Du Camp devant Neuhausel , le 9 Aoust 1685.
L'Electeur de Baviére
, accompagné du
Prince Charles de Lorraine
, alla aussi tost qu'il fut arrivé ici , visiter tous les postes. La nuit suivante , il demeura long temps à la tranchée : & il contribüa beaucoup par sa presence à l'avancement du travail. Il s'est trouvé depuis, à toutes les occasions les plus importantes : & il a animé par son exemple , les Officiers & les Soldats à faire leur devoir. La nuit du 2 au 3 de ce mois , les assiégez entrerent avec deux bateaux dans le fossé : mais ils
y trouvérent une si bonne garde , qu'ils furent obligez de se retirer sans rien entreprendre. Le mesme jour , un Mousquetaire fut commandé pour sonder la profondeur de l'eau qui restoit dans le fossé : & il la trouva encore de quatre ou cinq pieds en plusieurs endroits. Le soir , le Colonel Bourgsdorff Commandant de Dusseldorf , qui estoit arrivé au Camp le jour precedent , fut tüé d'un coup de mousquet à la teste : & dans le temps qu'on emportoit son corps, il reçeut un autre coup au bras. La nuit suivante , on dressa sur le bord du fossé , une batterie de vingt piéces de canon pour battre la place de plus pres. Le 4 , on commença de travailler par la sappe du costé de l'attaque des troupes de Brunswich. Les assiégez incommodérent fort les travailleurs par un feu continüel de canon & de mousqueterie. Mais on ne laissa pas de continüer le travail & de le pousser jusqu'au milieu de la ligne de communication , vis-à-vis de la courtine : & on dressa une nouvelle batterie de quatre mortiers. La nuit suivante , des Grenadiers furent détachez pour se saisir des deux bateaux avec lesquels les assiégez étoient entrez dans le fossé : mais ils ne les y trouvérent pas. Le 5 , à la pointe du jour , les Turcs firent un si grand feu d'une batterie qu'ils avoyent dressée au milieu de la Courtine qu'ils mirent les travailleurs en desordre , rüinérent une grande partie de la galerie , & tüérent ou blesserent beaucoup de Soldats , parce qu'ils n’estoient pas encore assez à couvert. On fut ainsi obligé de discontinüer ce travail jusqu'au soir. Des Heyduques furent commandez pour travailler à l'élargissement de la ligne de communication à la gauche , & pour la garde du canal. On résolut de travailler en diligence à attacher le Mineur , afin que selon les breches que feroient les fourneaux , on jugeât s’il seroit à propos de hazarder l’assaut. Le 6 , les troupes Auxiliaires de Cologne & de Franconie estant arrivées , le Prince Charles de Lorraine , suivant la liberté que
l’Empereur
lui avoit laissée d’agir comme il le jugeroit à propos pour le secours de Gran , partit avec
l’Electeur de Baviére
,
le Prince de Waldeck
& les Généraux Majors à la teste de quatre vingt dix escadrons & de quarante bataillons , faisant une armée d’environ trente cinq mille hommes , en résolution d’aller combattre celle des Turcs. Le Prince de Conti , & le Prince de la Roche sur Yon , suivis de tous les volontaires François , partirent aussi avec
le Prince Charles de Lorraine
. Le 7 , les troupes passérent pres de Comorre : mais au lieu de marcher par le chemin le plus court , on jugea à propos de prendre la route de Papa & de Toris le long des montagnes pour attaquer les Turcs en tombant sur leur arriéregarde. Un Lieutenant sorti de Gran vint trouver le Prince Charles de Lorraine , pour l'asseurer que l'Armée Othomane n'estoit que de quarante mille hommes , la pluspart de troupes ramassées & sans experience. On apprit par une autre voye, que le Seraskier Bacha faisoit battre Gran avec deux batteries , chacune de huit pieces de canon , & six mortiers : que la seconde retirade de la contrescarpe ayant esté abattuë , il avoit fait attaquer la contrescarpe de la ville basse. Mais qu'il avoit esté repoussé avec perte de deux ou trois cents hommes tüez ou blessez : & que le Major Funk en avoit aussi tüé deux cents dans une sortie qu'il avoit faite en mesme temps par la Vasserstat. Le Prince Charles de Lorraine avant que de partir du camp , donna les ordres necessaires, pour la continüation du siége : & il laissa à cette fin huit mille chevaux & douze mille hommes de pied sous le commandement du Comte
Caprara
Mareschal de Camp Général ; & du
Duc de Croy
Général de l'artillerie. On a depuis , travaillé â rétablir les galeries , à asseurer les logemens, à preparer les mines & à perfectionner les autres ouvrages necessaires pour l’avancement du siége. Les Assiégez continüent aussi de se défendre avec une vigueur extraordinaire.