De Perpignan, le May 1689.
Le Duc de Noailles
Lieutenant Général des armées du
Roy
, ayant résolu d’attaquer Campredon, ordonna aux troupes de se rendre le 14 de ce mois, au camp du Boulou à trois lieües d’icy, pour faire croire qu’il avoit dessein d’entrer en Catalogne par le Col de Pertus. Il fit marcher de ce costé là, quelques détachements de la garnison de Bellegarde pour occuper les hauteurs, et y attirer les Miquelets Espagnols, et faire cependant passer le Praz de Mollo aux troupes qui devoient investir Campredon. Le mesme jour, il se rendit au Boulou, avec cinq bataillons, douze pieces de canon et deux mortiers. Le 15, vne partie des troupes sous les ordres du Marquis de Rivarol Maréchal de Camp, laissant le Col de Pertus à gauche, passa le pont de Ceret. Ce détachementayant joint le Comte de Chazeron passa par le Pras de Mollo : et investit Campredon.
Le Duc de Noailles
y arriva le 28, apres vne longue et penible marche. Le soir mesme, il se rendit maistre de la ville : et fit commencer l’attaque du Chasteau qui est de quatre bastions, où il y avoit cinq cents hommes de garnison commandez par Dom Diégo Rodado. Le 19, il donna les ordres pour les travaux : et posta des Carabiniers du Régiment du Plessys Belliére sur deux hauteurs, d’où ils incommodérent fort les assiégez. Le mesme jour, nos Miquelets qui occupent des montagnes voisines, furent attaquez par ceux d’Espagne, soûtenus des Sommetins, qui sont des milices du pays fort aguerries, et faisant ensemble plus de trois mille hommes : mais ils furent repoussez. Cependant, ces mesmes Miquelets n’ayant pû exécuter le dessein de se saisir du passage du Col d’Ares, se mirent en estat d’attaquer le camp. Mais
le Duc de Noailles
qui en fut averti, envoya le Marquis de Rivarol pour l’attaquer dans le village de Saint Paul, avec vn détachement de dragons, deux compagnies de grenadiers et des carabiniers. Le 21, il les attaqua si vigoureusement, qu’apres vne longue résistance, ils prirent la fuite, se sauvant par des lieux inaccessibles. Il y en eut plus de soixante dix tüez sur la place : outre plusieurs tüez et blessez dans la descente. On prit leurs magasins de vivres, avec trois baguettes de Viguier qui sont des marques de leur autorité : et on fit vn assez grand butin. Il y eut en cette occasion, vingt soldats et quelques officiers tüez ou blessez. Le mesme jour 21, six piéces de campagne arrivérent au camp : et le régiment du Plessys Belliére monta la tranchée. Le 22, le Gouverneur de la Tour de la Roque se rendit : et apres qu’on eut commencé à jetter des bombes dans le Chasteau de Campredon, le Gouverneur demanda à capituler. Le 23, il sortit avec sa garnison qui estoit de cinq cents hommes : et vn trompette leur fut donné pour les condüire à Girone en trois jours. Il n’y a eu en cinq jours de tranchée ouverte devant la place et dans les deux combats contre les Miquelets, qu’environ soixante hommes tüez ou blessez.