De Londres, le 24 Octobre 1689.
Le Prince d’Orange
est allé à Neumarket pour y passer quelques jours. Le Vicechancelier et les principaux de l’Vniversité de Cambridge, sont venus le complimenter. Le 17 de ce mois, il visita l’Vniversité, et il y fut receu avec les cérémonies qui se pratiquent à l’égard des légitimes Souverains. Il a accordé des lettres d’abolition au Colonel Edmond
Ludlow
qui estoit proscrit, et excepté de l’amnistie générale par l’Acte du Parlement de 1661, pour avoir esté vn des Iuges du
Roy Charles I
: auquel Acte aucun autre n’a jamais donné atteinte. Cette grace faite à vn homme que toute la nation avoit jugé indigne de pardon, comme estant coupable d’vn parricide exécrable, fait horreur mesme à la pluspart de ceux qui ont quelque interest à la justifier. Les Commissaires Ecclesiastiques ont remis au 19 de ce mois, l’ouverture de leurs séances pour travailler à la réünion des Protestants Nonconformistes avec l’Eglise Anglicane, parce que la pluspart de ceux qui doivent composer l’assemblée ne sont pas encore arrivez. Les Marchands qui font le commerce des Canaries ont obtenuapres de grandes instances, quatre frégates, pour servir d’escorte à la flote qu’ils doivent envoyer de ce costé là. Le brüit court que
le Prince d’Orange
va faire travailler à vne levée de six mille hommes de cavalerie et d’infanterie pour faire les recrües des troupes Angloises qui ont servi en Flandres cette Campagne, et qui sont considerablement diminüées. Ces dépenses et toutes les autres dont l’Estat se trouve chargé par les révolutions présentes, l’obligent à chercher de nouveaux fonds pour y subvenir.
Le brüit court que la recepte de l’Excise et des autres droits sera donnée à de nouveaux Commissaires : quelques vns de ceux qui en estoient chargez, ne voulant ou ne pouvant pas faire les avances qu’on leur demande.
Le Committé establi pour examiner les affaires de la Compagnie des Indes Orientales, a résolu qu’aucun vaisseau n’y pourra faire le négoce, s’il n’est envoyé ou fretté par la Compagnie. Plusieurs marchands étrangers arrestez sous divers prétextes ont esté interrogez par vn Sécrétaire d’Estat. Les vns ont esté mis en liberté sous caution, et les autres sont demeurez à la garde des huissiers. L’Amiral
Herbert
arriva le 12 à Spithead avec vne partie de la flote, aprés en avoir détaché vne escadre qui a fait voile du costé de l’Oüest sous la conduite de Mylord Barkley. Mylord
Lovelace
, a rendu sa commission : et son régiment a esté donné au Colonel S. Leger. Les nouvelles d’Irlande sont toûjours fort incertaines. Tous conviennent que l’armée du
Roy
est tres nombreuse, et qu’elle augmente tous les jours. Il y a vne compagnie les gardes de deux cents maistres, et vne de grenadiers à cheval : six régiments de cavalerie, dont quatre sont de huit compagnies, et les deux autres de six chacune de cinquante quatre maistres : sept régiments de dragons, cinq de douze compagnies, les autres de huit, et chaque compagnie est de cinquante quatre hommes. Les régiments d’infanterie sont au nombre de quarante huit, la pluspart de treize compagnies chacune de soixante deux hommes. Celuy des Gardes est de vingt quatre. Celuy de Mylord Grand Prieur, et deBoisselot sont de vingt-six Compagnies. Ces troupes sont augmentées depuis les derniéres reveuës, et sont fort supérieures en nombre à celles du Maréchal de
Schomberg
. On dit qu’il a receu depuis peu cinq compagnies d’Infanterie et vne de Cavalerie, condüites par le Chevalier Thomas Newcommun. Il attendoit encore la jonction des Régiments Anglois qui doivent passer d’Escosse en Irlande sous le commandement du Chevalier Iean Lanier, n’estant pas en estat sans ce renfort de tenir la campagne, ny de rien entreprendre contre l’armée du
Roy
. On publie néanmoins depuis deux ou trois jours, que cinq cents Protestants qui estoient dans Ineskilling, avoient défait cinq mille Irlandois qui s’estoient avancez pour se saisir de Slego. Cependant cette nouvelle paroist encore fort incertaine, non seulement à cause de l’inégalité du nombre, mais parce que
le Roy
avoit fait il y a déja long temps, abandonner Slego comme vn poste peu important, et parce qu’on ne croid pas vray semblable que les Irlandois marchant pour surprendre Slego, condüisissent avec eux, dix milles piéces de bétail qu’on dit avoir esté prises par les Protestants. Mais le Maréchal de
Schomberg
pour donner courage à ses troupes, a fait faire plusieurs décharges d’artillerie dans le camp, sous prétexte de cette victoire. On dit aussi qu’il a receu vn convoy de vivres capable de nourrir l’armée durant deux mois, quoy qu’il n’y ait aucune apparence que les vaisseaux qui devoient y porter ce convoy puissent estre arrivez.
Il a découvert dans son armée vn dessein formé par plusieurs officiers et soldats pour se jetter dans l’armée du
Roy
. Quelques Anglois avoient part à ce dessein, reconnoissant la faute qu’ils ont faite : et voyant par vne fâcheuse expérience qu’on les exposé au de là de la mer dans les occasions les plus périlleuses, tandis que les troupes estrangéres demeurent en ce Royaume, et y augmentent tous les jours. Cependant, pour ne pas s’attirer la haine de la Nation, et ne pas augmenter vn mal dont ou tâche de prévenir les süites, on en a accusé des officiers François
: et quoy qu’ils se trouvent dans les régiments qui ont esté formez de ceux quise sont retirez pour la Religion, on dit néanmoins que la pluspart sont Catholiques. Quelques vns ont esté mis au conseil de guerre et exécutez à mort. Les autres doivent estre envoyez icy pour y estre jugez d’vne maniére qui ne puisse causer aucun trouble dans l’armée d’Irlande. Les lettres qui en sont venües, ne confirment pas la nouvelle de la défaite de quelques Irlandois : mais portent seulement que les deux armées estoient campées le 14 à trois ou quatre milles l’vne de l’autre. On écrit d’Edimbourg, que le Colonel Canon a rassemblé environ huit mille hommes, qui incommodent continüellement par leurs courses, les troupes qui ont esté mises en quartier en differents endroits. Il a envoyé demander les prisonniers de son parti qui ont esté faits en plusieurs rencontres : offrant de les échanger contre ceux qui sont entre ses main. Il a en mesme temps, fait déclarer qu’il leur feroit le mesme traitement que les officiers du
Prince d’Orange
feroient à ceux qu’ils retiennent en prison pour avoir suivi le parti du
Roy
.