De Ratisbonne, le 10 Fevrier 1689.
La Diete a presque toûjours esté occupée depuis dix jours, à dresser la conclusion générale de l’Empire, pour la Déclaration de la guerre contre la France, sans pouvoir encore terminer les difficultez qui sont survenuës sur les termes dans lesquels elle doit estre conceüe. Plusieurs Ministres ont demandé qu’on y inserât diverses clauses que les autres n’ont pas approuvées. La pluspart demandent avec de grandes instances, qu’il y soit expressement énoncé que
l’Empereur
conviendra avec tous les Princes et Estats en particulier, du contingent que chaque Membre de l’Empire doit fournir pour cette guerre, sans laisser cet article exprimé en termes generaux. Les Ambassadeurs des
Electeurs de Baviere
, des
Electeurs de Mayence
et de
Treve
, et de la pluspart des autres Princes Ecclesiastiques de l’Empire, et mesmes les Ministres deputez d’Austriche representent que sans vn reglement qui établisse la repartition du contingent, ce grand armement deviendra inutile : et que tous les desseins de la Campagne prochaine seront retardez, ou mesmes arrestez faute des secours d’argent necessaires. Mais les Ministres de Brandebourg, de Hesse-Cassel, de la Maison de Brunswich, et dela pluspart des Princes Protestants s’y opposent tres fortement. Ils alléguent pour soûtenir leur sentiment, que si le contingent de chaque Cercle est déterminé, ils ne pourront employer toutes les forces qu’ils ont sur pied, qui sont beaucoup plus nombreuses que celles de
l’Empereur
et des Princes et Estats Catholiques. Mais les autres sont persüadez qu’ils ne s’opposent à cette répartition déterminée, que parce qu’elle osteroit aux Princes Protestans le pretexte de faire contribüer à discretion les autres Princes et Estats, et de prendre des quartiers d’hyver dans leurs pays. Ils croyent aussi que par ce moyen, ils seroient presque maistres de l’armée confédérée : au lieu que les Ministres Impériaux prétendent qu’elle ne doit agir que sous les ordres de
l’Empereur
. Ces difficultez ont excité de grandes contestations dans la Diéte : et elles sont fort augmentées, depuis que le Ministre de Baviére s’est plaint au nom de
l’Electeur
son maistre et du Prince Clément, de ce que
l’Electeur de Brandebourg
et les Estats Généraux des Provinces. Vnies vouloient mettre à contribution les païs dépendants de l’Archevesché de Cologne. Il a chargé son Ministre à la Cour de Vienne, d’en faire de grandes plaintes à
l’Empereur
, comme aussi de ce que les huit régiments Impériaux qui luy ont esté envoyez pour agir du costé du Rhin, avec les troupes de Süabe, estoient si foibles qu’apres en avoir fait la reveüe, il avoit trouvé qu’ils ne faisoient pas le tiers de l’estat qui luy en avoit esté envoyé. On croid mesme que
l’Electeur de Baviére
ira bientost à Vienne, pour ces deux affaires.
Son Altesse Electorale
a ordonné au Cercle de Baviére dont il est Directeur, d’augmenter son contingent de deux mille hommes. On travaille aussi par son ordre, à des recrües pour les régiments Bavarois qui sont restez en Süabe, dont la pluspart ne sont pas complets. On reçoit tous les jours des plaintes de plusieurs villes de l’Empire, touchant les passages et les logements des troupes confédérées, et sur les contributions excessives qu’elles exigent, sous prétexte qu’elles sont envoyées pour les défendre. La ville de Hailbron a fait représenter qu’il luy estoit impossible de rien fournir pour lasubsistance de ces troupes : ayant tellement esté rüinée, qu’elle se trouvoit rédüite à demander vn secours d’argent à l’Empire, afin de dégager ses Magistrats qui sont en ostage à Philisbourg, pour assurance du payement des sommes promises aux François.
L’Electeur de Tréves
et la Régence de Francfort demandent aussi des secours d’argent : et ils ont déclaré que bien loin de pouvoir fournir aucun subside extraordinaire, ils n’estoient pas en estat de payer leur contingent. Les lettres d’Inspruch portent que l’ordre a esté envoyé dans la Haute-Austriche, de fournir des vivres et des fourrages aux troupes Impériales et Bavaroises : et que dix régiments en devoient estre détachez pour aller dans la montagne Noire, couvrir les villes Forestiéres, particuliérement celles de Waldshut et de Rhynfeld.