De Londres, le 3 Fevrier 1689.
Le 1r de ce mois, jour marqué pour l’ouverture de la Convention ou assemblée Extraordinaire des Députez de toutes les Comtez, Villes et autres Corps qui ont droit de députer au Parlement, s’assemblérent à Westminster. Les Evesques et les Seigneurs Séculiers, Pairs du Royaume, s’assemblérent dans la Chambre où les Seigneurs tiennent ordinairement leurs séances. L’
Archevesque de Cantorbery
ne s’y trouva pas : et il a mesme déclaré qu’il n’y vouloit pas assister. Les autres Députez se sont assemblez dans le lieu ordinaire de la Chambre des Communes. Les Seigneurs, apres avoir delibéré sur la maniére selon laquelle l’assemblée pouvoit procéder, jugérent à propos pour éviterles difficultez insurmontables qui se seroient trouvées à se regler sur la forme ordinaire de la Chambre Haute, de procéder de la maniére qu’ils avoient fait depuis peu, en choisissant entre eux, vn Président qui auroit la mesme fonction que l’Orateur dans la Chambre Basse. Le Marquis d’
Hallifax
fut choisi pour Président par les Seigneurs, et le sieur
Powle
par les Communes. Les Seigneurs reçeurent en mesme temps, vne lettre du
Prince d’Orange
, par laquelle il les prioit de delibérer sur les moyens les plus propres d’établir la seureté de la Religion Protestante, de réduire l’Irlande, et de secourir les Hollandois. Apres la lecture de cette lettre, il fut résolu de remercier
le Prince d’Orange
des soins qu’il avoit pris jusqu’à présent, pour delivrer le Royaume du Papisme et du pouvoir arbitraire : et de le prier de les continüer pour l’administration des affaires publiques, jusqu’à ce qu’ils luy ayent declaré plus amplement leurs intentions. Ils firent dresser vne Adresse sur ce sujet : et députérent
le Duc de Nortfolk
et le Duc d’
Ormond
pour la présenter au
Prince d’Orange
. Il leur donna audience le mesme jour : et il leur répondit qu’il estoit fort aisé qu’ils fussent contents de sa condüite : que puis qu’ils le souhaitoient, il continueroit à prendre soin du gouvernement de l’Estat : qu’il travailleroit autant qu’il luy seroit possible, à établir la tranquillité publique : et qu’il les exhortoit particuliérement, à demeurer vnis entre eux afin de ne donner pas lieu par leur division, à de nouveaux troubles, qui pourroient empescher l’exécution de ses desseins. Il avoit écrit à la Chambre des Communes vne lettre semblable à celle qui estoit adressée aux Seigneurs. On en fit la lecture : et le sieur
Powle
Président des Communes présenta aussi au
Prince d’Orange
, vne Adresse qui estoit en substance, la mesme que celle des Seigneurs : et il y fit vne réponse semblable. Ensüite, les Seigneurs et les Communes se rassemblerent dans leurs Chambres : et il fut résolu de célébrer vn jour de feste et d’action de graces. On choisit pour cet effet, le 10 de ce mois, jour auquel l’Eglise Anglicane devoit faire l’office prescrit dans le Livre des priéres communes, pour demander pardon à Dieu de l’exécrablepatricide commis en la personne du
Roy Charles I
. Les Evesques de
Londres
, de S. Asaph, de Norwich, de Rochester, de Chichester, de Bristol et de Peterborough furent nommez pour composer des priéres pour le service de cette nouvelle feste, qui sera observée le 24 du mois prochain, dans tout le Royaume. L’Evesque de S. Asaph fut choisi pour prescher devant les Seigneurs : et le Docteur
Burnet
, pour prescher devant les Communes. Le 2, les deux Chambres continüérent leurs séances : et établirent chacune, vn Committé pour les affaires de la Religion. On proposa diverses requestes à la Chambre des Communes, touchant des élections contestées comme défectüeuses : et vn Committé fut nommé pour les examiner. On en nomma aussi vn pour examiner . Des séditieux, dont la pluspart estoient complices de la conjuration du
Duc de Monmouth
