La Gazette de Renaudot

D’Edimbourg, le 30 Iuillet 1689.

L’Assemblée des Estats a esté occupée depuis quelques jours, sur vne nouvelle affaire qui a fait naistre de grandes contestations. Le Comte d’ Argyle ayant receu ordre de marcher contre le Vicomte de Dundie , demanda que l’Assemblée declarast qu’il s’estoit fidelement acquitté de la commission qu’il avoit euë, avec le Chevalier Dalrumple et le Chevalier Montgommery , pour aller offrir la Couronne au Prince d’Orange . Quelques Députez firent sur ce sujet, plusieurs difficultez : et demandérent que les trois Commissaires fussent interrogez ensemble. Le Comte d’ Argyle declara qu’il ne prétendoit point parler pour les autres, mais seulement pour luy. Le Chevalier Dalrumple offrit de répondre sur tous les articles de la Commission, particuliérement sur ce que quelques Députez l’avoient accusé de n’avoir présenté les griefs de la Nation, qu’apres la prestation du serment et l’acceptation de la Couronne. Cette affaire occupa les séances du 21 et du 22 de ce mois, et fut remise à celle du 24, dans laquelle il fut jugé à la pluralité des voix, que le Chevalier Dalrumple n’avoit pas suivi les instructions : et on proposa de luy faire son procez. Le Major Général Mackay revint le 23 du Nord, apres avoir mis des troupes en divers endroits, pour empescher les courses du Vicomte de



Dundie
, qui est toûjours dans le Lochaber, au Chasteau du Laird de Locheile , chef de la famille des Camerons : d’où il se préparoit à passer dans le Kintaile. Ces avis ont obligé le Major Mackay et le Colonel Ramsey de partir incessamment pour tâcher de luy couper le passage : et ils partirent le 25. On ne sçait encore aucunes circonstances de la conspiration découverte depuis peu. Mais on emprisonne tous les jours des personnes de qualité sous ce pretexte : et les Estats ont expédié vn ordre pour arrester les Comtes de Lauderdale et de Callender, Mylord Levingston, et plusieurs autres. On croid que le dessein estoit de se saisir des principaux de la Convention, d’appeller le Vicomte de Dundie : et de se déclarer pour le Roy . Le 29, vn homme venu de Carikfergus futamené devant le Conseil : et déclara qu’il y avoit veu embarquer quinze cents Irlandois sur sept petits bastiments escortez par trois frégates Françoises, avec des armes et des munitions : qu’on y faisoit de grands préparatifs pour transporter vn plus grand nombre de troupes en Escosse : et qu’elles avoient pris sur la route les deux frégates qui croisoient sur les costes. Les trois Françoises et les autres bastiments ont fait voile vers Innerlochy, pour débarquer des troupes, et les joindre à celles du Vicomte de Dundie . Ils sont ensüite partis pour retourner en Irlande, afin d’en transporter encore d’autres. On a publié vne proclamation pour ordonner à toutes sortes de personnes de secourir le Major Général Mackay , d’armes, de chevaux, de vivres et de munitions, avec défense de donner retraite aux Irlandois. Il a esté résolu de fortifier Innerlochy : et d’en faire vne place d’armes pour empescher le passage des troupes du Roy , et arrester les courses des Highlanders ou Montagnards.