De Rome, le 3 May 1689.
Le 24 du mois dernier, le Saint Sacrement fut exposé en l’Eglise de S. Thomas des Anglois, par ordre du
Pape
: et on y commença des priéres publiques pour
le Roy de la Grande Bretagne
. Le mesme jour, vn courier extraordinaire apporta la déclaration de guerre de la France contre l’Espagne.
Le Cardinal d’Estrées
donna avis il y a quelques jours au Cardinal Cybo, que
le Roy Tres Chrestien
avoit envoyé ordre au Marquis de Lavardin son Ambassadeur Extraordinaire, de partir incessamment de cette ville, pour retourner en France. Le 30, il partit en cet ordre. Les estaffiers et les moindres officiers marchoient d’abord : ensüite six Gentilshommes à cheval, puis le bagage : vingt deux caléches à deux chevaux, et il y avoit deux Gentilshommes dans chacune. Trois trompettes et douze pages à cheval précédoient le carosse du
Cardinal d’Estrées
: où il estoit avec l’Ambassadeur, le Cardinal Maidalchini, l’Abbé d’Ervault Auditeur de Rote et l’Abbé d’Estrées. Ensüite, venoit le premier carosse de l’Ambassadeur, celuy du Cardinal Maidalchini, et plusieurs autres, suivis
de quarante deux caléches et de quarante Gentilshommes à cheval, marchant quatre de front. Dans le temps que le Marquis de Lavardin devoit partir, on tint vn Conseil de guerre et d’Estat : et on envoya ensüite, les ordres aux Gouverneurs des armes dans l’Estat Ecclésiastique, de tenir les milices prestes. Cinq cents hommes sont destinez pour Civitavecchia : et le Trésorier et le Commissaire des armes y sont allez visiter les nouvelles fortifications. On dit que
le Pape
a fait avertir le Marquis de Cogolludo Ambassadeur d’Espagne de se mettre en public : et de renoncer premiérement aux franchises du quartier, selon ce que la Cour d’Espagne a promis au Cardinal Mellini. Le sieur Dada qui estoit Nonce en Angleterre revint icy le 25 du mois dernier : et il rendit compte au
Pape
de ses négociations. Hier,
le Cardinal d’Este
eut audience de
Sa Sainteté
. Le mauvais temps a arresté dans le port de Civitavecchia, sept galéres de l’Escadre du Duc de Tursi, qui retournoient à Naples, avec douze cents soldats qui ont esté tirez des garnisons des places que
le Roy d’Espagne
tient sur les costes de Toscane.