De Londres, le 8 Décembre 1689.
Le 1r de ce mois, les Seigneurs envoyérent aux Communes deux Actes : l’vn pour les réparations de Eglises,
l’autre pour le recouvrement des petites dixmes. La Chambre Basse travailla sur l’Acte pour établir la taxe de deux schellins par livre sterlin sur les terres : et il n’y eut rien de conclu, sinon que cette levée qui paroist fort onereuse aux peuples
, à cause de la diminution extraordinaire de tous les revenus, ne dureroit qu’vne année. Le 2, les affaires d’Irlande furent mises sur le tapis : et comme les moyens qui ont jusqu’à présent esté employez pour la rédüire, n’ont esté qu’à la rüine entiére de ceux qui ont pris les armes contre
le Roy
, on jugea à propos de les soulager en leur faisant vne remise des rentes et autres droits qu’ils ne sont pas en estat, de payer, et en les déchargeant des peines qu’ils pouvoient avoir encourües par leur absence. Il fut résolu pour cet effet de dresser vn acte, qui déclareroit nul le Parlement convoqué en Irlande. Quelques Dames présentérent des requestes contre l’établissement des Cours de conscience à Westminster et en d’autres endroits, comme donnant lieu à plusieurs véxations. Quelques Députez proposérent de dresser vne loy pour empescher les Catholiques de disposer de leurs biens au préjudice de leurs parents Protestants : de casser quelques sentences rendües en faveur du Duc de Beaufort, en en vertu de la loy de scandalis magnatum, par lesquelles des particuliers qui luy avoient fait quelque insulte, avoient esté condamnez à luy payer des sommes considérables pour les interests civils.
On par la encore de la taxe sur les terres : et il fut ordonné que les Députez donneroient des listes de ceux qu’ils croyoient propres à en faire le recouvrement dans les Provinces, pour prévenir les véxations ordinaires qui ont esté faites à l’occasion de la levée des précédents subsides.
Le 13, la Chambre receut les plaintes du Chevalier Richard Middleton, contre quelques officiers qui estoient entrez de force dans sa maison, sous prétexte d’exécuter l’ordre général de rechercher ceux qui avoient des armes contre les défenses. Cette violence faite à vn Député fut déclarée contraire aux loix et aux priviléges du Parlement : et les personnes qui estoient coupables furent arrestées. On leut ensüite, vne lettre écrite de Plymouth, qui marquoit en détail plusieurs abus commis par les munitionaires de la flotte, et particuliérement que les victuailles et la bierre envoyées pour les vaisseaux qui doivent bientost se mettre en mer, estoient de mauvaise qualité. On informa aussi la Chambre, que les vivres fournis l’esté dernier estoientla pluspart gastez : ce qui avoit causé vne grande mortalité, et diminüé les équipages de plus de six mille hommes, outre qu’il en restoit presque aurant de malades. Sur ces informations qui furent confirmées par vn grand nombre de Députez qui en avoient vne particuliére connoissance, l’ordre fut donné pour mettre en arrest ceux qui avoient fourni les vivres. Le 5, les Seigneurs envoyérent vn message pour faire sçavoir qu’ils avoient approuvé l’acte passé par les Communes, pour expliquer les droits et les libertez des sujets, néanmoins avec quelques restrictions. On remit en délibération la taxe sur les terres : mais les Commissaires chargez d’examiner le projet d’acte, dirent qu’ils n’avoient pû encore l’achever, à cause des difficultez de la matiére. Le 6, on présenta vn acte particulier pour faire le procez à la memoire du feu sieur George
Ieffreys
Chancellier d’Angleterre, et pour confisquer ses biens. On écouta le rapport du Committé chargé de reçevoir les propositions de ceux qui feroient des avances, en prenant pour seureté de leur dette, les biens sitüez en Irlande, de ceux qui sont en armes avec
le Roy
. Le résultat de plusieurs délibérations fut, que ceux qui estoient en disposition de faire quelques avances sur ces confiscations n’en pouvoient faire aucune, pendant que ceux dont on vouloit leur donner les biens pour seureté de leurs deniers, ne seroient point condamnez : qu’il estoit donc nécessaire de commencer à faire leur procez avant que de disposer de leurs biens. La Chambre ordonna sur cela, que tous ceux qui sont en armes contre le gouvernement present : et qui les ont prises depuis le 24 de Fevrier, ou qui les prendront dans la süite, seront poursuivis comme criminels de Haute Trahison. On résolut aussi sur plusieurs plaintes présentées contre le sieur
Shales
Commissaire Général des vivres et munitions pour l’armée d’Irlande, que
le Prince d’Orange
seroit prié de le faire arrester avec tous ses papiers. Le 7, la séance fut employée à quelques affaires particuliéres : et la Chambre ayant esté informée que
le Prince d’Orange
avoit promis de faire arrester le sieur
Shales
, résolut de luy demander qui luy avoit recommandé cet homme pour luy faire obtenir l’employ qu’ilavoit dans l’armée d’Irlande. On a publié que tous ceux qui ont esté au service du
feu Roy
, et qui ont eu des assignations pour reçevoir vne partie de leurs gages et pensions sur soixante mille livres sterlin accordez pour cet effet, ne seroient point payez s’ils ne prestoient les nouveaux serments, et ne signoient la déclaration qui y est comprise. Cet expédient epargnera vne partie de l’argent, plusieurs aimant mieux perdre la somme qui leur est düe, que de la reçevoir à de telles conditions.
