De Londres, le 5 May 1689.
Dans la séance du 25 d’Avril, la Chambre Basse entendit le rapport d’vn Gentilhomme venu d’Irlande : où il avoit veû
le Roy de la Grande Bretagne
qui se disposoit à passer en Escosse, avec des troupes fort nombreuses.
Ce rapport confirmépar celuy de plusieurs autres fugitifs, surprit assez la pluspart des Députez, qui avoient facilement ajoûté foy à des relations fort différentes, de l’estat des forces de
Sa Majesté Britannique
. Quelques-vns proposérent à cette occasion, de confisquer les biens de tous ceux qui l’avoient suivi en Irlande : mais cette affaire fut remise à vne plus ample délibération. Le 26, apres la deuxiéme lecture du Bill pour autoriser les Commissaires du Grand Seau, la Chambre délibéra sur ce que l’Orateur représenta que personne ne vouloit avancer de l’argent sur les subsides accordez au
Prince d’Orange
. On jugea à propos de n’entrer pas dans la discussion d’vne matiére si délicate, avant qu’elle eut esté préparée par vn Committé. Il fut résolu ensüite, de présenter vne Adresse touchant la déclaration de la guerre contre la France. Le Bill pour abolir les anciens serments fut renvoyé aux Seigneurs avec quelques additions. Le 27, la Chambre-Basse fut occupée sur le projet d’vn Acte, dans lequel doivent estre compris les articles présentez au
Prince d’Orange
le jour du couronnement, pour les faire passer en loy. Elle délibéra ensüite, sur l’Acte proposé pour obliger les Catholiques de sortir de cette ville, et examiner les clauses inserées par les Seigneurs, qui ne furent pas approuvées.
La proposition de lever vne taxe par teste, sur tous les particuliers sans distinction de qualité, fut examinée
: et les contestations firent remettre l’affaire au lendemain. Mais il ne fut encore rien conclu. Le 29, apres la premiére lecture de deux projets d’acte, l’vn pour permettre le transport des cuirs hors du Royaume, l’autre pour le soulagement des prisonniers. La Chambre Basse reçeut de la part des Seigneurs, de nouvelles additions à l’Acte pour éloigner les Catholiques. Elle ne les approuva pas, et résolut de remettre l’affaire à vne conférence. Le sieur
Hamden
rapporta le projet d’Adresse touchant la guerre contre la France qui ne fut pas approuvé : et il fut ordonné qu’on en dresseroit vn autre. Les deux Chambres présentérent ce mesme jour, au
Prince d’Orange
vne Adresse pour le remercier de la déclaration, et des promesses réïtérées qu’il avoit faitesde protéger l’Eglise Anglicane établie par les loix : pour le prier de faire tenir vne Convocation ou Assemblée du Clergé le plûtost qu’il seroit possible, et reçevoir ses avis sur les affaires Ecclésiastiques : l’assurant aussi que l’intention des deux Chambres estoit de donner quelque soulagement aux Protestants Nonconformistes. Il leur donna de nouvelles assurances de sa protection pour l’Eglise Anglicane : et leur dit que l’exécution de leur dessein touchant le soulagement des Protestants Nonconformistes, seroit beaucoup avantageuse à l’Eglise Anglicane : qu’ainsi il leur recommandoit fortement de faire cesser toutes les animositez qui estoient entre les deux partis, et qu’il feroit convoquer le Clergé aussitost qu’il le jugeroit à propos. Le 30, on proposa dans la Chambre-Basse d’accorder vn nouveau subside pour exécuter le projet d’vn grand armement naval, ce qui estoit impossible sans ce secours. Mais cette affaire fut remise à vne plus ample délibération ainsi que la levée de la taxe par teste.
Le 2, on lut à la Chambre Basse vne Requeste vraye ou supposée, des Archevesques Protestants d’Irlande, pour demander du secours.
Le 3, il fut ordonné dans la Chambre Haute que ceux qui avoient esté emprisonnez, comme ayant part au pretendu meurtre du Comte d’
Essex
, seroient relaschez sous caution. Vn autre pour permettre le transport des bleds hors du Royaume.
