements et capitaliser les connaissances sur le changement social agricole dans une perspective interdisciplinaire.
L’analyse des paysages et de l’habitat rural, favorisée par les travaux en cours des archéologues, des spécialistes de l’écologie historique, inscrit l’étude du tissu bâti ancien et des trames foncières dans le temps long. Le paysage est traité comme témoin et comme résultante des logiques socio-économiques et socio-culturelles, comme indicateur des usages du sol et des systèmes de culture, comme objet de représentations fortes et diversifiées. Les historiens et les géographes confrontent leur recherche aux résultats des sociologues et des architectes.
Ce thème aborde le lien noué entre les animaux domestiques, la faune sauvage et les sociétés rurales. Il met en lumière les rapports hommes/animal, l’évolution des pratiques d’élevage, la chasse comme forme d’expression culturelle, comme vecteur d’identité ou comme un moyen de régulation de la faune sauvage. Il examine encore la place symbolique tenue par certaines espèces qui continuent de soulever les passions par la menace réelle ou supposée qu’elles font peser (ours, loups…). La réflexion menée sur la gestion des animaux met ici à contribution la biologie animale et les sciences vétérinaires.
Au croisement de la démographie historique, de la sociologie et de la géographie sociale, l’étude de la mobilité conduit à renouveler notre perception des structures sociales actuelles et passées. Cette thématique interroge les conditions de la reproduction familiale et sociale, les formes d’organisation domestique et la transmission des biens et des statuts, depuis les élites jusqu’aux populations les plus modestes. Elle balaye l’histoire de la famille, le droit privé, les mutations du travail domestique, les questions de mobilité géographique et sociale.
Le problème de la propriété de la terre et de sa circulation, de son acquisition ou de sa perte, mène à la question essentielle de la rationalité économique des comportements en matière immobilière, et à celle de l’insertion du monde rural dans les échanges, ainsi qu’aux rapports noués entre les villes et leurs campagnes. Cette thématique déborde cependant la question de la propriété, et conduit directement à ces autres facteurs essentiels dans l’évolution du monde rural qu’étaient les différentes sortes de prélèvements, la monnaie et les prix. Les historiens rejoignent ici les préoccupations des économistes.
La thématique politique est extrêmement large, qui embrasse le rôle des institutions et rouages aussi bien administratifs que judiciaires, celui du personnel politique au sein des partis politiques ou encore celui des organisations paysannes, ainsi que toutes les formes de mobilisation. Les comportements électoraux qui retiennent principalement l’attention des chercheurs permettent de concilier, sur différents terrains, les acquis de l’histoire, de la géographie et de la science politique. Cette thématique place également au centre de sa réflexion le fait communautaire, l’autonomie préservée ou contestée du monde rural face aux interventions des pouvoirs publics étatiques, des administrations coloniales, ou des organisations supra-étatiques.
Sur la longue durée, l’analyse des espaces forestiers permet de saisir des enjeux productifs, récréatifs et environnementaux qui s’inscrivent bien dans les thématiques pluridisciplinaires du Pôle Rural. La proximité des individus avec un espace forestier conduit à des pratiques spécifiques que déjà de nombreuses études spécialisées mettent en évidence. Il s’agit de poursuivre ces recherches sur les ressources de la forêt, sur leur gestion selon différents types d’acteurs, et sur leurs usages disparus ou renouvelés afin d’éclairer les sociétés rurales du passé et du présent.
La mémoire orale des paysans convie à une approche linguistique qui éclaire les relations entre les patois et la ruralité. La langue des paysans n’a a jamais été le français, cette langue standardisée que nous parlons aujourd’hui et qui, loin d’être naturelle, a en fait été modelée au fil des siècles par les grammairiens et les lexicologues. La langue des paysans est multiforme : ancrée dans une région, un pays ou un village, elle a ses propres accents, son propre vocabulaire et parfois sa propre grammaire. Il n’y a donc pas une seule langue paysanne, mais bien plusieurs : ce sont les patois qui colorent encore de nos jours les régions françaises, bien qu’ils soient fortement menacés. Le terme patois a toujours été senti comme péjoratif, preuve en est la définition fournie dans la 4e édition du Dictionnaire de l’Académie française : « Langage rustique, grossier, comme celui d’un paysan, ou du bas peuple ». Au XIXe siècle, les instituteurs de Jules Ferry font la chasse au patois pour imposer aux jeunes de nos campagnes le « bon français », tandis que, par effet contraire, des linguistes, des historiens, des érudits entreprennent des enquêtes de terrain pour sauver les mots de langues amenées à disparaître, et avec elles toute la culture et la mémoire d’un monde alors en profonde mutation. C’est ainsi qu’est né, à cette époque, un immense mouvement lexicographique qui a vu dans toute la France la production de nombreux dictionnaires de patois. Les dictionnaires de patois constituent donc un conservatoire formidable de la culture des petites gens des campagnes.
Marcel Lachiver (1934-2008) ne s’y trompa pas lorsqu’il entreprit de rédiger son Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé (Fayard, 1997 ; rééd. 2006) : c’est surtout dans les dictionnaires, glossaires et vocabulaires de patois qu’il a glané la matière de son propre dictionnaire puisqu’il affirme avoir dépouillé plus de 500 ouvrages (2e éd., 2006 p. 11). Dans l’avant-propos à la seconde édition qui fut pour lui la dernière, Marcel Lachiver transmettait aux historiens du monde rural de l’université de Caen le flambeau et la perspective d’une valorisation numérique. Il nous a légué toutes les fiches papier de des 57 500 entrées. C’est donc l’une des tâches de ce projet que de remplir enfin ce cahier des charges.
