De Londres le 10 Mars 1689.
Le 26 du mois dernier,
le Prince d’Orange
se renditpar eau, de Whitehall à Westminster. Les gardes de la Manche et les Gentilshommes pensionnaires estoient en haye jusqu’au-bord de la riviére. Les Gentilshommes de la Chambre, quelques Seigneurs officiers de sa maison, et
Iartiére
premier Roy d’armes précédoient le Duc de Sommerset, qui portoit l’épée Royale : ayant le
Duc de Norfolk
Comte-Maréchal à sa gauche. Le Marquis de Winchester portoit le bonnet Royal.
Le Prince d’Orange
venoit ensüite, et il alla dans son appartement prendre la tunique et le manteau Royal, et la Couronne. Estant ainsi paré, il entra dans la Chambre Haute : où il se mit sur le thrône. Les Seigneurs revestus de leurs habits de cérémonie prirent leurs places : et il envoya le grand Huissier querir les Communes. Quand les deux Chambres furent assemblées, il leur tint le discours suivant. . Les Communes retournérent ensüite, à leur Chambre : où l’Orateur fit faire la lecture de ce mesme discours. Les Seigneurs firent lire pour la premiére fois, vne forme d’Acte pour changer la Convention en Parlement : et le soir, ils en firent la seconde lecture. Le 1r de ce mois, il fut leu pour la troisiéme fois : et ils l’approuvérent avec ce titre. Acte pour obvier à toutes les questions et disputes qui peuvent naître, au sujet de l’Assemblée et de la séance de ce présent Parlement. Les Communes délibérérent sur la harangue du
Prince d’Orange
: et il y eut plusieurs contestations qui occupérent toute la séance. Le 2, on fit dans la Chambre Basse, la premiére et deuxiéme lecture de l’Acte envoyé par les Seigneurs, sur lequel il y eut de longues délibérations. Le 3,
l’Evesque de Londres
accompagné d’environ cent personnes de son Clergé, alla salüer
le Prince
et
la Princesse d’Orange
: et leur baisa la main, comme à ses Souverains.
Le Prince d’Orange
l’assura de son affection pour l’Eglise Anglicane, et de la protection qu’elle devoit espérer de luy. Les Communes firent lire pour la troisiéme fois, l’Acte pour changer la Convention en Parlement : et y firent quelques additions. On en leut vn autre pour prévenir les inconvénients qui peuvent arriver de ce que les Assises n’ont pas esté tenües à cause des troubles présents : et vn autre pour indemniser et mettre à couvert de toute recherche, les
Iuges de Paix
et autres Officiers, qui ont exercé leurs charges, quoy que les Cours de Iustice ne subsistent plus. Mais les Catholiques en furent exceptez. La Chambre ordonna aussi que le Chevalier Robert Howard apporteroit vn compte de tout l’argent qui a esté employé par ordre du
Roy
, en affaires secretes. Elle résolut enfin, de prier
le Prince d’Orange
de travailler promtement et efficacement à la réduction de l’Irlande. Le mesme jour, il se rendit à la Chambre Haute en habits royaux : et ayant mandé les Communes, il donna son consentement à l’Acte approuvé par les deux Chambres, pour changer la Convention en Parlement.
Cet Acte a esté considéré comme vne procédure toute nouvelle et sans exemple, puis qu’on n’avoit jamais encore veu qu’vne assemblée qui a besoin d’estre
convertie en Parlement, et qui par consequent n’a pas l’autorité du corps representatif de toute la nation, ait crû acquerir cette mesme autorité, parce qu’elle luy a esté confirmée par vn particulier étranger, qui n’en a aucune, que celle qui luy a esté donnée par la Convention, qui n’en a point.