, et dont quelques vns ont esté exécutez à mort pour crime de haute trahison, avoient alors fait courir le brüit qu’il avoit esté assassiné dans la prison, sans en pouvoir donner aucune preuve. Cependant, la confusion présente des affaires, a donné occasion de renouveller cette accusation contre deux ou trois personnes qui ont esté arrestées sur la simple dénonciation de quelques témoins, dont les Communes ont déja reçeu les dépositions. Les Seigneurs ont fait entrer dans leur Chambre quelques fameux Avocats pour leur servir de conseil. Mylord
Lovelace
et Mylord
Mordant
ont esté nommez pour aller à la Tour, examiner Mylord Chancelier, sur divers chefs d’accusation. On continüe de faire signer l’Acte d’association à tous les particuliers : mais plusieurs font assez connoistre qu’ils ne l’ont signée que pour éviter le péril dont ils estoient menacez, s’ils continüoient à le rejetter. Il y a des Evêques qui l’ont signée depuis le changement qui a esté fait de quelques termes trop durs, et dont les conséquences pouvoient estre fâcheuses. La Chambre de cette ville a achevé le payement de deux cents mille livres sterling qu’elle preste au
Prince d’Orange
pour les dépenses présentes, dont cent cinquante mille livres ontesté portées à la Trésorerie. Les affaires d’Irlande sont toûjours au mesme estat : et les derniéres nouvelles qui en sont venües ont fait prendre la résolution d’augmenter le nombre des troupes destinées de ce costé là. Les Gardes du Corps à cheval avoient esté commandez pour cet effet, avec d’autres troupes : mais la pluspart ny veulent pas aller.
Le Duc de
Northumberland
qui commande vne des Compagnies, a refusé d’obéïr : et
le Prince d’Orange
luy en a osté le commandement.
Le Comte de
Tyrconnel
suivant les derniers avis, a reçeu des armes et des munitions : et ses troupes sont présentement de plus de trente mille hommes.
Il a mis garnison dans Kilkenny : et il a fait occuper plusieurs postes importants pour empescher le débarquement. Il a fait saisir les biens du Duc d’
Ormond
et de quelques autres Seigneurs Protestants, la pluspart, autrefois confisquez sur les Catholiques qu’il a remis en possession. Le brüit court, mais sans aucune certitude, que Mylord Kinston et le Capitaine Coote frére de Mylord Collony, ayant assemblé environ mille hommes de pied et quatre cents chevaux, avoient surpris la ville de Slegore et s’en estoient rendus maistres pour le parti Protestant. On dit aussi que le Comte de
Tyrconnel
envoye en France, Mylord Montioy et Mylord Chef Iustice d’Irlande, pour reçevoir les ordres du
Roy de la Grande Bretagne
. On parle toûjours de nommer des Commissaires pour l’administration du Grand Seau de ce Royaume : mais comme cette affaire enferme de grandes difficultez, qu
’il faut faire vn nouveau seau, et que suivant les loix du Royaume, c’est vn crime de haute trahison d’avoir part directement ou indirectement à cet attentat contre l’autorité Royale
, elle sera remise à la délibération de l’assemblée générale. Le Chevalier Villers est allé en Hollande, trouver
la Princesse d’Orange
, pour luy dire de se préparer à partir dans peu de jours pour venir icy. Mylord
Churchill
a esté fait premier Gentilhomme de la Chambre du
Prince de Danemark
. Mylord Forbes a rendu sa commission au
Prince d’Orange
, comme avoit fait le Colonel Legg.
On a eu avis d’Edimbourg, qu’il y avoit eu vne grande emeute : et que la populace
avoit pillé les maisons de tous les Catholiques, et mesmes celles de plusieurs Ministres de l’Eglise Anglicane
que ces séditieux avoient également maltraitez, déclarant qu’ils vouloient abolir le Papisme et l’Episcopat, et rétablir l’ancien
Convenant
ou ligue d’Escosse. Le Chevalier Cotton a présenté au
Prince d’Orange
vne Association signée par plusieurs Gentilshommes de la Comté de Cambridge. Le Comte de Clare mourut le 27 du mois dernier.