De la Haye , le 22 Janvier 1685.
On a porté en l’Assemblée des Estats de Hollande , le mémoire que le sieur
Crampicht
Ministre de
l’Empereur
présenta la semaine derniére , touchant le secours que
Sa Majesté Impériale
a fait demander , & concernant les troupes qui ont esté mises par son ordre , dans la Comté de Mégen. Les Députez des Estats Généraux pour les affaires étrangéres, l’avoient auparavant examiné , & communiqué au
Prince d’Orange
. On parle de faire sortir les troupes Impériales de la Comté de Mégen , & de donner des ordres pour empescher à l’avenir , qu’on ne prenne ainsi des quartiers dans les places & sur les terres frontiéres de cet Estat , afin de prévenir les inconvénients qui en pourroient arriver. Le 13 de ce mois, le Baron Jüel eut une conférence avec des Commissaires des Estats Généraux sur la ratification du dernier traité pour la navigation du Sund conclu avec les Danois. L’affaire de Dort devoit estre proposée le 12 de ce mois, à l’assemblée des Estats de Hollande. Mais elle ne fut pas mise en délibération , parce que quelques Députez des villes témoignérent qu’ils n’avoient reçeu aucune instruction de leurs Supérieurs sur ce sujet : & elle fut ainsi remise au 16. Le Bailly de Dort qui a esté interdit de sa charge s’est pourveu par appel, devant les Estats de Hollande : ce qui a fait naître une nouvelle difficulté. Les Estats ont nommé douze Commissaires, deux du corps des Nobles , & un de chacune des dix premiéres villes de la Province , pour conférer sur cette affaire , avec les Députez du grand Conseil. Ces Commissaires s’assemblérent le IIe, avec le Pensionnaire Fagel. Le sieur Hop Doyen des Conseillers du Grand Conseil, parla avec beaucoup de force : mais il ne fut rien conclu dans cette conférence, & on remit les délibérations
au lendemain. On devoit le mesme jour , rapporter aux Estats de Hollande les principales raisons qui avoient esté alléguées de la part de la Cour de Justice & de la ville de Dort. Mais les Députez de Dort ayant sçeu que des officiers de la Cour de Justice estoient partis avec une nouvelle commission pour aller à Dort , partirent aussi pour s’y rendre , apres avoir porté leurs plaintes aux Estats de Hollande. On a sçeu que le Conseil de Ville s’ assembla le 15 : & qu’il y fut résolu presque tout d’une voix , de maintenir les droits et les priviléges de la ville , contre les entreprises qui pourroient donner quelque atteinte à la liberté : & que les Commissaires eut trouvé les mesmes difficultez qu’ils trouvérent il y a quelque temps , lors qu’ils voulurent exécuter leur premiére commission. Le 17 , les Estats de Hollande s’assemblérent et délibérérent sur l’affaire de Dort. Il y eut de grands contestations , sur ce que quelques Députez des petites villes déclarérent qu’ils n’avoient pas de suffisantes instructions , & que d’autres rapportérent des avis presques contraires, ou mal interprétez, d’une mesme ville. Les Députez des principales villes persistérent à maintenir que le procédé des Bourgmestres de Dort estoit conforme aux lois & aux libertez de toutes les villes : & que l’entreprise des Commissaires ne devoit pas estre soûtenüe à cause des conséquences qu’elle pouvoit avoir contre l’interest public. Ceux d’Amsterdam parlérent pendant deux heures , avec beaucoup de force, blâmérent la condüite de quelques Députez, expliquérent le véritable sentiment des Villes, & déclarérent qu’il ne falloit pas souffrir qu’on donnast aucune atteinte à la liberté publique : & ils proposérent quelques expédients pour terminer ce différent à l’amiable.