De Vienne le 9 Ianvier 1689.
Le Comte Picolomini a écrit que les nouvelles fortifications de Belgrade sont achevées : et que la place est presentement en estat de défense. Il a esté obligé de demeurer à Possega, parce que
le débordement des rivieres l’a empesché de continüer la visite des autres places frontieres
qu’il avoit commencée. Le Colonel Mackaire est allé avec trois mille Hussars et vn corps de milices, renforcer le blocus de Si-
que souffre la garnison : ce qui donne de nouvelles esperances de voir bien tost la place reduite à capituler. Des transfuges ont rapporté que la garnison du Grand Waradin s’estoit mutinée contre les Officiers : et quoy que cette nouvelle ne soit pas encore bien certaine, l’ordre a esté envoyé au Baron Heusler de s’approcher de la place avec les troupes qu’il commande, et celles qu’il pourra ramasser, pour tâcher de tirer quelque avantage de ce désordre, en cas que le rapport des transfuges soit veritable. On repand icy plusieurs nouvelles comme écrites de Constantinople, touchant les dispositions favorables du
Grand Vizir
et des autres principaux Ministres de la Porte, pour la conclusion de la paix avec
l’Empereur
et ses Alliez. Mais on n’en scait encore rien de certain. Les lettres les plus recentes venuës du Levant et d’Andrinople, portent seulement que
le Grand Vizir
continüoit à faire de grands preparatifs pour la Campagne prochaine : et qu’il se seroit mis en marche dés le commencement de Novembre, pour s’avancer vers la frontiere de Hongrie à la teste des troupes assemblées pres d’Andrinople, où elles ont campé depuis que
le Grand Seigneur
s’y est rendu. Mais que cette resolution n’avoit pas esté executée, sur l’avis de
quelques nouveaux troubles arrivez en Asie
, qui avoient retardé la jonction des troupes qui devoient se rendre à l’armée Othomane. On n’a pû jusqu’à present, tirer sur ce sujet aucun éclaircissement des Envoyez de la Porte. On devoit les amener le 4 de ce mois, à l’audience de
l’Empereur
: mais le régiment de cavalerie qui devoit les escorter depuis Potendorff ne put s’y trouver ce jour là, parce qu’il avoit receu les ordres trop tard. Ainsi, l’audience a esté differée : et on croid qu’ils l’auront le 11. Ensuite, ils entreront en conference avec les Ministres Impériaux et ceux de Pologne et de Venise. Si leurs pouvoirs sont limitez comme on a sujet de le croire, à écouter seulement les propositions qui leur seront faites, et à en donner avis à la Porte, pour recevoir des ordres plus amples, la resolution de la Cour Impériale est de les congedier aussi tost. Dans l’incertitude du succez de cette négociation, on continuë les preparatifs de la Campagne en Hongrie : et tous les ou-
, à la construction des ponts de bateaux et des fours destinez pour cuire le pain de munition, ont ordre de s’y rendre. Les preparatifs de guerre du costé du Rhin se font aussi, mais avec plus de lenteur. Entre autres moyens mis en déliberation pour trouver promtement les fonds necessaires,
on a proposé l’imposition d’vne taxe par teste dans tous les Pays Hereditaires, dont même les Ecclesiastiques ne seront pas exemts
. On s’est presque déterminé à se servir de ce moyen odieux et extraordinaire, au défaut de plusieurs autres, quoy que les peuples ayent remontré qu’ils n’estoient nullement en estat de payer cette taxe : et qu’il paroisse encore de plus grandes difficultez à y soûmettre les Ecclesiastiques. On doit publier au premier jour, le decret qui contient la maniere en laquelle elle sera levée, pour l’executer ensuite, s’il est possible. Cependant, la Chambre des Finances a donné les ordres pour faire payer aux troupes vne partie de ce qui leur est deu : et on a commencé par les vieux régiments qui serviront dans l’Empire. Mais cette distribution ne se fait que lentement, et à proportion des fonds qui ne sont pas aussi grands que la dépense. Suivant l’estat de guerre de la Campagne prochaine, outre l’augmentation de quatre compagnies par chaque régiment, on espere avoir encore trois régiments d’infanterie : qui seront ceux de Saxe-Cobourg, de Saxe-Mersbourg, et de Bielke, vn nouveau régiment de cüirassiers que le Marquis de Brandebourg-Bareith promet de lever, et deux de dragons que les Barons Heusler et Lowenchild se sont aussi engagez de mettre sur pied, outre les régiments Hongrois que
le Comte Esterhasi
Palatin de Hongrie et le Comte Czabor doivent lever. Celuy cy a desja assemblé deux mille Hussars, pour lesquels il a obtenu des quartiers dans les Cantons de Trentschin et d’Arva. Le brüit court qu’on luy a proposé d’en lever encore deux régiments. Trois régiments Impériaux de ceux qui sont encore sur les frontieres de Boheme, ont ordre de se rendre à Donawert, pour joindre les troupes Bavaroises qui devoient y arriver le 8 de ce mois, pour former vn corps d’environ dix mille hommes. On dit que
l’Electeur de Baviere
se mettra à la teste : et qu’il se
du Cercle et y prendre des quartiers d’hyver : tandis que
l’Electeur de Saxe
avec ses troupes, celles de Franconie et le reste des régiments Impériaux les plus avancez sur les frontieres de Boheme, formera vn autre corps à dessein de couvrir les places les plus exposées le long du Nexre. Les régiments d’infanterie de Staremberg, d’Anhalt, de Serini, de Lorraine, de Neubourg et de Kaunitz qui estoient demeurez en Boheme à cause des mauvais chemins, ont ordre de venir aussi en Süabe pour y prendre des quartiers, afin d’en décharger les Pays Hereditaires qui sont obligez à fournir les recruës. Le Comte de Souches partit le 4 de ce mois, pour se rendre à Vlm : où il commandera avec le Duc de Croy, les troupes Impériales qui sont de ce costé là.