De Vienne, le 9 Octobre 1689.
Le Prince de Hohenzollern arriva icy, il y a quelques jours, de l’armée Impériale de Hongrie : et il partit en mesme temps pour aller à Ausbourg, porter à
l’Empereur
la confirmation de la seconde victoire remportée sur l’armée Othomane, et de la prise de Nissa. On dit que les Impériaux ont trouvé dans le camp des Infideles environ trois mille chevaux ou chameaux, avec quantité de tentes, entre autres celle du Seraskier qui estoit fort riche, et que
le Prince Loüis de Bade
s’est reservée. Les chevaux ont esté distribüez aux regiments de cavalerie, pour remonter plusieurs cavaliers. Il y avoit dans Nissa, beaucoup de marchandises et de bestail avec des magazins d’avoine, d’orge, de ris et d’autres provisions pour quelques semaines. Apres la prise de cette place, deux mille chevaux furent détachez sous le commandement du Comte Picolomini, pour se saisir de plusieurs petits chasteaux, bourgades et villages dont les habitans se sont mis sous la protection de
l’Empereur
et ont receu des sauvegardes. Le brüit court que l’armée Othomane est campée pres de Nicopoli : et que
le Prince Loüis de Bade
avoit dessein de s’avancer vers Sophie, avec la plus grande partie de ses troupes : que cependant vn détachement iroit joindre le corps d’armée du General Heusler du costé de Widin pour attaquer Orsowa : et que si on pouvoit prendre ces deux places, l’armée Impériale iroit encore chercher les Turcs, pour les chasser entierement de la Transylvanie, de la Moldavie et de la Walaquie. Cette resolution fait croire que leur perte n’est pas si considerable qu’on l’avoit d’abord publiée, puis qu’apres deux batailles perduës, ils sont encore en assez bon estat, pour ne pouvoir estre attaquez sans la jonction de toutes les troupes. Sur cela,
le Prince Loüis de Bade
attendoit les ordres de
l’Empereur
qui luy seront portez par le Prince de Hohenzollern. Le General Heusler estoit campé le 29 du mois dernier, entre Karansebes et Mehadia. Il y attendoit vn renfort de cinq cents hommes de pied et de quelque cavalerie, pour aller vers Orsowa : où les Turcs estoient avantageusement pos--tez. Le Comte Marsilii faisoit travailler à deux ponts de bateaux : l’vn à deux portées de canon de Semendria, et l’autre sur la riviere de Ponivitza pour avoir la communication libre des deux costez du Danube, et serrer de plus pres Temeswar. On écrit du Camp de Tomareck devant le Grand Waradin que la cavalerie de la garnison en estoit sortie pour enlever les bleds des villages voisins : et que le Comte Corbelli qui commande au blocus avoit tâché de la couper.
Mais qu’il avoit seulement pris vn Capitaine Hongrois, tüé quelques cavaliers et brûlé deux moulins depuis peu rétablis par les Turcs sous le canon de la place.
Cependant, des prisonniers ont rapporté que la garnison souffroit tousjours beaucoup par la disette : et qu’elle ne pourroit tenir encore long temps, sans vn promt secours.
Le Comte Budiani qui a la conduite du blocus de Canischa a mandé par des lettres du 23 du mois dernier, qu’il esperoit que la garnison demanderoit bientost à capituler. Le brüit s’est répandu que
le Comte Thekeli
sur l’avis de la derniere defaite des Turcs s’est retiré de Widin, avec tout ce qu’il avoit pû faire charger sur quarante barques. Les Envoyez de la Porte qui sont toûjours demeurez icy ne peuvent croire cette derniere victoire. Le Comte de Carlingford Envoyé du
Roy de la Grande Bretagne
est parti d’icy : sans pouvoir obtenir audience de
l’Empereur
, et ayant sçeu qu’il avoit resolu de recevoir vn Ministre du
Prince d’Orange
: et mesme nommé le Comte de Konigseck pour aller à Londres Envoyé Extraordinaire. Le brüit court que
l’Impératrice
est grosse.