De Londres, le 11 Aoust 1689.
Le 4 de ce mois,
le Prince d’Orange
vint à la Chambre des Seigneurs : où il manda les Communes, et approuva huit Actes :
le 1r pour le subside additionnel sur les boissons
: le 2e pour faire prester les nouveaux serments aux officiers de l’armée, en conséquence de celuy qui abroge les serments de Suprémacie, d’Allegeance et du
Test
: le 3e pour supprimer la Cour des Marches de Galles : le 4e pour transférer aux deux Vniversitez d’Orford et de Cambridge, le droit de nommer aux Bénéfices qui estoient à la présentation des Catholiques : le 5e et le 6e pour établir des Cours de conscience à Newcastle, à Bristol et à Glocester : le 7e pour regler les salines de Droitwich : et le 8e pour des affaires particuliéres. La Chambre Basse remit à vn Committé l’examen de quelques requestes touchant les pensions assignées sur l’Eschiquier, entre autres celle de la Duchesse de Monmouth. On délibéra ensuite, pour établir au
Prince
et à
la Princesse d’Orange
vn revenu fixe : et l’affaire fut remise à vne autre séance à cause des contestations qui survinrent : les vns ne voulant l’accorder que pour trois ans, les autres pour six, et les autres durant leur vie. Le 5, les Seigneurs eurent vne conférence avec les Communes, touchant l’affaire de Titus
Oats
: et leurs Commissaires communiquérent les raisons qui les empeschoient de consentir à l’Acte dressé par les Communes pour le réhabiliter entiérement. La principale fut qu’ils croyoient qu’il estoit de l’honneur de la nation de ne pas souffrir que le témoignage d’vn homme diffamé pour ses parjures, fût jamais reçeu dans aucune Cour de Iustice. Les Députez des Communes firent leur rapport : et la Chambre jugeant que Titus
Oats
n’estoit pas plus coupable que tant d’autres qui ont esté justifiez sans aucune opposition des Seigneurs, persista dans sa premiére résolution. Le 6, l’Acte pour défendre le commerce et les manufactures de France fut rapporté à la Chambre des Communes pour y ajoûter diverses clauses : entre autres, la défense d’avoir aucun commerce en France, mesme par lettres, sous peine de Haute Trahison, à commencer depuis le 20e de ce mois. Les Seigneurs résolurent de demander la communication des registres de l’Amirauté, pour s’informer de la condüite de ceux qui avoient esté chargez de l’armement destiné contre l’Irlande. Les deux Chambres donnérent terme à l’Archevesque de
Cantorbery
et aux Evesques d’Oxford, de Bath et Wells, de Chester et de Peterborough jusqu’au 11e de ce mois, pour venir prester les nouveaux serments : à faute dequoy on les menace de procéder contre eux et de les suspendre. Le 8, le Committé establi pour examiner la condüite de ceux qui ont esté chargez des affaires d’Irlande et d’envoyer du secours à Londonderry, déclara que l’Amiral
Herbert
ne pouvoit estre accusé d’avoir manqué à son devoir.
On délibéra ensüite sur l’établissement d’vn revenu fixe pour
le Prince
et
la Princesse d’Orange
. Le 9, il fut conclu qu’on leur accorderoit les droits de Doüane et de l’Excise ou impost sur les boissons, pour en joüir durant leur vie.
Les Seigneurs mandérent qu’ils persistoient dans leur premiersentiment touchant l’acte pour réhabiliter Titus
Oats
. Cette contrariété d’avis fit que le lendemain 10, il fut ordonné que les journaux de la Chambre seroient examinez pour voir ce qui s’est pratiqué en pareilles contestations.
Le jeune Prince de Danemark
fut baptisé le 6 de ce mois, à Hamptoncourt par
l’Evesque de Londres
, et nommé Guillaume. Il fut tenu sur les fonts par
le Prince d’Orange
et le Comte de
Dorset
: et par la Marquise de Hallifax. On a envoyé ordre d’armer avec toute la diligence possible, des frégates du premier et du deuxiéme rang, pour augmenter l’armée navale. Deux petits bâtiments arrivez le 30 à Falmouth, rapportent que le 28, elle estoit à la hauteur de Oüessant, composée d’environ soixante vaisseaux, outre plusieurs brûlots et bâtiments de charge. Elle est divisée en trois escadres. La premiére est celle de Hollande commandée par le Vice Amiral de Zélande. Les deux autres escadres sont celle du pavillon rouge, en trois divisions, commandées par le Vice-Amiral William Davies, par l’Amiral
Herbert
, et par Mylord Berkley Contre-Amiral : et celle du Pavillon bleu commandée par le sieur Edoüard
Russel
Amiral, le sieur Henry Killigrew Vice-Amiral, et le Chevalier Iean Ashby Contre-Amiral. Les troupes qui doivent passer en Irlande s’assemblent toûjours à Chester et à Léverpoole : où on commence à les embarquer. Mais on attend encore les bastimens dont on a besoin pour leur transport : et elles ne pourront partir de quelques jours. Des soldats du régiment du Comte d’Oxford se sont mutinez faute d’estre payez : il y en a eu quelques vns tüez : et les autres ont esté arrestez. Aujourdhuy, l’Evesque de Durham a presté les nouveaux serments : mais l’Archevesque de
Cantorbery
refuse toûjours de les prester. Des armateurs François ont enlevé depuis peu à l’embouchure de la riviére de Chester, quelques bastiments chargez d’armes et de munitions, qui faisoient partie de la flote destinée pour passer en Irlande. Plusieurs avis d’Escosse portent qu’il y a eu vne rencontre entre les troupes du Vicomte de
Dundie
et le Major Général
Mackay
: et que le dernier avoit esté misen füite, apres avoir perdu beaucoup de monde. On dit mesme qu’il a esté tüé. Mais on ne sçait encore aucun détail de ce combat. On n’a aucunes nouvelles certaines de Londonderry, si ce n’est que le Colonel
Kirke
n’y avoit pû faire entrer du secours : que les assiégez manquoient de pain, de munitions et de plusieurs choses nécessaires depuis plus de quinze jours : que la place estoit fort pressée : et qu’elle ne pouvoit pas résister longtemps, si elle n’estoit promtement secourüe.