De Vienne, le 8 May 1689.
On publie icy, sur le rapport de quelques particuliersvenus de la frontiere, que les troupes Othomanes ne sont pas si nombreuses qu’on l’avoit appris par les lettres de Belgrade, quoy que d’autres assurent qu’elles augmentent tous les jours.
Le Comte Thékéli
a presentement dix à douze mille hommes depuis les secours qu’il a receus : et il a fait achever vn pont de batteaux sur le Danube au dessus de Widin. On attend avec impatience des nouvelles de Hongrie, pour apprendre si le Baron Heusler aura pû l’empescher de jetter du secours dans Temeswar : et d’entrer en Transylvanie. Vn courier qui en a esté dépesché, a rapporté que les troupes Impériales y estoient en de continüelles alarmes par la crainte qu’il n’y fist bien tost vne irruption avec les Tartares : de maniere que les garnisons estoient jour et nüit sous les armes. On a sceu par le mesme courier, que
la ville de Cronstadt a esté entierement brûlée : et que les fortifications ont esté fort endommagées. On croid que le feu y a esté mis par des incendiaires : et on en soupçonne quelques Hongrois Mécontents attachez au Comte Thékéli
: mais il n’a pas esté possible de les découvrir. La negociation avec les Envoyez Turcs est entierement rompuë. Le 6 de ce mois, les Commissaires de
l’Empereur
s’assemblerent avec les Ambassadeurs de Pologne et de Venise : et ils furent long temps à deliberer si on devoit les renvoyer ou les retenir jusqu’à la fin de la Campagne. Les Ministres Imperiaux alleguerent qu’il seroit inutile de les faire demeurer, puis qu’ils ne vouloient, ni ne pouvoient conclure la paix : outre que la dépense que la Chambre Imperiale estoit obligée de faire pour les defrayer estoit fort considerable. L’Ambassadeur de Venise fut d’vn avis contraire : et montra par plusieurs raisons, qu’il ne les falloit pas renvoyer, et qu’il seroit mesme à propos de continüer la negociation quelque infructüeuse qu’elle pust estre. Mais on n’a encore pris aucune resolution sur ce sujet. Le brüit court seulement qu’il a esté resolu de leur permettre d’envoyer vn courier à Andrinople, pour informer
le Grand Vizir
de l’estat de la negociation, afin qu’ils puissent recevoir des instructions et des pouvoirs plus amples, selon la demande qu’ils en firent il ya plus de deux mois, et que les Commissaires Impériaux ne crurent pas leur devoir accorder. On ne sçait pas encore si cette proposition de dépescher vn courier leur sera faite, parce qu’il n’y a pas d’apparence qu’ils l’écoutent : demandant tousjours avec instance, la permission de se retirer. On dit que les Ambassadeurs de Pologne et de Venise doivent avoir avec eux, vne conference particuliere : et qu’ensuite ils se rassembleront avec les Ministres Impériaux, pour resoudre s’ils doivent estre congediez. Les Envoyez de Moscovie continüent leurs conferences avec les Commissaires qui leur ont esté donnez. Ils font tousjours esperer que les troupes des Czars feront vne diversion considerable : et on leur promet à cette condition, que
Sa Majesté Impériale
ne conclura aucun traité avec les Turcs, sans y comprendre les Moscovites. L’ordre a esté donné à quelques régiments Impériaux et Hongrois et aux milices de cette nation, de faire le blocus du Grand Waradin, de Temeswar et de Canischa durant la Campagne. Le 2 de ce mois, vn courier depesché par le Marquis de Gastanaga Gouverneur des Pays Bas Espagnols, apporta la declaration de guerre de la France contre l’Espagne : et on tint aussitost conseil de guerre sur ce sujet, avec
l’Electeur de Baviere
. Le 5, leurs Majestez Impériales partirent pour aller à Laxembourg, estant accompagnées de
Son Altesse Electorale
: qui en revint hier et partit aussitost, pour retourner à Munich. Le Comte
Caprara
qui servir a sous luy partira dans peu de jours, pour se rendre à l’armée qui s’assemble sur le Haut Rhin. Les troupes du Cercle de Süabe qui doivent y estre jointes ne vouloient obéïr qu’aux ordres du Mareschal de Camp General : mais elles ont enfin consenti avec beaucoup de peine, d’obéïr à
l’Electeur de Baviere
.
Le Prince Loüis de Bade
doit arriver ce soir, de Ratisbonne. Il ira trouver
l’Empereur
à Laxembourg pour prendre ses ordres : et il partira le 15, pour se rendre vers Belgrade et prendre le commandement de l’armée destinée contre les Turcs, qui s’assemble de ce costé là. Elle ne sera que de vingt six mille hommes en y comprenant les troupes Hongroises, les Croates et les Rasciens. Six mille hommes demeureront sousles ordres du Comte Picolomini pour garder les passages de la Save : et on espere tousjours avec ces troupes et celles qui restent en Transylvanie, sous les ordres du Comte Veterani, estre en estat de s’opposer aux entreprises des Turcs et du
Comte Thekeli
. Le rendez-vous general des armées de
l’Empereur
et des Alliez en Hongrie et sur le Rhin, est fixé au 25 de ce mois. Vn Ingenieur est allé à Belgrade, pour faire achever les reparations necessaires des fortifications de cette place, que l’esperance de conclure la paix avoit fait retarder : et on continüe d’y envoyer incessamment des troupes, des munitions et des farines qui sont tirées de toutes les places de Hongrie. Le Comte Nigrelli a esté declaré Lieutenant General. Il partira demain, pour aller à Rome et en diverses Cours des Princes d’Italie. Le 4 de ce mois, le
Comte de Staremberg
Vice-President du conseil de guerre épousa la Comtesse Iorger : et leurs Majestez Imperiales assisterent à la cérémonie des épousailles.