L’Enquête de 1807-1812 sur les idiomes, dialectes et patois de la France


Après une première période de tolérance, durant laquelle l’Assemblée nationale française décide de « faire publier les décrets de l’Assemblée dans tous les idiomes qu’on parle dans les différentes parties de la France » (14 janvier 1790), la Révolution française considère que les langues et les dialectes régionaux sont un obstacle à la propagation de ses idées. L’abbé Henri Grégoire (1750-1831), ancien président de la Convention nationale, et évêque constitutionnel, entreprend en 1790 de faire le bilan de la situation linguistique de la nation. Bertrand Barère (1755-1841), membre du Comité de salut public, l’organe de gouvernement révolutionnaire mis en place par la Convention nationale en avril 1793, déclenche une véritable offensive en faveur de l’existence d’une langue nationale dans son Rapport du Comité de salut public sur les idiomes (8 pluviôse an II / 27 janvier 1794). En juin 1794, le même abbé Grégoire remet un Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française de 28 pages. Ce rapport donne naissance à deux décrets qui rendent obligatoire l’usage de la langue française, considérée comme « langue de la liberté », dans tous les actes publics, « même sous seing privé ». Les contrevenants s’exposent à six mois d’emprisonnement et à la destitution de leur charge.

La question restera sensible jusque sous l’Empire, et c’est à un ancien consul de France à Hambourg, depuis la Révolution professeur à l’École des Mines et ancien responsable de l'organisation du nouveau système de poids et mesures (décret du 1er août 1793), Charles Coquebert de Montbret (1755-1831) qu’est confié en 1806 le soin de mener une enquête sur les idiomes, dialectes et patois parlés en France. Il enquête de 1807 à 1812 avec son fils Eugène, produisant un premier rapport manuscrit en 1812 puis deux publications d’un choix de paraboles en 1824 et 1831. Le 20 janvier 1812, le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre de Montalivet (1766-1823), envoie aux préfets des cent trente départements français une circulaire les invitant à recueillir les éléments sur ce sujet.

La réponse des préfets normands a été très inégale. Seuls quelques documents ont été conservés pour l’Orne et la Seine-Inférieure (actuelle Seine-Maritime). Rien n’a été envoyé par les préfets de l’Eure, du Calvados et de la Manche.

Les documents touchant l’Orne ont été publiés en 1890 par l’archiviste Louis Duval. Ceux de la Seine-Maritime sont restés largement inédits. L’essentiel se trouve conservé aux Archives Nationales. Quelques documents isolés sont aussi intégrés aux collections des Archives départementales de la Seine-Maritime.