De Vienne, le 22 Mars 1683.
On reçeut encore le 13 de ce mois, des lettres d’Andrinople : mais elles ne contiennent pas de meilleures nouvelles que les précédentes. Elles portent que le
Grand Visir
avoit absolument déterminé le
Grand Seigneur
à faire la guerre en Hongrie : que les seules Troupes d’Asie estoient de cinquante mille hommes : que celles qui sont en garnison dans les places, et celles qui sont avancées entre Andrinople et Bude et sur les frontiéres, sont encore plus nombreuses : et que le
Grand Visir
estoit résolu de les partager en plusieurs Corps, qui attaqueroient en mesme-temps autant de places, afin d’obliger l’
Empereur
à diviser aussi ses Troupes en plusieurs Corps, qui estant beaucoup moins considérables, seroient trop foibles pour s’opposer aux entreprises des Troupes du
Grand Seigneur
. Le mesme jour 18, le Comte Castelli vint icy rendre compte de ce qui s’est passé entre les Troupes Impériales et les Turcs de la garnison de Neuhausel dans l’Isle de Schut. Les Impériaux ont eu quelque avantage en cette occasion : et ils y ont mesme fait des prisonniers, entre lesquels se trouve le fils du Sous-Commandant de Neuhausel, âgé de vingt ans, qui a esté amené à l’
Empereur
. Les Dragons qui l’ont escorté ont aussi présenté à Sa
Majesté Impériale
la teste d’vn Officier Turc, qui avoit offert dix-mille richedales pour sauver sa vie. On publie qu’il est venu des Lettres de Hongrie, qui portent qu’vn
parti de Hussarts et vn parti d’Allemans en ont mal traité vn des Infidéles : qui les ayant crûs des Troupes du
Comte Thékéli
, s’estoient laissez surprendre. Mais on a sçeu d’ailleurs, que les Impériaux ont eu beaucoup des leurs tüez ou faits prisonniers dans ces deux rencontres. Le Baron Saponara qui est retourné vers le
Comte Thékéli
, a mandé qu’il témoignoit vouloir observer la suspension d’armes jusqu’à ce qu’il fût obligé de se mettre en campagne par l’ordre du
Grand Seigneur
et mesme qu’il avoit promis d’accorder passage aux convois de munitions destinez pour les places de la Haute Hongrie. On n’ose néantmoins faire marcher ces convois, de crainte qu’ils ne soient enlevez par les Mécontents. On continüe ici de travailler aux préparatifs nécessaires pour résister aux infidéles. L’ordre a esté réïtéré aux vieux et aux nouveaux Corps qui sont dans les terres de l’Empire, dans le Marquisat de Bourgaw, et dans les Estats de la Haute Austriche de se rendre en diligence en Hongrie : et on fera passer des troupes auxiliaires à leur place. Il a esté résolu d’assembler en Hongrie vn Corps de cavalerie de Hongrois et de Croates pour s’opposer aux courses des Turcs, sans estre obligé d’affoiblir le grand corps d’armée. Le Prince
Charles de Lorraine
est incessamment attendu ici, pour assister au Conseil de guerre où on doit prendre les derniéres résolutions pour la campagne prochaine : et il a esté obligé de rompre le voyage qu’il avoit dessein de faire à Lorete et à Padoüe. On dit qu’il aura le commandement en chef de l’armée Impériale. L’
Empereur
écrivit le 19 de ce mois aux Estats de la Haute Hongrie, qui sont dans le parti du
Comte Thékéli
, pour les exhorter à rentrer dans l’obéïssance : leur offrant vne amnistie générale et la restitution de leurs biens et de leurs Temples, avec le
libre exercice de leur Religion
: et les menaçant aussi de les traiter comme ennemis de la Patrie, s’ils persistent dans leur desobéïssance. Sa
Majesté Impériale
a résolu de se rendre à Presbourg, le 25 du mois prochain, pour la reveûe générale de ses troupes. Le 16 de ce mois, il arriva ici vn Courier dépesché par le Comte de
Wallenstein
Ambassadeur Extraordinaire de cette
Cour en Pologne, pour informer l’
Empereur
de l’estat de ses négociations. On a recommencé de travailler aux fortifications de cette ville.