De Londres, le 22 Aoust 1689.
La conférence tenüe la semaine derniere, entre les Députez des Seigneurs et ceux des Communes, touchant l’affaire de Titus
Oats
se passa en contestations. Les Comtes de
Notingham
et de Rochester portoient la parole pour les Seigneurs : et les Chevaliers
Tréby
, Mainard, et Howard avec le sieur Summers pour les Communes. Ceux cy exposérent fort au long, l’histoire de la prétendüe conspiration des Catholiques, avec les ridicules circonstances que les rebelles ont employées si souvent pour tâcher de la rendre vraysemblable, sans y ajoûter aucunes nouvelles preuves, sinon que les témoins qui avoient déposé contre
Oats
avoient reçeu trois mille livres sterlin. Ils parlérent avec beaucoup de véhémence contre les Iuges qui l’avoient condamné comme parjure : contre les témoins et les Iurez, et conclurent que si la sentence subsistoit, la Chambre des Communes demeureroit notée d’vn éternelle infamie, pour avoir poursuivi la condamnation du feu Vicomte de Stafford, etdes autres Catholiques, qui ne pouvoient estre considérez comme coupables, si
Oats
n’estoit déclaré innocent. Les Comtes de
Notingham
et de Rochester soûtinrent vigoureusement le résultat de leur Chambre : et déclarérent aux Députez des Communes, que sans rechercher de nouvelles preuves pour les convaincre que tout ce qu’on avoit avancé contre Titus
Oats
estoit véritable, il suffisoit de les faire souvenir, qu’il avoit eu assez d’insolence, pour vouloir accuser la Reyne Doüairiére, d’avoir eu part à la conspiration, et que cette calomnie atroce avoit fait horreur aux deux Chambres. Enfin ils conclurent qu’il estoit de l’honneur de la nation, de ne pas souffrir que le témoignage d’vn tel homme fût reçeu dans aucune Cour. Cette conférence ne produisit aucun effet. Le 11, la Chambre-Basse ne s’assembla pas. Le 12, l’affaire d’
Oats
fut encore examinée : et les Communes résolurent de persister dans leur premier sentiment, en rejettant la clause proposée par les Seigneurs, pour le rendre incapable de témoignage en justice. Le 13, il fut résolu que dans l’Acte par lequel tout commerce avec la France sera défendu, il y aura vne clause ajoûtée pour prescrire vn terme durant lequel il sera permis de débiter les vins de France, et pour en fixer le prix. On représenta que l’Acte qui abolit les anciens serments estoit défectüeux, en ce qu’il ne contenoit aucunes peines contre les Catholiques : celles qui estoient portées par les anciens Actes ne pouvant estre exécutées contre eux, puis qu’ils estoient abrogez. Il fut résolu d’y ajoûter pour cet effet, vne nouvelle clause. La Chambre Basse délibéra ensüite, sur l’estat des affaires présentes : et résolut de présenter vne adresse au
Prince d’Orange
pour sçavoir qu’elle estoit la cause du retardement des secours ordonnez pour les Protestants d’Irlande : pourquoy les vaisseaux marchands faute de convois, estoient si souvent pris par des armateurs François : et enfin, pourquoy les flotes Angloise et Hollandoise avoient laissé entrer dans Brest l’escadre venüe de Provence sans la combattre. Quelques-vns proposérent de demander que le Marquis de
Hallifax
fût éloigné du Conseil : mais il y eut cent sept voix pour lanégative, et seulement quatrevingt dix sept pour l’affirmative. Le projet d’vn réglement pour les milices fut examiné et rejetté comme n’estant pas pratiquable. Il fut ordonné qu’on en dresseroit vn autre. On avoit reçeu la semaine derniére, des nouvelles d’vn grand combat entre le Vicomte de
Dundie
et le Major Général
Mackay
, qu’on disoit avoir esté défait et tüé. On a depuis appris, que le combat s’est donné le 6 de ce mois, vers
Blaire d’Athol
, que les Escossois et Irlandois du parti du
Roy
avoient eu l’avantage, et mis en füite vne partie des troupes du Général
Mackay
: que le régiment de Hastings et quelques autres Anglois, avoient enfin esté obligez de faire retraite, et de laisser les Escossois maistres du champ de bataille : mais que le Vicomte de
Dundie
avoit esté tüé. On n’en eut d’abord aucune preuve, si ce n’est que dans la derniére charge, le Colonel Canon estoit à la teste des troupes : et qu’on n’y remarqua pas le Vicomte de
Dundie
, plusieurs ont assuré depuis qu’il est mort quatre heures apres le combat. Mais le Général
Mackay
se retira le jour mesme, avec précipitation : et arriva à Sterling le 8 de ce mois, seulement avec quinze cents hommes, de plus de cinq mille qu’il commandoit. Le Colonel Balfour et le Lieutenant Colonel
Mackay
, plusieurs autres officiers et plus de trois mille hommes ont esté tüez. Les troupes qui s’estoient assemblées dans le Comte d’Athol et qui avoient observé vne espéce de neutralité, profitant du desordre de celles du Général
Mackay
, les chargérent dans leur retraite : et firent main basse sur tous ceux qui tombérent entre leurs mains. On demeure d’accord que le combat a esté fort sanglant : et la retraite précipitée du Général
Mackay
, la diminution considérable de ses troupes, et l’hostilité de celles d’
Athol
font croire que la défaite a esté entiére et ont causé icy vne grande consternation. Le 14, vn courier arrivé d’Irlande à Hamptoncourt, rapporta que le de ce mois, le Major Général
Kirke
avoit fait entrer trois petits bastiments chargez de vivres dans Londonderry, avant forcé les estacades qui estoient à l’entrée de la riviére : et mesmes que le siége a esté levé. Mais on attend encore la confirmation decette nouvelle. On assure aussi qu’il s’estoit depuis retiré vers l’Isle d’Inch, où le Colonel
Steward
avoit armé quelques Protestants qui s’y estoient rendus de divers endroits : et qu’il avoit dix huit compagnies d’infanterie. Vn détachement de ces troupes qu’il envoyoit vers Remallin, fut chargé le 28 du mois dernier, par vn parti de celles du
Roy
, commandées par le Duc de
Berwick
, et fut presque entiérement défait. Les troupes destinées pour passer en Irlande, s’assemblent toûjours à Chester : mais elles ne peuvent partir de quelques jours, faute des vaisseaux dont elles ont besoin.