De Dublin, le 11 May 1689.
Lors que le Comte de
Tyrconnel
eut appris que
le Roy de la Grande Bretagne
estoit arrivé à Cork, il partit de Dublin : et il y arriva le 29 de Mars, dans vn carosse à six chevaux, précédé de ses trompettes, de ses gardes et de cent Gentilshommes à cheval.
Le Roy
l’ayant apperçeu s’avança vers luy jusqu’à la porte de sa Chambre, l’embrassa, et luy par la en des termes proportionnez à la grandeur de ses services.
Sa Majesté
le fit dîner à sa table : l’ayant fait mettre à sa droite et le Duc de
Berwick
à sa gauche. Le soir, il le créa Duc de
Tyrconnel
.
Le 30,
Sa Majesté
partit de Cork : et arriva en cette ville, le 3 d’Avril Dimanche des Rameaux. On ne peut exprimer la joye et les acclamations continüelles des peuples dans toute la route.
Le Roy
ayant résolu de demeurer quelques jours en cette ville, fit expédier des lettres circulaires pour la convocation d’vn Parlement.
Le 16, le Comte d’
Avaux
Ambassadeur de Franceeut sa premiere audience publique de
Sa Majesté
: et luy présenta le sieur
Rose
et le sieur de
Maumont
Lieutenants Généraux, le sieur de Léry et quelques autres Officiers François. Le sieur de
Pusignan
et le sieur de Boisselot estoient allez avec le Duc de
Berwick
, joindre le sieur
Hamilton
dans le Nord, pour s’opposer aux rebelles : qui ayant fait le degast dans le pays, afin que l’armée du
Roy
ne pût aller à eux faute de vivres, s’estoient fortifiez dans plusieurs places.
Le Roy
résolut d’y aller en personne : et partit le 28, pour le Nord.
La premiére et la deuxiéme journée, les chemins estoient converts d’vne foule extraordinaire de peuple qui couroit au devant de
Sa Majesté
: et les femmes en troupes précédées par des musettes, luy venoient présenter des fleurs.
Lors qu’on fut arrivé pres de Charlemont, on trouva la pluspart des villages abandonnez. On rencontroit seulement plusieurs troupes d’Irlandois armez qui se rendoient aupres du
Roy
. A son arrivée à Charlemont, il eut avis que les rebelles ayant esté chassez d’vn retranchement par le sieur de
Pusignan
, et sçachant que
Sa Majesté
venoit à eux en personne, avoient abandonné Coleraine place fort considérable. Les bagages avoient desja pris les devants : mais on les fit revenir, parce que les ennemis estoient proche : et
le Roy
vint à Omagh. Il y reçeut avis que le 25, le sieur
Hamilton
ayant passé pres de Lifford, vne riviére à la nage, avoit mis en füite les rebelles, dont deux ou trois cents estoient demeurez sur la place : que le sieur
Rose
avoit passé de mesme la riviére de Strabane : et avec quatre à cinq cents chevaux, il avoit entiérement défait plus de cinq mille rebelles.
Le 27,
le Roy
partit d’Omagh pour aller à Londonderry : espérant que sa présence feroit rentrer les rebelles dans le devoir.
La marche fut tres penible à cause du mauvais temps, et parce que les troupes manquoient de vivres. Le 28, il envoya vn trompette pour sommer les assiégez, qui ne répondirent que par vn grand feu de canon et de mousqueterie.
Le Roy
fit le tour de la place : et donna les ordres au sieur
Rose
pour commencer l’attaque dans les formes dés que le gros canon seroit arrivé. Il partit en--süite : et revint le 29, à Sir Iohnstown, qui est à six milles de Londonderry. Il en partit le 30 : et alla à Strabane. Le 1r de ce mois,
Sa Majesté
vint à Omagh, où les Députez de Castle-Dergh vinrent luy faire leurs soûmissions : et il leur accorda vne amnistie générale. Le 2,
le Roy
vint à Charlemont : où il apprit que les assiégez de Londonderry ayant fait sortir la plus grande partie de leurs troupes au nombre de cinq mille hommes, avoient attaqué vn détachement de trois cents hommes envoyez pour serrer le fort de Kolmore, qui commande l’entrée de la ville du costé de la mer. Que le sieur de
Maumont
avec soixante dragons, quarante chevaux, et quelques volontaires et officiers, les avoit secourus si à propos et avec tant de bravoure, qu’il les avoit mis en fuite, nonobstant la grande inégalité du nombre. Mais qu’il avoit esté tüé avec ses deux Aydes de camp. Le Chevalier Georges Howard et quelques autres personnes de qualité furent blessez. Le Duc de
Berwik
eut deux chevaux tüez sous luy.
Le Roy
partit de Charlemont le 3 : et arriva le mesme jour, à Neurie : le 5, à Drogheda : et le 6 en cette ville : où on attend dans peu de jours, la nouvelle de la prise de Londonderry.