Le Maire et les Aldermans furent fort surpris il y a quelques jours, de trouver que dans la sale de Guildhall, des inconnus avoient gasté et défiguré le portrait du
Prince d’Orange
, et effacé les ornements Royaux avec lesquels il y estoit représenté. Ils ont promis vne récompense de cinq cents livres sterlin à ceux qui découvriront l’auteur de cette insulte.
Le brüit court que tous ceux qui ont des biens en Irlande auront ordre d’y aller : et que pour les engager plus aisément dans le service, on donnera des emplois à tous ceux qui en seront capables. On dit que le Colonel
Ludlow
, depuis la proclamation publiée contre luy, s’est sauvé en Hollande. La Convocation ou assemblée du Clergé tint la seconde séance, le 5 de ce mois. L’Evesque de Bristol fit la priére en latin selon la coustume : et il en ajoûta vne particuliere pour le Parlement, et pour l’heureux succez des intentions du Clergé, qui sont fort différentes : les vns ne voulant permettre aucun changement, et les autres en proposant plusieurs assez importants. Les Députez allérent ensüite à la Chambre appellée de Iérusalem : et le Doyen de l’Eglise de Christ à Oxford, présenta aux Evesques le Docteur Iane Orateur du second Ordre, qui le receurent en cette qualité. Ensüite il fit vn discours par lequel il tâcha de prouver que l’Eglise Anglicane estoit Orthodoxe, Apostolique, et plus conforme à la primitive Eglise, qu’aucune autre societé Chrestienne. Il exhorta l’assemblée de prendre bien garde à ne rien changer de ce qui se trouvoit establi dans la doctrine et dans la discipline autorisées par les loix, de peur que ces changements n’eussent des consequencesplus fâcheuses, que les abus qu’ils prétendroient reformer. Enfin, il conclut qu’ils ne vouloient pas que les Loix du Royaume fussent changées.
L’Evesque de Londres
Orateur des Pairs Ecclesiastiques, parla ensüite : et prouva par vn long discours, que l’assemblée devoit appliquer tous ses soins à réünir à l’Eglise Anglicane vn tres grand nombre de Protestants, en se relâchant sur plusieurs points indifferents, et en facilitant aux Nonconformistes, les moyens de la réünion proposée, qui seroit glorieuse et avantageuse, non seulement à la nation, mais aussi à tous les Protestants en général. Le 7, Mylord
Preston
ayant présenté vne requeste à la Chambre des Seigneurs pour demander à estre mis à couvert des procédures commencées contre luy à la Cour du Banc du Roy, et d’estre remis en liberté, obtint ce qu’il avoit demandé, et fut déchargé de la garde de l’Huissier.
Le Viceamiral Brakel est revenu à Plymouth, avec quatre vaisseaux de guerre démastez et fort maltraitez par la tempeste.
Cinq régiments ont esté depuis peu embarquez pour estre envoyez en Irlande. On en a eu avis que le Colonel
Sarsfield
estant allé avec vn détachement à Athlone, y avoit esté joint par deux mille hommes des milices de Connaught : qu’il avoit ensüite, marché vers Iamestoun, dont la garnison s’estoit retirée à Slégo, qu’il estoit allé assiéger : et qu’apres quatre jours de siége, il s’estoit rendu maistre de la place par composition.