De Londres le 18 Avril 1689.
Il y eut ce jour là, vne grande contestation dans la Chambre Basse, sur la proposition qui fut faite de remettre les séances apres les festes de Pasques observées toûjours par l’Eglise Anglicane. Les Protestants Conformistes furent de cet avis : et les emportérent à la pluralité des voix, que les séances recommenceroient le Lundy seconde feste de Pasques. Vn d’eux railla à cette occasion, les Conformistes en termes si insolents, qu’apres plusieurs contestations, la Chambre fut obligée pour les appaiser, d’ordonner au Presbytérien de demander pardon publiquement. Le 11, les Seigneurs ne s’assemblérent pas : mais les Communes tinrent leur séance.
Il fut résolu à la pluralité des voix, que tous ceux qui sont revétus de charges civiles ou militaires, seroient obligez de communier au moins, vne fois avant l’année révolüe, suivant l’ordre et la discipline de l’Eglise Anglicane
: et que ceux qui manqueroient à ce devoir seroient privez de leurs emplois. Il y eut cent seize voix pour l’affirmative, et cent quatorze pour la négative. On fit la seconde lecture d’vn Acte pour changer les anciens serments exigez autrefois, des Corps et Communautez dece Royaume. Cette affaire fut remise à vne plus ample délibération. Le 12, la Chambre examina vn résultat des Seigneurs pour exemter de toutes recherches les officiers de la Reyne Doüairiére : et résolut que le nombre en seroit reglé suivant l’Acte de l’année 30e, du regne de
Charles II
. Le 13, le sieur Pulton porta trois Actes à la Chambre des Seigneurs. Le premier, pour recommencer à tenir les Assises du quartier de Ianvier ou terme de S. Hilaire. Le deuxiéme, pour naturaliser
le Prince George de Danemark
, et quelques autres personnes. Le troisiéme pour défendre le transport des grains hors du Royaume.
Le Prince d’Orange
estant venu à la Chambre des Seigneurs confirma les deux premiers, et vn autre pour punir les officiers et les soldats mutins, ou déserteurs. Le mesme jour, il fit tenir vn Chapitre de l’Ordre de la
Iartiére
: où le Maréchal de
Schomberg
et le Comte de
Dévonshire
furent élus pour remplir sa place, et celle du Duc d’Albemarle. Le Docteur
Burnet
qui avoit esté sacré Evesque de Salisbéry avec les cérémonies prescrites par le livre des Communes priéres le 10 de ce mois, presta le serment pour la charge de Chancellier de l’Ordre attachée à cet Evesché.
L’Archevéque de
Cantorbéry
a écrit au Marquis d’
Hallifax
Président de la Chambre des Seigneurs, qu’il ne pouvoit aller à la Convention, parce qu’estant engagé par serment au
Roy
, et l’ayant couronné, il ne pouvoit faire serment à vn autre, ny mesme assister au couronnement du
Prince d’Orange
. Quelques-vns proposérent de le mettre à la Tour : mais les autres ne voulurent pas permettre que cette affaire fût mise en délibération. L’Evesque de S. Asaph a esté fait Grand Aumônier à la place de l’Evesque d’Ely, Mylord de la Mére a esté pourveu de la charge de Chancellier de l’Echiquier. Il a aussi esté nommé vn des Commissaires de la Trésorerie avec Mylord
Mordant
, Mylord
Godolphin
, le Chevalier
Capel
et le sieur
Hamden
.
On a appris que plusieurs personnes de qualité continüoient à assembler des troupes pour
le Roy
sur les frontiéres d’Escosse et dans le Comté de Lancastre.
Le Prince d’Orange
a fait marcher quelques régimens de ce costé là, pour tâcher de s’opposer à leurs entreprises.
Les troupes destinées pour passer en Irlande ne sont pas encore parties : et la pluspart ne sont pas encore levées. Deux à trois mille chevaux se sont mis seulement en marche du costé de l’Escosse : et ils doivent estre joints par quelques régiments d’infanterie. On dit que ces troupes doivent ensüite passer en Irlande. Mais il y a peu d’apparence que cette résolution puisse estre executée, parce qu’on a sçeu par vn vaisseau arrivé à Weymouth, que les Protestants avoient esté défaits et desarmez dans le Nord par le Chevalier
Hamilton
Lieutenant Général. Cette nouvelle a causé vne grande surprise, parce qu’on avoit répandu dans le public des avis fort différents, qui donnoient lieu de croire que les Protestants estoient en estat de faire vne assez longue résistance, pour attendre le secours qu’on leur avoit fait espérer. Plusieurs se sont imaginez que
le Roy
n’estoit point passé en Irlande. Le 12, vn particulier assura avec serment, devant des Commissaires de la Chambre des Seigneurs, qu’il estoit mort à Brest : et depuis, on a fait courir des relations faites à plaisir pour confirmer cette supposition. Mais le public en est détrompé : et on dit que des troupes de
Sa Majesté
sont déja passées en Escosse. Les deux Chambres n’ont pas encore déterminé sur quel fond les sommes accordées au
Prince d’Orange
seront levées. Il s’y trouve de grandes difficultez : et
on a déja résolu de taxer la Noblesse, le Clergé, les Marchands et les particuliers, selon leur revenu et selon leur dignité
, ou employer mesmes d’autres moyens plus extraordinaires, afin d’amasser vne partie de l’argent nécessaire pour executer les projets de la Convention.
Le Prince d’Orange
a créé le Maréchal de
Schomberg
Duc d’Albemarle : et donné d’autres titres à plusieurs de ses créatures.