Plusieurs mesmes témoignent déja qu’ils ne payeront pas les subsides qui pourront estre ordonnez par cette assemblée illégitime. Le Chevalier Robert Howard dît à la Chambre Basse qu’il avoit payé quarante sept mille livres sterlin à quelques Officiers du
Roy
, pour des affaires secretes. On ordonna à Mylord
Wiltshire
et au Chevalier Rowland Gwyn de prier
le Prince d’Orange
de faire vn présent aux soldats de son armée, prests à s’embarquer pour la Hollande. On leut vne forme d’Acte pour autoriser les Cours de Iustice à recommencer leurs séances à Westminster. Le 6, il assista au service fait dans la Chapelle Royale selon l’vsage de l’Eglise Anglicane : mais il eut toûjours le chapeau sur la teste, ce qui scandalisa fort les Protestants Conformistes. Le 7, la Chambre des Communes ordonna que le lendemain, son discours seroit mis en délibération. Que le Committé chargé d’examiner les griefs de la Nation, dresseroit des Articles d’accusation, contre diverses personnes soupçonnées de malversation dans leurs charges. Qu’vn autre Committé examineroit le projet du serment qui doit estre présenté au
Prince d’Orange
avant son couronnement, pour y faire les changements nécessaires. Le 8, les Seigneurs délibérérent sur le projet d’vn Acte pour régler les procédures criminelles dans les affaires des Pairs. Ils ordonnérent qu’vn nommé Holland seroit mis dans la prison de Newgate, comme ayant connoissance de quelques particularitez de la mort du Comte d’
Essex
. On proposa dans la Chambre des Communes, d’examiner à quoy monte le revenu du
Roy
: et l’affaire fut remise au lendemain. Le 9, la Chambre se tourna en Committé général : et apres avoir mis en délibération le discours du
Prince d’Orange
, elle résolut de s’attacher à ses interests et à ceux de la
Princesse sa femme
, d’appüyer les alliances qu’il a faites avec les Estrangers, et d’employer toutes sortes de moyenspour rédüire l’Irlande, et pour maintenir la Religion Protestante. On avoit cru jusqu’à présent, qu’elle ne pouvoit estre en seureté, si les loix établies par les Parlements d’
Elizabeth
et les autres qui les ont confirmées n’estoient maintenües. Mais comme elles ne sont pas plus sévéres envers les Catholiques, qu’envers les Presbytériens et les Fanatiques dont la Convention est remplie, on a crû assurer la Religion Protestante, en leur ostant toute leur force à l’égard de ces sectes, ce qu’aucun Parlement n’avoit encore fait. Le projet de cet adoucissement fut proposé à la Chambre des Seigneurs. On fit ensüite, la proposition d’établir vn fond de soixante seize mille livres sterlin par mois, à cause des dépenses nécessaires dans l’estat present des affaires. Mais avant que de prendre vne derniere résolution sur ce sujet, il fut jugé à propos d’examiner l’estat des revenus de la Couronne.
Aujourdhuy, il y a eu vn conseil extraordinaire sur les affaires d’Irlande : où on apprend que le Comte de
Tyrconnel
se fortifie de plus en plus, et qu’avec le secours qu’il attend il pourra non seulement défendre le Royaume, mais envoyer encore des troupes, où le Roy le jugera à propos. La plus part des regiments qui sont sur pied font difficulté d’aller servir contre les Irlandois
: ce qui a obligé
le Prince d’Orange
à lever seize mille hommes pour les envoyer de ce costé là, sous le commandement du Mareschal de
Schomberg
, avec quelques vieux régiments. Mais cette levée se fait fort lentement : tous craignant le succez de cette entreprise, et plusieurs refusant de porter les armes contre
le Roy
. Il faudra lever aussi vn corps considérable de troupes, en cas que
le Prince d’Orange
persiste dans la resolution de secourir fortement les alliez.
Le Comte d’
Arran
a esté arresté et conduit à la Tour avec quelques autres Escossois, accusez d’avoir eu correspondence avec
le Roy
: ce qu’on veut faire passer pour crime de trahison.
On a trouvé ce procedé d’autant plus extraordinaire, que peu de jours auparavant, il avoit esté attaqué par des assassins. Les sieurs
Maynard
, Robinson, et
Kirke
sont nommez Commissaires pour exercer la Charge de Garde du grand Seau. Mylord
Lovelace
a estéfait Capitaine des Gentilshommes Pensionnaires.