De Cologne, le 18 Septembre 1683.
Le 4 de ce mois, l’
Evesque de Strasbourg
revinst ici de Westphalie, accompagné du sieur Ducker Ministre de nostre Electeur, et de deux Chanoines de la Cathédrale de Munster. On sçeut à leur arrivée que l’élection d’vn Evesque de Paderborn avoit esté différée jusqu’au 15 de ce mois. Le 9, le Magistrat de cette ville fit proposer aux Communes qu’il seroit à propos qu’elles fissent leurs assemblées séparément sans qu’il y assistast : laissant les Bourgmestres et les Conseillers entiérement libres dans leurs délibérations, selon ce qui s’est ci-devant pratiqué. Il leur fit aussi représenter qu’il estoit nécessaire de continüer quelques
impositions
, parce que les fonds de la caisse militaire commençoient à manquer, et qu’on avoit besoin d’argent dans les conjonctures présentes. Vne grande partie des Communes a répondu qu’il falloit que des Députez de part et d’autre conférassent sur les propositions du Magistrat. Le 15, les Commissaires de l’
Empereur
firent signifier au Magistrat, vn Décret de Sa
Majesté Impériale
, par lequel Elle
met au Ban de l’Empire, trois des principaux auteurs des desordres de cette ville, et mesme tous les habitans qui refuseront de se soûmettre à la Commission Impériale
, trois jours apres qu’elle leur aura esté signifiée. Les vingt deux Tribus s’assemblérent le lendemain, sur ce sujet. Vn des Bourgeois alla les trouver pour leur persüader de ne pas se soûmettre à cette Commission : et sept des Tribus résolurent de suivre son sentiment, et mesme de faire retirer le sieur Iodoci Commissaire de l’
Empereur
, disant qu’il avoit mal informé son Maistre des choses qui s’estoient passées. Quelques-vns ajoûtérent que Sa
Majesté Impériale
ne pouvoit pas avoir donné des ordres préjudiciables aux Priviléges, dans lesquels Elle avoit juré de les maintenir. Les quinze autres Tribus furent d’avis d’obeïr aux ordres de l’
Empereur
, sous de certaines conditions. Mais le Magistrat se déclara en faveur des sept Tribus, contre les autres : et il y eut des
contestations si violentes
, qu’on fut sur le point d’en venir aux mains. Il fut enfin résolu qu’on demanderoit au Commissaire de l’Empereur, vn delay de trois jours, pour délibérer : ce qui a esté accordé. Cependant, le sieur Iodoci n’a pas jugé à propos de paroistre en public. Vn Courier Extraordinaire dépêché par l’
Empereur
à nostre
Electeur
et qui estoit parti de Crembs, a rapporté que l’armée Chrestienne forte de soixante mille hommes s’estoit avancée le 12 de ce mois, contre les Infidéles, marchant sur trois colonnes : que la rencontre s’estoit faite pres du Chasteau de Calemberg, qui estoit défendu par des Ianissaires, soûtenus d’vn gros de cavalerie Turquesque : que les Infidéles attaquérent d’abord l’armée Chrestienne : mais qu’ils furent repoussez et mis en desordre : que le reste de l’infanterie qui estoit sortie des lignes pour combattre, fut aussi mis en füite avec le reste de l’armée. On attend les particularitez de cette action. On sçait seulement que les Turcs ont ensüite levé le Siége : abandonnant leurs bagages et leur canon, et qu’on les poursuivoit dans leur retraite. L’
Empereur
sur l’avis qu’il eut de cette victoire, partit de Turnstain pour se rendre à Vienne : et il devoit y arriver le 14.