De Passau le 25 Iuillet 1683.
Le dernier Courier arrivé du Camp de l’Armée Impériale a rapporté les nouvelles suivantes. L’Armée des Turcs est campée dans le Prader devant Vienne : où ils ont dressé plusieurs batteries, servies par plus de sept cens Canoniers, la pluspart Renégats de diverses nations. Ces Infidéles ont esté vigoureusement repoussez dans trois assauts qu’ils ont donnez du costé de la porte de Schotenbourg et de la Tour rouge : et ils ont eu environ huit mille hommes tüez en ces occasions. Le
Grand
Visir
fit demander ensuite vne suspension d’armes pour faire enterrer les morts. Le
Comte de Staremberg
répondit qu’il ne vouloit point accorder de tréve, parce que toute la garnison estoit en bon état. Les Assiégez ont fait plusieurs sorties : et dans la derniére, ils ont regagné Léopolstadt ou le fauxbourg des Juifs. Ils ont aussi rüiné avec le canon, vne partie des batteries des Assiégeans, et mesme vne nouvelle batterie que ces Infidéles avoient dressée au Cloître d’Espagne devant la porte d’Ecosse.Le
Grand
Visir
fait présentement attaquer la ville avec vne vigueur extraordinaire, sur l’avis qu’il a eu que les Troupes Auxiliaires de l’Empire s’avançoient pour le secours. Cette place continüe aussi à se bien défendre : et il y a dixhuit mille hommes portant les armes, avec des munitions de guerre et de bouche pour quelques mois. La Cavalerie qui est sous les ordres du Prince
Charles de Lorraine
est postée à Crembs, à trois lieuës de Vienne, pour y jetter du secours, s’il en est besoin : et mesme pour attaquer les Turcs dans leurs lignes, apres la jonction du secours qu’il attend. On espére que les Assiégez se défendront encore plusieurs semaines, parce que les Troupes et les Bourgeois sont revenus de leur premiére frayeur et sont résolus à vne vigoureuse défense. Le
Comte de Staremberg
fit il y a quelques jours, ouvrir vne porte : et on publia en mesme-temps, que tous ceux qui n’estoient pas résolus à se défendre jusqu’à l’extrémité, sortissent incessamment de la ville. Il a fait aussi publier qu’il fera pendre sur le champ ceux qui parleront de capituler. Il a tiré de tous les Convents plusieurs sommes qui y avoient esté mises en dépost, qu’il a promis de faire rendre : et il en a payé la garnison. Il a fait dresser vn état des vivres, et marquer les vins dans les caves : et il en a fait prendre les clefs, afin d’en distribüer aux Soldats. On leur donne à chacun vne ration de pain et de vin, par jour. La mesme distribution se fait aux Ecoliers, aux Artisans, aux Valets et à tous ceux qui montent la garde. Les Métiers et les Bourgeois ont aussi pris les armes. Le
Comte de Staremberg
leur a fait prêter serment de se défendre jusqu’à l’extrémité, sans écouter aucune proposition des Ennemis. On asseure que le
Grand
Visir
a fait faire des offres tres-avantageuses au Gouverneur et aux Bourgeois, s’ils vouloient capituler : et qu’il les a menacez de ne faire quartier à personne, pas mesme aux femmes et aux enfans, si la ville estoit prise d’assaut. Mais ces propositions ont esté rejettées avec mépris. On publie icy, qu’vne partie des
Troupes de Pologne sont arrivées dans la Haute Hongrie : qu’elles y ont repris Cassovie, Epéries et quelques autres places qui s’estoient renduës au
Comte Thékéli
: qu’elles ont aussi chargé vn parti de ses Troupes : et qu’elles ayancent à grandes journées vers Vienne. Mais selon les derniers avis de Pologne, les Troupes n’estoient pas encore en état de marcher. Le Général Dunewaldt, avec environ trois mille Chevaux, donne la chasse aux Tartares et aux Mécontents : et vn grand Détachement du corps d’Armée du Prince
Charles de Lorraine
est allé au devant des neuf mille hommes des Troupes de Baviére et au devant des Troupes qui reviennent de la Haute Austriche, composées du Régiment de Cavalerie de Taff, de la moitié de celuy d’Infanterie de Neubourg, et du Régiment entier de Leslé. On attend la semaine prochaine, vn détachement des Troupes de Franconie et de celles du Haut Rhin.