De Londres, le 13 Octobre 1689.
Le 3 de ce mois, les Ambassadeurs de Hollande eurent leur audience de congé. Les Commissaires Ecclésiastiques qui doivent travailler au projet de réunion de l’Eglise Anglicane avec les Presbytériens Nonconformistes, se sont assemblez aujourdhuy, pour la premiere fois. Il a esté résolu que neuf d’entr’eux, pourveu qu’il y ait au moins trois Evesques, pourront dresser les articles de réunion, mesme sans la participation des autres.
Le nombre des prisonniers arrestez, sous prétexte de mécontentement contre le gouvernement present estoit si grand, que les prisons en estoient pleines. La pluspart y avoient esté mis sous des prétextes fort legers, et n’y pouvoient estre retenus, si la justice eût esté rendüe selon les loix. Mais comme l’éxécution de celles qui concernent la liberté des sujets a esté suspendüe par le résultat des deux Chambres, qui déroge à la loy Habeas Corpus, et que le terme durant lequel toutes sortes de personnes pouvoient estre arrestées, sur vn simple ordre du Conseil est prest à expirer, on a jugé à propos de donner aux prisonniers, par vne maniére de grace, la liberté qui ne pouvoit pas leur estre refusée plus long-temps.
Ainsi, le 7 de ce mois, plusieurs furent examinez et élargis en donnant caution de se condüire paisiblement.Quelques autres ont esté reserrez plus étroitement dans l’espérance qu’on trouvera des raisons aussi bonnes pour faire prolonger la nouvelle loy, que celles qui ont servi a la faire établir. Quelques marchands François Catholiques qui estoient demeurez en cette ville, ont esté arrestez comme par représailles, quoy que les derniers résultats des deux Chambres, eussent excepté par vne clause spéciale, les marchands étrangers, des réglements faits contre les Catholiques. Les nouveaux Commissaires de l’Excise ont esté obligez d’avancer au
Prince d’Orange
, chacun douze mille cinq cents livres sterlin : et il a assigné leur remboursement sur les premiers deniers de leur recepte. Le Colonel Slaughter a esté fait
Gouverneur
de la nouvelle York : et il doit lever vn régiment de quinze cents hommes pour mener en ce pays la. Le sieur Stanhop a esté nommé Envoyé Extraordinaire à la Cour d’Espagne. Le sieur d’Herwart qui estoit parti pour aller à Généve, en qualité de Résident du
Prince d’Orange
a esté contremandé. Le sieur Pilkington a esté continüé dans la charge de Maire de cette ville pour le reste de cette année, et pour la suivante. Le Chevalier Dudley North, à l’exemple de quelques autres, a quitté sa place d’Alderman. D’autres personnes qui dans l’espérance de s’avancer durant les troubles, avoient pris l’espée et estoient devenus Colonels, ont rendu leurs commissions.
Le Prince d’Orange
est parti aujourdhuy pour aller passer quelques jours à New-market. Il ira ensüite, à Kensington : où il a loüé vne maison du Comte de Holland, en attendant que celle qu’il y fait bastir soit achevée, l’air de ce lieu là luy paroissant meilleur pour sa santé que celuy de cette ville. Le brüit court que le Colonel Edmond
Ludlow
vn des Iuges du
Roy Charles I
, qui s’estoit sauvé en Süisse, est revenu en ce Royaume. La flote qui estoit sortie de Torbay le 30 du mois dernier, a esté obligée d’y relâcher. Cinq vaisseaux venus de Carickfergus, qui estoient allez porter des troupes en Irlande, sont arrivez à Plymouth : et ils ont aussitost reçeu ordre d’aller joindre la flote. Il est encore incertain si elle se remettra en mer, ou si elle rentrera dans les ports.Plusieurs croyent qu’elle doit seulement aller au Havre de Melford, embarquer quelques troupes, et faire ensuite voile vers l’Irlande. Les nouvelles qu’on a des affaires de ce païs là sont fort incertaines. Celles qui s’estoient répandües depuis quinze jours, touchant le nombre des troupes du Maréchal de
Schomberg
, l’abondance des vivres dans son armée, la commodité des fourages, et la jonction continüelle d’vn grand nombre de Protestants, n’ont pas esté confirmées. Au contraire, on a sçeu que ses troupes souffroient beaucoup, ne trouvant ni vivres, ni fourrages dans le païs qui avoit esté d’abord rüiné par les Protestants, et ensüite par les Irlandois. On a esté obligé de faire des moulins à bras, et d’en donner à chaque régiment pour cüire le pain de munition, qui a manqué entiérement durant quelques jours. Les maladies et particuliérement les fiévres regnent fort dans l’armée et font mourir plusieurs soldats. Il a envoyé demander vn convoy de vivres, sans lequel il seroit fort difficile de la faire subsister. Il estoit toûjours campé pres de Dundalk : et les troupes du
Roy
qui sont fort supérieures en nombre, estoient à Droghéda. Vn armateur de S. Malo a pris depuis peu vn vaisseau Anglois venant de Portugal. On tâche à se dédommager des fréquentes pertes sur les négociants des nations avec lesquelles celle cy n’est point en guerre, parce que comme ils ne sont pas sur leurs gardes, il n’est pas difficile de les prendre. Ainsi on se contente d’amener des prises faites sur des marchands de Hambourg, de Dantzic, de Lubec, ou sur les Süédois et les Danois, dont on prend plus souvent les vaisseaux que ceux des François. On a encore embarqué à Highlake, deux régiments : l’vn de cavalerie, et l’autre de dragons Allemans pour aller en Irlande, joindre l’armée du Maréchal de
Schomberg
. L’ordre a esté envoyé pour y publier au nom du
Prince d’Orange
, vne proclamation par laquelle il rétablit tous les Corps et Communautez dans la joüissance de leurs anciennes chartes et priviléges. Il a envoyé ordre aux
Sherifs
des Provinces, de saisir tous les chevaux des Catholiques. Les lettres d’Escosse du 5 de ce mois, portent que deux ou trois cents Irlandois
estoient encore arrivez dans le Nord et s’estoient joints au Colonel Canon : que depuis cette jonction les Highlanders avoient fait des courses en divers endroits, et emmené plus de mille piéces de bétail.