De Londres, le 16 May 1689.
Le 3 de ce mois, apres la derniére lecture du projet d’acte pour desarmer et éloigner les Catholiques, il fut ordonné qu’il seroit mis en parchemin, avec quelques additions, ainsi qu’vn autre pour autoriser des Commissaires à exercer la charge de Chancellier ou Garde des Seaux.
On mit aussi en délibération la taxe proposée sur tous les particuliers.
On leut l’Adresse qui devoit estre présentée au
Prince d’Orange
, touchant la déclaration de la guerre contre la France : et le 5, elle luy fut présentée par les Communes. Elle contient pour toutes raisons, que la France a depuis plusieurs années, traversé le commerce de ce Royaume :
et que présentement,
le Roy Tres-Chretien
a envahi l’Irlande en donnant secours aux rebelles, c’est ainsi qu’il plaist à la Convention d’appeller les Irlandois fidéles à leur
Roy
.
La Chambre résolut ensüite, d’accorder vn subside de sept cents mille livres sterlin pour les dépenses de l’armement naval. Les Seigneurs proposérent d’exemter les Evesques des nouveaux serments : mais il fut conclu à la pluralité des voix, qu’ils seroient obligez de les prester. Le mesme jour, on publia vne proclamation pour défendre toutes les marchandises et manufactures de France. Le 6, on leut pour la troisiéme fois, le Bill pour imposer vne taxe générale sur tous les particuliers : surquoy il y eut plusieurs contestations. Quelques vns proposoient que tous les Marchands qui auroient cinq cents livres sterlin de fond en payeroient vingt, et les autres à proportion. Mais il fut seulement résolu que ceux qui auroient huit cents livres sterlin de fond seroient taxez sur le pied des Gentilshommes.
Le Prince d’Orange
envoya par écrit, sa réponse à l’Adresse des Communes. Elle contenoit en substance : Qu’il les remercioit de la confiance qu’ils avoient en luy : que jamais aucun motif d’ambition ne luy feroit entreprendre vne guerre qui pût engager la Nation à quelque danger, ou à de nouvelles dépenses : que dans l’estat présent des affaires, il regardoit la guerre contre la France comme nécessaire, puis qu’elle estoit desja déclarée en quelque maniére. Il finit en les assurant qu’il estoit prest d’exposer sa vie pour eux : qu’il ne doutoit pas qu’ils ne luy donnassent tous les secours nécessaires pour soûtenir la guerre contre vn puissant ennemy : et qu’il les assuroit qu’ils ne seroient employez que suivant leur intention. La Chambre-Basse jugeant bien, nonobstant ces déclarations, que le péril estoit pressant, et que la dépense devoit estre plus grande pour soûtenir la querelle du
Prince d’Orange
, que celles de toutes les guerres précédentes, délibéra le 7, en Committé, sur les moyens d’établir vne partie du fond ordonné pour l’armement de la flote. Il fut résolu qu’on y appliqueroit six cents mille livres sterlin qui seroient prises sur les revenus ordinaires de la Couronne. Ensüite, vn Committé fut nommé pour chercher les moyens d’établir vn autre fond de sept cents mille livres sterlin pour cette mesme dépense, les deux sommes payables en treize mois. Le 9, la mesme matiére fut examinée, mais sans rien conclure. La Chambre approuva la proposition d’vn Acte pour casser la Sentence de mort rendüe et exécutée contre le Chevalier Thomas Armstrong : et vn autre pour supprimer la Court des Marches de Galles.
Les Seigneurs envoyérent vn Acte résolu, pour mettre au nombre des crimes de Haute Trahison, toute correspondance et intelligence avec
le Roy de la Grande Bretagne
. Quelques vns mesmes proposérent d’y comprendre ceux qui boivent à la santé de
Sa Majesté Britannique
.
On résolut aussi de demander au
Prince d’Orange
, qu’il ordonnast par vne proclamation à tous les Catholiques, de sortir de Londres, comme soupçonnez de conspirer contre le gouvernement présent. . Le 10, on fit la premiére lecture de l’Acte pour rétablir les Corps ou Communautez dans leurs anciens priviléges. On résolut de demander par vne Adresse, le rétablissement des milices sur vn meilleur pied : et vne escorte de vaisseaux de guerre pour la sureté du négoce du charbon. On fit aussi la premiére lecture du projet d’Acte envoyé par les Seigneurs pour défendre sous peine de Haute trahison, toute correspondance avec
le Roy de la Grande Bretagne
.
Enfin, faute de meilleurs expédients, il fut résolu d’imposer vne taxe sur toutes les maisons basties depuis 1660 : d’augmenter l’impost sur les boissons, et de faire payer vne amende à tous ceux qui n’avoient pas presté le serment du
Test
, süivant les loix, qui viennent d’estre abrogées.
Cependant, tant d’Actes pour établir les nouveaux subsides, n’ont pû encore donner assez de courage aux particuliers pour avancer quelques sommes considerables, estant persüadez qu’ils ne le peuvent faire sans s’exposer à vne entiére rüine. Le 11, il fut résolu que quinze mille livres sterlin seroient prises préalablement sur la succession du feu Chancelier, pour dedommager vn Gentilhomme qui pretend avoir esté contraint à luy payer cette somme.
Le Prince d’Orange
approuva trois Actes : vn pour establir la taxe par teste : l’autre pour regler la maniére de faire la recepte des revenus de la Couronne : le troisiéme, pour vne affaire particuliére. On a publié vne proclamation portant peine de mort contre les matelots qui déserteront. Les Députez de la Convention d’Escosse sont arrivez : et ils auront audience au premier jour.
Vn courier arrivé d’Irlande la semaine derniere, apporta la nouvelle de la prise de Coleraine par les troupes du
Roy
, et quelques autres particularitez qui ont esté tenües fort secretes.
Le 6, il y eut pour ce sujet, vn Conseil extraordinaire. Quelques Seigneurs Irlandois ont proposé de lever des régiments à leurs dépens, à condition qu’ils se rembourseroient sur les biens des serviteurs du
Roy
. Mais ces propositions n’ont pas esté acceptées. Mylord Mont-Alexandre et MylordBlany qui sont depuis arrivez d’Irlande, ont rapporté que tout le Royaume estoit presque soûmis au
Roy
: qu’on croyoit Londonderry rendu : et qu’il estoit impossible de mettre les Protestans en estat de luy resister. L’Evesque de Chester, qui seul d’entre les Evesques a voulu tout abandonner plustost que de manquer à la fidélité envers
Sa Majesté Britannique
, est mort en Irlande. L’Amiral
Herbert
a dépesché vn courier pour demander de l’argent et des matelots. On a ordonné à tous les Officiers dont les Régiments sont allez vers le Nord, de s’y rendre sous peine d’estre cassez. Les troupes Hollandoises marchent de ce costé là. Le Régiment du Comte d’Oxford fut embarqué le 2, pour passer en Hollande : et dans le temps du depart, plusieurs officiers et soldats refusérent d’obéïr et furent cassez. On y a envoyé aussi la pluspart de ceux du régiment de
Dumbarton
qui s’estoient révoltez : et il fallut que le régiment des Gardes le mist en armes et les conduisist jusqu’aux vaisseaux.
Le 14, on fit à la Chambre-Basse la seconde lecture du Bill, passé par les Seigneurs, pour déclarer trahison toute correspondance avec
le Roy de la Grande Bretagne
: et ce Bill fut rejetté tout d’vne voix.