De Londres le 7 Mars 1689.
Apres que les deux Chambres furent convenües durésultat par lequel elles ont déféré la Couronne au
Prince d’Orange
, comme vacante par l’abdication et renonciation du
Roy Iacques II
, elles travaillérent sur les griefs de la nation : et les rédüisirent à plusieurs articles, dont voicy les principaux. Que le pouvoir de suspendre l’exécution des loix, sans l’autorité du Parlement, est illégitime. Que les Commissions establies pour les affaires extraordinaires et particuliérement la derniere pour les affaires Ecclésiastiques, sont pernicieuses et contraires aux loix et aux libertez de la nation. Que tous les sujets ont droit de présenter des Adresses au Roy : et qu’ils ne peuvent estre poursuivis en justice et encore moins emprisonnez sous ce pretexte. Qu’il est contre les loix, que le Roy en temps de paix et sans aucune nécessité apparente, ait vne armée sur pied sans le consentement du Parlement. Que les Protestants peuvent avoir des armes pour leur seureté, chacun selon son estat et sa condition. Que l’élection des Deputez pour le Parlement doit estre libre : et que la liberté y doit estre entiére de proposer tout ce qui paroist à propos pour le bien de l’Estat. Qu’on ne doit point exiger des cautions excessives de ceux qui estant poursuivis au nom du Roy, sont élargis sous caution : et qu’on doit encore moins imposer des amendes arbitraires et excessives. Que les Iuges du Banc du Roy qui connoissent des crimes de Haute trahison doivent estre deuëment choisis. Que toutes les confiscations de biens sont nulles et illégitimes. Que pour redresser tous ces griefs, le Parlement doit estre souvent assemblé, et au moins tous les trois ans.
Plusieurs de ces prétendus griefs regardent le régne du Roy : et d’autres ne peuvent avoir rapport qu’aux précédents regnes. Ils sont la pluspart entiérement contraires aux statuts fondamentaux qui ont incontestablement establi en la personne du Roy toute l’autorité nécessaire pour la suspension ou l’exécution des loix
: le droit d’établir des Iuges : et celuy de convoquer les Parlements, comme des prérogatives certaines de la Couronne. Cependant,
le Prince d’Orange
a témoigné qu’il les approuvoit : et il a donné, sur ceux qui pouvoient luy déplaire, des paroles générales, dont les deuxChambres ont esté obligées de se contenter. Le 24, il fit publier vne proclamation pour ordonner que les
Shérifs
,
Iuges de Paix
, Commissaires et Receveurs qui estoient en charge depuis le 11 Décembre dernier, en continüeroient l’exercice. Le 25, le Maire, les
Shérifs
et les Aldermans allérent en corps, complimenter
le Prince
et
la Princesse d’Orange
: et leur baisérent la main. La charge de grand Trésorier sera exercée par des Commissaires : qui sont Mylord
Mordant
, Mylord
Lumley
, le Chevalier Henry Howard, et le Chevalier Henry
Capel
.
Le Prince d’Orange
ne s’est pas encore déclaré sur la charge de Chancelier. Il a donné au Maréchal de
Schomberg
la charge de grand Maistre de l’Artillerie, qui n’est pas fort considérable. Le 28,
le Prince d’Orange
se fit voir pour la premiére fois, dans la Chambre des Seigneurs en habits Royaux, avec
la Princesse
sa femme : quoy que cette cérémonie soit contre l’vsage pratiqué par les Roys, qui ne paroissent ainsi qu’à l’ouverture des Parlements, et lors qu’il y a quelque affaire importante, ou quelques actes à passer. Il manda les Communes : et s’estant assis sur le thrône il fit vn discours pour exhorter les deux Chambres, à délibérer promtement sur les moyens de subjuguer l’Irlande, et sur les secours qui doivent estre envoyez aux Hollandois. Le 1r de ce mois, les deux Chambres s’assemblérent pour délibérer sur cette harangue : mais elles examinérent d’abord, si la Convention pouvoit estre changée en Parlement. Les Seigneurs conclurent pour l’affirmative, nonobstant les raisons que plusieurs ont opposées. On n’y fit aucune réponse, sinon que la Convention ayant passé pardessus des loix fondamentales beaucoup plus importantes, ne devoit pas s’arrester à de simples formalitez : et cet avis a passé dans la Chambre Basse. Le Comte de
Clarendon
et le Comte de Rochester son frere oncles de
la Princesse d’Orange
, ont ordre de ne point venir à la Cour.