Vn autre pour supprimer la taxe sur les cheminées.
Vn autre pour abroger les anciens serments d’Allégeance et de Suprémacie, et établir les nouveaux. Le 4, on lut dans la Chambre des Communes les lettres écrites par le Duc de
Hamilton
touchant les affaires d’Escosse. Le 5, les Seigneurs résolurent quedu revenu ordinaire de la Couronne, six cents mille livres sterlin seroient données au
Prince d’Orange
pour les dépenses de sa maison, gages des officiers, frais des Ambassades et autres dépenses ordinaires : et qu’on y comprendroit aussi les pensions de la Reyne Doüairiére du
Prince
et de
la Princesse de Danemark
, et quelques autres. Que le subside extraordinaire pour l’armement de la flote n’excéderoit pas sept cents mille livres sterlin, et que le reste de la dépense seroit pris sur les revenus ordinaires de la Couronne. Les Evesques avoient fort insisté pour s’opposer à l’Acte qui oblige de prester les nouveaux serments : mais tout ce qu’ils ont obtenu, a esté que
le Prince d’Orange
aura pouvoir d’en dispenser douze personnes, et que moyennant cette dispense, ils pourront joüir du tiers de leurs revenus Ecclesiastiques. Les régiments de Conyers, de Buchanan, de Fitz-Patrik, de
Hales
, de Schomberg et de Douglas ont esté commandez pour passer en Hollande. Celuy du Chevalier
Littleton
estoit du nombre : mais la pluspart des officiers et des soldats ont refusé d’obéïr. Le régiment a esté cassé et incorporé dans celuy de
Churchill
. Les autres destinez pour la Hollande sont si notablement diminüez, qu’on a esté obligé de faire vn détachement de cinq hommes par compagnie, de toutes les troupes pour les rendre complets. Celuy du Comte d’Oxford est aussi commandé de ce costé là : et il doit s’y rendre pour commander toute la cavalerie Angloise. Il y a six régiments destinez pour aller en Escosse, soûtenir le parti de la Convention : où on envoye aussi vingt pieces de canon, deux mortiers, et quelques canoniers.
Le Prince d’Orange
a commandé sept autres régiments pour le secours des Protestans d’Irlande : mais comme le nombre des troupes qui sont sur pied n’est pas suffisant pour en envoyer en tant d’endroits différents, il a esté résolu de lever douze régiments de cavalerie et deux de dragons pour le secours des Irlandois Protestants, d’autant plus qu’ils n’ont presque point de cavalerie, et que celle des Catholiques est de plus de huit mille hommes. Le brüit qui avoit couru de la défaite des Catholiques devant Coleraine ne s’est pas confirmé :au contraire on apprend que les Protestants avoient abandonné la place, et s’estoient retirez à Londonderry : où les régiments de
Cuningham
et de Richard n’ont point esté reçeus, parce que la place manque de vivres. On assure mesmes qu’elle s’est depuis rendüe par composition. On a sçeu aussi que le
Gouverneur
de Kilmore s’est rendu. Les Commissaires de l’Amirauté ayant fait leur rapport ont proposé d’armer soixante vaisseaux de guerre outre ceux qui sont en mer ; et de former ainsi avec les Hollandois vne flote de cent cinquante vaisseaux, dont quarante croiseront vers les costes d’Irlande, cinquante vers la Manche et le reste passera dans la Méditérranée. Mais il ne se trouve pas vn assez grand nombre de vaisseaux de guerre pour exécuter ce projet. Ainsi il a esté résolu d’armer en guerre vingt bastimens marchands, qui ont esté arrestez en divers ports. On commencera à les armer à mesure que les fonds nécessaires seront establis : surquoy on attend les délibérations des deux Chambres. Le brüit court que l’Amiral
Herbert
est à Plymouth avec sept ou huit vaisseaux : et que
la pluspart des autres ont esté fort maltraitez par la tempeste, et obligez de relâcher à Melford.