Les premières enquêtes consacrées à l’agriculture apparaissent dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, sous l’influence des Economistes puis des Physiocrates. La Bibliothèque historique du ministère de l’Agriculture contient les deux premiers volumes de l’ouvrage d’Octave Festy, Les animaux ruraux en l’an III…, publiés en 1941 et 1946 mais afférents à la fin du XVIIIe siècle. Quant au troisième volume, il est présent dans la bibliothèque du Pôle rural de la MRSH. Cette publication a trait à l’enquête sur les animaux ruraux ordonnée en l’an III par la Commission d’agriculture et des arts. Elle en relate l’historique, la méthodologie, le dépouillement et ses résultats généraux.
En 1814, une circulaire de Becquey, Directeur général de l’Agriculture, invite les préfets à réaliser tous les ans un état de l’agriculture, concernant l’emploi des terres, les animaux utilisés dans l’agriculture, ainsi que des observations plus générales, en mobilisant les réponses au questionnaire de 1812. Cent ans plus tard, le ministre de l’Instruction publique demande aux archivistes départementaux de transmettre des informations relatives à cette tentative de statique agricole de 1814. Seuls 19 archivistes fournissent des réponses aux questionnaires et 23 transmettent des observations et renseignements utiles mais ne correspondant aux documents qui leur étaient demandés. Ces réponses sont rassemblées dans un volume faisant partie de la Bibliothèque historique du ministère de l’Agriculture, publié en 1914, La statistique agricole de 1814. La fiabilité des données de l’enquête n’est pas meilleure que celle des enquêtes précédentes, probablement à cause de l’absence d’un outil administratif adapté chargé de centraliser et de vérifier les renseignements recueillis. Le Bureau de la statistique au ministère de l’Intérieur, créé en 1801 est supprimé en 1812.
À partir de 1833, c’est le début de l’institutionnalisation et de la centralisation de la statistique administrative. Le Service central de la Statistique est créé, puis, sept ans plus tard, sa dénomination change au profit de Statistique générale de la France. Alexandre Moreau de Jonnès estime qu’une étude statistique de l’Ancien régime est indispensable. Il publie des renseignements sur la structure sociale de la France vers 1788 relatifs à la distribution de la propriété, des revenus, des impôts et des charges publiques. Il dirige le Bureau des Archives commerciales et de statistique générale chargé entre autres de remettre en ordre des tableaux statistiques ayant trait au territoire, à la population, à la richesse. En 1835, la Statistique générale de la France publie un volume intitulé Documents statistiques sur la France qui ne présente aucune donnée relative à l’agriculture française. En 1837, le ministère des Travaux publics, de l’Agriculture et du Commerce édite un document de la Statistique de la France : Archives statistiques qui contient des tableaux statistiques par région et par département afférents à l’agriculture, avec des comparaisons pour certaines données. Ce volume, présent dans la bibliothèque historique du ministère de l’Agriculture, contient des tableaux relatifs aux prix des céréales sur une période qui s’étend de 1756 à 1835, au produit des récoltes de 1815 à 1835, des renseignements afférents au bétail, à la consommation de viande, de vin, etc.
La réalisation d’enquêtes et de statistiques au XIXe siècle, qui vise à mieux gérer la richesse agricole du pays, à mettre en exergue les progrès agricoles et économiques du pays, suscite des débats sur la méthodologie. L’ouvrage Notes économiques sur l’administration des richesses et la statistique agricole de C. E. Royer, qui a exercé la fonction de professeur d’économie rurale à l’Institut royal agronomique de Grignon, paraît en 1843. C.- E. Royer donne son opinion négative à l’égard de la statistique agricole de la France, de l’exécution de la précédente enquête, tout en reconnaissant les mérites de M. Moreau de Jonnès. Il souhaiterait une meilleure organisation de l’administration chargée de la statistique agricole, « avec ramifications locales établissant un vaste réseau continu, depuis le ministre jusqu’au plus pauvre cultivateur » (cf. p. vj).
Quelques publications de la Bibliothèque historique du Ministère de l’agriculture datant du XIXe siècle portent sur un secteur géographique donné d’un point de vue agricole et rural : Statistique rurale et industrielle de l’arrondissement de Briançon (1823), Le département de la Meurthe, statistique historique et administrative (1843) (première partie, deuxième partie), Statistique agricole générale de l’arrondissement de Morlaix (1849)… Au XIXe siècle, certains départements font l’objet d’une publication coordonnée par les inspecteurs de l’agriculture. Les documents relatifs au Tarn (1845), aux Côtes-du-Nord (1844), à l’Aude (1847), au Nord (1843), à la Haute-Garonne (1843), aux Hautes-Pyrénées, à l’Isère (1843) sont présents dans la Bibliothèque historique du ministère de l’Agriculture. Ils traitent de la situation agricole du département, de renseignements qualitatifs sur ce secteur géographique (à l’instar de la division en arrondissement, de la situation religieuse, ou de l’instruction publique) ainsi que de nombreuses données quantitatives afférentes à la population, à la production végétale et animale, voire à des spécificités locales.
Les compétences techniques des Professeurs départementaux d’agriculture sont mobilisées pour la réalisation des enquêtes agricoles. Leur intervention, qui est progressive depuis la création du ministère de l’Agriculture, s’accroît dans le cadre de l’application du décret du 27 août 1902, qui leur demande « de guider les commissions communales dans le détail de leur fonctionnement, ainsi que dans le choix et l’application de la méthode à employer. Ils sont tenus d’exécuter toutes les missions ou travaux qui leur sont confiés par le Directeur de services agricoles ». Les grandes enquêtes, la statistique agricole annuelle sont toujours exécutées sous l’autorité administrative des préfets mais les instructions techniques et de contrôle sont sous la responsabilité des « services extérieurs » du ministère de l’Agriculture.
Olivia Blum