De Londres, le 1r Décembre 1689.
Le 24 du mois dernier, les gardes de la compagnie des ouvriers en soye, eurent audience des Communes : et présentérent vn mémoire de plusieurs articles touchant leur négoce. Ils déclarérent en mesme temps, qu’ils n’avoient aucune part à la requeste présentée il y a quelques mois, par vn grand nombre de ces ouvriers : et qu’ils la desavoüoient, comme ayant esté dressée tumultüairement, et les signatures extorquées. Cette affaire et quelques autres semblables furent renvoyées au Committé des manufactures. Les Seigneurs envoyérent le mesme jour, vn Acte pour punir les soldats et officiers deserteurs, et pour prévenir les fausses reveües, d’autant plus que la pluspart de celles des troupes estrangeres se trouvent telles. Le Chevalier Iean Guise fit son rapport de l’Adresse présentée au
Prince d’Orange
, pour luy demander qu’il nommast des personnes capables afin d’aller en Irlande, et dresser vn estat exact du nombre des troupes. Il dit qu’il avoit promis d’y envoyer incessamment suivant le desir de la Chambre. Enfin, apres avoir examiné en Committé général, les plaintes des marchands contre plusieurs Capitaines de vaisseaux, il fut déclaré que le défaut de convois, avoit esté vn grand obstacle pour le commerce, et donné occasion à plusieurs pertes considérables pour la nation. Le 25, la séance fut occupée en partie sur des contestations pour les élections de quelques Députez, qui furent déclarées nulles, comme procurées par argent et d’autres mauvaises voyes. Ceux qui avoient esté élûs pour le bourg de Stokbridge, furent déclarez incapables de servir en qualité de Députezen ce Parlement. On proposa mesme de priver ce Bourg du droit de députer : mais cet avis ne fut pas süivi. Le 26, il fut ordonné qu’on remettroit entre les mains du Committé chargé d’examiner les dépenses de la guerre, les papiers concernant les montres : et que quelques Capitaines de vaisseaux seroient citez pour répondre aux articles présentez contre eux par les marchands. Le 28, la requeste que le Docteur
Walker
avoit présentée au nom des veuves et des enfans orphelins de ceux qui sont morts à Londonderry durant le siége, fut leüe et approuvée. Il fut résolu de prier
le Prince d’Orange
de leur distribüer de ses deniers, dix mille livres sterlin, et de faire quelque libéralité aux Ecclésiastiques Protestants qui ont esté dans la ville durant le siége. La Chambre délibéra ensüite, sur les difficultez qu’il y avoit à trouver de l’argent sur les sommes accordées par le dernier subside, ceux qui en avoient fait sur les précédents, n’estant pas encore remboursez, et demandant de nouvelles suretez pour leur dette.
Il fut résolu que ceux qui depuis le 21 de Novembre dernier, avoient avancé quelques sommes au dessous de trois cents mille livres sterlin sur le subside de douze sols pour livre sterlin, auroient la liberté de prendre pour hypothéques du capital et des interests de leur dette le fond qui seroit produit par la levée de trois schelins par livre sur la taxe des terres, quand l’Acte en sera passe.
On leut ensüite, la requeste du sieur Arthur Baily et d’autres marchands qui se plaignoient de ce que les officiers des vaisseaux de guerre avoient enlevé par force, des matelots de leurs bastiments : de sorte qu’ils n’y en avoient pas laissé vn nombre suffisant pour la manœuvre, ce qui avoit esté cause de la perte de ces vaisseaux. Cette plainte fut écoutée avec grande attention, et renvoyée à vn Committé : auquel on donna tout le pouvoir nécessaire pour reçevoir de semblables plaintes, dresser les informations, et tirer les papiers et les registres dont il seroit besoin, pour faire vne exacte recherche de ces véxations, qui interessoient si fort le commerce de la nation. Plusieurs autres Marchands comparurent à la Barre de la Chambre : et se plaignirent de ce queles Capitaines des vaisseaux de guerre commandez pour les escorter, avoient exigé de grandes sommes pour cette escorte. On entendit divers témoins : et apres que la matiére eut esté debatüe, il fut dit que ces sortes d’exactions estoient contraires aux loix qu’elles tendoient à l’oppression des Marchands et à la destruction du commerce : que le Capitaine George
Churchill
