De Naples, le 22 Décembre 1682.
Le 15 de ce mois, le sieur Muti nouveau Nonce du
Pape
arriva en cette ville : et il est logé au Monastére du Monte-Olivéto, en attendant qu’on ait meublé son Palais. Le Prince de Montésarchio Général des galéres de Sicile est aussi arrivé ici. Les plaintes sont si générales en cette ville, à cause que le
Marquis de los Vélez
a permis de nouveau la traité des bleds, des huiles et de toutes sortes de bestiaux, que
l’on craint plus que jamais, vn soûlevement
. On n’expose dans les boucheries que de la viande fort mauvaise : et on la vend au double du prix ordinaire. Le 8e de ce mois, ce
Viceroy
passant dans la rüe de Toléde, entendit des
menaces de la populace
, qui luy firent craindre de mauvaises süites. Les soldats du Régiment Espagnol logé dans le poste de Pizzofalcone, ont esté
sur le point de se mutiner
, parce qu’il y a plusieurs mois qu’ils n’ont esté payez, et qu’on ne leur donne pas mesme des vivres : de sorte qu’vn grand nombre sont
morts de faim
. La Cavalerie avoit mesme commencé à prendre les armes : et les officiers furent obligez d’aller trouver le
Viceroy
, à qui ils voulurent remettre leurs charges. Il les appaisa, en les asseurant qu’il feroit au plûtost donner à ces troupes les choses nécessaires. Le Conseil s’assemble tous les jours pour chercher les moyens de trouver de l’argent : mais sans aucun succez. On a fait publier qu’on vendra tous les domaines et les
autres biens, de quelque nature qu’ils soient, que le
Roy d’Espagne
posséde encore en ce Royaume.
Sa M. Catholique
ayant envoyé les pleins pouvoirs nécessaires afin qu’ils puissent estre aliénez avec vne entiére seureté pour les acquereurs. Les
Bandits de la Province de Salerne battent publiquement la caisse
: et levent des gens à qui ils donnent vne solde réglée par mois. Ils continüent leurs
desordres
sans avoir aucun respect pour les Eglises, pour les Convents, ni pour les Ecclésiastiques : et ils
font tous les jours, des prisonniers
qu’ils mettent à rançon. Cependant, on ne donne aucuns ordres pour remédier à ces maux, qui excitent la
haine des peuples
contre le
Marquis de los Vélez
, et leur font attendre avec impatience l’arrivée du
Marquis de Liche
, dans l’espérance qu’il leur donnera quelque soulagement.