De Paris , le 4 Aoüst 1685.
Le 16 du mois dernier , le Duc de Bourbon presta à Versailles entre les mains du
Roy
, le serment de fidélité pour la charge de Grand Maistre de la Maison de Sa Majesté & pour le Gouvernement de Bourgogne , dont il a esté pourvu en survivance du Duc d'Anguien son pere.
On a eu avis de Toulon, que le 22 du mois dernier, on apprit par une tartane dépeschée de Tripoli, par le Mareschal d'Esicrés Vice Amiral de France , qu'aprés avoir fait jetter onze cent bombes dans la ville , 1e Divan & la milice avoient esté obligez à luy demander la paix. Il la leur a accordée au nom du Roy, à condition qu'ils payeraient cinq cents mille livres pour des prises qu'ils ont faites sur les sujets de
Sa Majesté
: & qu'ils restitüeroient tous
les esclaves
François, & autres pris sous la Banniére de Francc, avec les prises qui se trouveraient encore dans le port. Le sieur de la Croix ayant servi d'Interpréte dans toute la négociation, mit en langue Turque les articles qui leur furent accordez : & il en fit lecture en plein Divan. Au départ de la tartane , les Tripolins les avoient deja donné soixante mille écus : & pour achever le payement de la somme promise , ils avoient pris les chaînes d'or & les pierreries de leurs femmes, les ornements des mitres des Janissaires , des garnitures de selles & mesme le bout du grand Estendard qui est d'argent doré. Ils ont rendu un vaisseau marchand de Marseille qu'ils avoient pris il y a quelque temps : & ils envoyent en France, dix des plus considérables officiers de la milice en ostage, jusqu'au retour de leurs vaisseaux qui sont au service du Grand Seigneur , promettant de ratisier alors la paix , & de rendre tous
les esclaves
: & ils en ont déjà rendu cent quatre vingt. Cette paix est d'autant plus glorieuse , qu'il n'y a point d'exemple que
les Turcs Corsaires
l'ayent jamais achetée des Chrestiens.