Enquêtes
Enquête n° 2. Mémoires de forêts
Considérant que la forêt est un être vivant qui traverse les âges comme tout être vivant, celle-ci possède donc une mémoire. Une mémoire enfouie dans son sol que les archéologues…
Enquête n° 3. Un village « neuf » du XVIIe siècle : bâti, parcellaire et économie (Balleroy, Calvados)
Dans la lignée de l’enquête sur la commune de Camembert, retenue pour une étude pluridisciplinaire lancée par Jean-Marc MORICEAU en 1996 (« Autour de Camembert : de l’an Mil à l’an 2000 »),…
Enquête n° 4. Artisans et commerçants au village
L’artisan et le commerçant sont les parents pauvres des études rurales. Entre histoire des techniques et histoire économique, cette recherche a été peu travaillée par le Pôle Rural. Une première…
Séminaire
Programme
Archives
Compte rendus
Partenariats
Partenariats nationaux
Laboratoires de recherche
Le Pôle Rural travaille tout d’abord avec les laboratoires de recherche de l’université de Caen Normandie, en particulier :
- Espaces et Sociétés (ESO), UMR 6590 du CNRS et de l’université de Caen Normandie.
- IDEES-Caen, UMR 6590 du CNRS et de l’université de Caen Normandie.
- Histoire, Territoire, Mémoire (HisTeMé), UR 7455 de l’université de Caen Normandie.
- Il a élargi ses collaborations à des laboratoires d’autres universités françaises :
- Centre de Recherche en Archéologie, Archéosciences, Histoire (CReAAH), UMR 6566 du CNRS et des universités de Rennes 1 et 2, Nantes et Le Mans : enquêtes n° 1 et 3.
- Centre d’Études des Mondes Moderne et Contemporain (CEMMC), UR 2958 de l’université de Bordeaux Montaigne : enquête n° 4.
Autres structures de recherche
- Service régional de l’archéologie (SRA) DRAC de Normandie : enquête n° 3.
- Service du Patrimoine du Département du Calvados : enquête n°1 et 3.
Collectivités territoriales
- Isigny-Omaha Intercom / Maison de la Forêt : enquête n° 1.
- Commune de Touques : enquête n° 1.
- Commune de Balleroy-sur-Drôme : enquête n° 3.
Implications du Pôle Rural dans des comités scientifiques
Plusieurs chercheurs du Pôle Rural sont impliqués dans des conseils scientifiques ou des comités de gestion de parcs régionaux et nationaux :
- Parc régional Normandie-Maine et Géoparc mondial de l’UNESCO : Philippe MADELINE est membre du comité scientifique.
- Grand Site et Géoparc La Hague : Élisabeth RIDEL-GRANGER est membre du conseil scientifique.
- Balleroy « Village de caractère du Calvados » : Michel DAEFFLER, Philippe MADELINE et Élisabeth RIDEL-GRANGER sont membres du comité scientifique.
Partenariats internationaux
La question foncière
Après avoir réalisé des séminaires communs entre la MRSH de Caen et le Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturel d’Oran (accord MRSH/CRASC, 2019-2024) sous le thème de : La question foncière : un enjeu majeur dans la construction des territoires et des sociétés, les responsables ont souhaité élargir les débats et les réflexions par la publication d’un ouvrage. Il s’agit d’établir un échange d’expériences de recherches à partir des questions foncières. En plus de la pluridisciplinarité, l’aspect comparatif des expériences reposera sur la présentation des méthodologies d’approche, des sources utilisées dans l’analyse du foncier (contemporaines, mais aussi, historiques), des logiques économiques, sociales et politiques qui produisent des nouveaux modes de gouvernance foncière adoptés par les politiques publiques. Considérée comme une construction toujours renouvelée, la comparaison permettra de « mettre en perspective les valeurs et les choix de la société à laquelle on appartient » (Detienne, 2000) et d’avoir un certain recul par rapport aux différentes expériences foncières à savoir : le politique et ses stratégies de gestion et d’affectation foncières, les pratiques sociales dans l’usage du foncier, le droit et ses limites dans le dénouement de certains conflits fonciers, etc. L’ouvrage est coordonné par Hayette Nemouchi et Benoît Raoulx, dans la collection « Bibliothèque du Pôle Rural » (BPR), dirigée par Philippe Madeline et Élisabeth Ridel-Granger.
Responsables scientifiques
Hayette NEMOUCHI (CRASC, Oran) et Benoît ROULX (unicaen, ESO-Caen).
Structures impliquées
- Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle (CRASC), Algérie (Oran)
- ESO-Caen
- Pôle Rural
Publications
Histoires et Sociétés rurales Première revue internationale francophone consacrée à cette thématique, Histoire & Sociétés Rurales offre une large gamme d’articles de fonds, de sources éditées et de comptes rendus […]
Enquêtes rurales Emanation du Pôle Rural, la série édite depuis 1996 des contributions issues de son séminaire interdisciplinaire. Elle rassemble aussi des actes de journées d’études et des sources intéressant […]
Archives et fonds
Universellement connue par la marque d’un fromage normand, la commune de Camembert a été retenue en 1996 comme « village-observatoire » pour une enquête pluridisciplinaire. Située dans la partie ornaise […]
Les récits historiques n’accordent qu’une place secondaire aux acteurs des campagnes. Sur la longue durée, nous ne disposons pas d’instrument de travail permettant de saisir la trame des événements qui […]
Des siècles durant, le loup a cohabité avec l’homme. Sur un même territoire, homme et loup se sont longtemps affrontés dans une lutte sans merci. Dans l’histoire de l’Europe, le […]
Le Dictionnaire du monde rural est un véritable trésor de la langue française de nos campagnes. Son auteur, Marcel Lachiver, éminent ruraliste, a fini par éclipser le titre même de son […]