De Londres, le 27 Ianvier 1689.
Toutes choses se préparent pour l’assemblée générale qui doit commencer le 1r du mois prochain : et la pluspart des villes et des communautez de ce Royaume ont déja choisi leurs Députez. Plusieurs et entre autres les villes de Carlile et de New castle ont refusé d’en nommer : et n’ont point eu d’égard aux lettres circulaires du
Prince d’Orange
, pretendant qu’il n’avoit aucune autoritépour faire vne semblable convocation, et que les Seigneurs et les Bourgeois qui l’en ont prié, ne la luy ont pû donner. Il y a eu aussi plusieurs contestations en divers endroits touchant les élections, sur ce qu’on a remarqué vne affectation particuliere à faire députer des Presbytériens Nonconformistes : ce qui s’est fait avec de grandes brigues.
Les menaces ont esté employées en d’autres endroits pour faire exclure ceux que leur affection pour le bien public et quelque attachement au service du
Roy
rendoient suspects aux factieux.
Les Ecclésiastiques paroissent fort alarmez, craignant avec sujet que ceux qui dans toutes les révoltes passées ont dépoüillé le Clergé Protestant de tous ses honneurs, biens et prérogatives, n’entreprennent quelque chose de semblable, dans vne assemblée où ils seront apparemment les plus forts. L’Archevêque de
Cantorbéry
Primat du Royaume n’a point encore visité
le Prince d’Orange
: et il a mesme refusé de le faire. Le projet d’association pour la défense de la Religion Protestante et de la liberté, a esté signé par plusieurs Seigneurs : mais les
Ducs de Norfolk
, de Sommerset et de New castle : les Comtes de
Derby
, de Pembrooke, de Chesterfield, et de
Notingham
, et quelques autres Seigneurs ont refusé de le signer. On l’a fait plus aisément signer aux Bourgeois et à la populace en diverses Provinces, quoy qu’en quelques endroits, il a fallu employer la violence. Il y a encore des Seigneurs armez dans les Provinces qui ne se sont pas déclarez : et la pluspart paroissent avoir des desseins fort différents. Tous s’accordent à demander vn Parlement libre, et la conservation de la Religion Protestante, des loix, des privileges, des libertez, et proprietez. Mais les vns proposent d’établir vne nouvelle forme de gouvernement : en changeant la Monarchie en République : les autres veulent faire couronner
la Princesse d’Orange
: et il y en a qui demandent l’élection du
Prince d’Orange
. Enfin, ceux qui veulent la conservation des Loix, et qui se souviennent de la dure servitude dans laquelle l’Angleterre se trouva engagée sous le dernier vsurpateur, par des prétextes semblables à ceux qui font presentement les motifs de la rebellion, souhaitent le retourdu
Roy
, à condition que la Religion Protestante et les loix seront maintenuës. Les régiments qui ont esté cassez ont esté incorporez en d’autres, à cause qu’il y en avoit peu de complets. Mais vn assez grand nombre d’officiers et de soldats ont déserté, ne voulant pas obéïr à d’autres Colonels.
Il y a eu aussi de grandes querelles entre les troupes Estrangéres et les Angloises, sur ce que des officiers Allemans s’estoient vantez qu’ils avoient conquis l’Angleterre
: et elles pouvoient avoir de grandes süites, si
le Prince d’Orange
ne les avoit prévenües. Il a aussi esté obligé de retirer les troupes qui avoient esté logées dans cette ville chez les Bourgeois, sur les plaintes qui luy ont esté faites par le Maire et les Aldermans : et on publia le 18 de ce mois vne Déclaration, pour défendre aux soldats et aux officiers de loger ailleurs que dans les hostelleries et d’autres maisons publiques. Il a donné le régiment de Skelton au Colonel Fitz-Patrik, et celuy de
Dumbarton
au Comte Charles de
Schomberg
. Les affaires d’Irlande donnent toûjours beaucoup d’inquiétude. Les brüits qui s’estoient répandus de la retraite du Comte de
Tyrconnel
, et de la foiblesse de ses troupes, sont dissipez. On a sçeu au contraire, qu’il avoit présentement trente mille hommes bien armez, et que plusieurs officiers Irlandois s’estoient rendus aupres de luy. Les régiments destinez pour aller en Irlande sous le commandement du Colonel
Mackay
, sont ceux d’infanterie de Douglas, de
Kirk
, de Trelawney, de Villers, d’Hammons, de Richard : et ceux de Dragons, de Forbes, de Meath, et de Coningham, avec la compagnie des Gardes commandée par le Duc de
Northumberland