comme coupable de cette véxation, seroit arresté et envoyé à la Tour : ce qui fut exécuté le lendemain. La Chambre résolut aussi de protéger tous ceux qui donneroient des avis sur ces articles. Le 29, on examina l’affaire du feu Chevalier Thomas Armstrong : et la sentence rendüe contre luy fut déclarée contraire aux loix, particuliérement au statut d’Edoüard VI, qui permet la révision des procez criminels de ceux qui ont esté condamnez par contumace. On ordonna suivant l’avis des Commissaires chargez de l’examen de cette affaire, que les parents et héritiers du Chevalier Armstrong seroient dédommagez de tous dépens et interests, sur les biens des Iuges qui avoient prononcé la sentence, et de ceux qui avoient esté parties. Enfin, que les lettres d’erreur accordées ordinairement par le Prince pour la révision des procez, mesmes en cas de Haute Trahison, n’estoient pas des graces, mais vn droit des sujets, qui ne pouvoit leur estre refusé sans injustice. Les Seigneurs envoyérent vn acte pour empescher les mariages des enfans mineurs, sans le consentement de leurs parens, ou tuteurs. Enfin, on déclara que la résolution du jour précédent pour assurer les dettes de ceux qui avanceroient de l’argent, devoit s’entendre des sommes qui seroient prestées cy apres, comme de celles qui avoient esté avancées : mais en limitant les vnes et les autres, à trois cents mille livres sterlin. Le 30, on reçeut de nouvelles plaintes contre des Capitaines de vaisseaux de guerre, qui avoient enlevé diverses marchandises sur des vaisseaux marchands. On travailla à vn Acte pour réhabiliter la mémoire du Capitaine Valcot, et à celuy qui autorise la taxe de trois schelins par livre sterlin sur les terres. On a eu avis de Dundalke en Irlande, par des lettres du 18 de ce mois, que le 27, lestroupes commandées par le Maréchal de
Schomberg
, avoient commencé à décamper pour entrer en quartier d’hyver, dans les lieux les moins rüinez, où elles auront néanmoins peine à subsister sans les convois de ce païs-cy. Six régiments d’infanterie sont demeurez à Dundalke : et le quartier général sera à Lisnegarvey. L’armée du
Roy
avoit commencé à décamper la semaine précédente : et sept régiments estoient demeurez à Ardec, et quelques autres à Drogheda. On a eu avis de Hull, que soixante bastiments du nombre des cent sur lesquels les sept mille Danois estoient embarquez, y relâcherent le 23 : n’ayant pû continüer leur route vers l’Escosse, à cause du vent contraire.
Quelques vaisseaux qui ont esté écartez par la tempeste ont relâché à Tinmouth et en d’autres ports : et plusieurs se trouvent démastez et fort maltraitez.
Des Commissaires y ont esté envoyez pour dresser vn estat de ces troupes : et leur faire fournir les choses nécessaires. Elles doivent estre condüites à Leverpoole, à Highlake et à Bristol : et
le Prince d’Orange
a ordonné sans la participation de son Parlement, que dans tous les endroits de leur passage, les habitans payeront vn schelin à chaque cavalier, et six sols à chaque fantassin.
Mais comme cette nouveauté, qui est contraire à la liberté publique, pourroit causer du trouble, il a promis de les faire rembourser par les receveurs de l’Excise.
Il a enfin fait publier vne proclamation, pour faire arrester le Colonel
Ludlow
, avec promesse de deux cents livres sterlin de récompense, à ceux qui le remettront entre les mains de la Iustice.
Vn vaisseau marchand Portugais a esté arresté dans la Tamise, sous prétexte qu’il portoit des poudres, des armes et des habits en Irlande, pour le service du
Roy
.
Vn Chapelain de l’Evesque de Durham a esté condamné à vne amende de cent marques et à estre mis au pilory, pour avoir composé vne piece, dans laquelle le sermon prononcé au couronnement du
Prince d’Orange
estoit tourné en ridicule. On a leu dans les Paroisses, vne lettre adressée au Clergé, pour recommander les Religionnaires rebelles des vallées de Piémont, quisont Ioüez dans cette lettre, comme faisant profession de la pureté de l’Evangile, depuis le temps des Apostres. Cette recommandation faite dans vn temps, auquel on attendoit qu’ils feroient vne diversion considérable, n’a pas beaucoup servi à exciter la charité publique, d’autant plus qu’on se plaint qu’vne partie des deniers amassez pour les Protestans fugitifs d’Irlande, a esté employée à augmenter les troupes estrangéres, dont le nombre n’est déja que trop grand en ce Royaume. Le 30, le Clergé de ce Diocese, s’assembla pour choisir les Députez à la prochaine Convocation ou Assemblée du Clergé qui doit travailler à la réünion des Presbytériens, qui paroist toûjours fort difficile.
L’Evesque de Londres
fut choisi Orateur pour les Pairs Ecclésiastiques, et le Docteur Iane pour le second ordre. Plusieurs refusérent de s’y trouver, estant persüadez que cette assemblée n’estant pas plus légitimement convoquée que celle qui fut tenüe durant la longue rebellion, ne peut avoir que des süites aussi fâcheuses pour l’Eglise Anglicane, puis qu’elle se fait sans l’autorité du
Roy
et de l’Archevesque de
Cantorbéry
Primat du Royaume. Plusieurs personnes de qualité qui servoient dans l’armée d’Irlande sont revenües malades.