. On croyoit que ces forces seroient suffisantes pour obliger le Comte de Tyrconnel à se soûmettre : mais on a esté obligé à prendre de nouvelles mesures depuis qu’on a sçeu par le retour de quelques Protestans, que les troupes s’augmentoient tous les jours : et qu’elles occupoient divers postes pour empescher le débarquement aux Anglois. Ainsi ces régiments qui s'estoient mis en marche du costé de Chester, ont eu ordre de suspendre leur marche : et il a esté résolu d’y joindre encored’autres troupes, et d’en donner le commandement au Mareschal de
Schomberg
. Ces préparatifs de guerre n’ont pas empesché plusieurs délibérations pour tâcher à persüader les Irlandois de poser les armes, en leur offrant de les rétablir en l’estat où ils estoient sous le régne de
Charles II
. Le Duc d’
Ormond
, et le Comte de Burlington ont aussi présenté vne requeste au
Prince d’Orange
, au nom des Irlandois Protestans, pour le prier de prendre soin du gouvernement de l’Irlande, afin de luy donner vn prétexte d’y envoyer des troupes, comme en estant requis par toute la Nation. Le Comte de
Hamilton
y a esté envoyé pour exhorter le Comte de
Tyrconnel
à se soûmettre. Mais il a répondu qu’ayant esté establi
Gouverneur
par
le Roy
, il ne connoissoit aucune autre autorité que celle de son Souverain légitime : et qu’il estoit résolu de se maintenir dans le Gouvernement, jusqu’à ce qu’il sceût les intentions de
Sa Majesté
dont il auroit soin de s’informer. Les Députez des Estats Généraux sollicitent toûjours avec de grandes instances, le retour de leurs troupes et de leurs vaisseaux : mais sans beaucoup d’espérance de l’obtenir. Il avoit esté résolu d’envoyer neuf mille hommes en Hollande : et les gardes du Corps devoient estre du nombre : mais ils ont refusé d’y aller, à moins que leur paye ne soit continüée sur le mesme pied. Les affaires d’Escosse ne sont pas encore bien reglées. Les Seigneurs et Gentilshommes Escossois qui sont icy, s’assemblérent le 14 à Whitehall, pour délibérer sur ce qu’ils avoient à faire : et ils élurent le Duc de
Hamilton
pour leur Président. Il fut proposé de convoquer vne Convention en Escosse semblable à celle qui doit se faire pour l’Angleterre : et de prier cependant,
le Prince d’Orange
de prendre le Gouvernement du Royaume. Le Comte d’
Arran
et le Chevalier
Mackenzie
s’opposérent si vigoureusement à cette proposition, que les avis furent partagez : et l’Assemblée se sépara ainsi sans rien conclure. Depuis, ils se sont rassemblez : et ils sont convenus apres plusieurs contestations, d’offrir le Gouvernement d’Escosse au
Prince d’Orange
jusqu’au 24 de Mars prochain, remettant jusqu’à ce temps là, à délibérer plus amplement sur la proposition de convoquer vne Assemblée de Députez du mesme Royaume. On a commencé à envoyer au
Prince d’Orange
vne partie de l’argent nécessaire pour faire les deux cents mille livres sterling que la Chambre de cette Ville a résolu de luy prester pour six mois à raison de six pour cent. Mais comme cette somme ne suffit pas, on a déja proposé vn autre emprunt de cent mille livres sterling. La ville ne s’y est pas engagée : mais plusieurs particuliers la pluspart Presbytériens offrent de l’argent par voye de souscription.
D’autres commencent à murmurer de ces grands emprunts, et disent que les revenus publics sont plus que suffisans pour soustenir les dépenses de l’Estat : qu’il y a sujet de craindre qu’on ne se serve de ces sommes extraordinaires pour faire quelque entreprise contre leur liberté : et qu’il faut proposer d’abord à la Convention, de diminüer les charges et les imposts.
Le Colonel Legg frere de Mylord
Dartmouth
a remis sa commission entre les mains du
Prince d’Orange
: déclarant en mesme temps, qu’ayant receu plusieurs bienfaits du
Roy
, il ne pouvoit porter les armes contre son service. Titus
Oats
et le Ministre Iohnson Chapelain du feu Mylord
Russel
ont esté mis en liberté.
Les habitans des Isles de Gersey et de Guernesey se sont declarez pour
le Prince d’Orange
: et ils ont arresté le Capitaine Arundel leur
Gouverneur
, et le Chevalier Windham son Lieutenant. Le Comte de Bath y a envoyé quelques troupes, et trois vaisseaux de guerre ont esté envoyez pour croiser autour de ces Isles.
Le Prince d’Orange
a fait publier vne Déclaration, par laquelle il est ordonné à tous les Catholiques de sortir dans trois jours, de Londres et de Westminster, et de tous les lieux sitüez à dix milles aux environs de la ville. Il a aussi ordonné à tous les Connestables ou Commissaires des quartiers, d’aller dans toutes les maisons, de prendre la liste de ceux qui y sont logez, et de sçavoir quelle Religion ils professent. Mylord
Ieffreys
Chancelier du Royaume est dangereusement malade, dans la Tour. On dit que
le Prince d’Orange
ira à
Windsor
durant l’Assemblée générale.