Les résultats des premières grandes enquêtes régulières ayant trait à l’agriculture sont édités à partir de 1840 : il s’agit des statistiques décennales de 1840, 1852, 1862, 1882 et 1892[1]. Les publications afférentes à leurs résultats généraux sont présentes dans la Bibliothèque historique du ministère de l’Agriculture, ainsi que l’Atlas de statistique agricole (résultats généraux des statistiques agricoles décennales de 1882 et 1892), l’Album de statistique agricole (résultats généraux de l’enquête de 1882) et l’Album de statistique agricole et carte agronomique du département de la Seine (résultats généraux de l’enquête décennale de 1892, révisée en 1894).
La première enquête agricole, rattachée à un Service chargé de la Statistique, est réalisée entre 1836 et 1840, grâce aux efforts de Moreau de Jonnès. Pour cette enquête ainsi que pour la suivante, celle de 1852, les résultats sont fournis par arrondissement. Les renseignements demandés relatifs aux cultures de la commune, à leur étendue et leurs produits concernent le froment, le méteil, le seigle, l’orge, l’avoine, le sarrasin, la pomme de terre, les légumes secs, les betteraves, les vignes, etc. Les données quantitatives ont également trait aux « animaux domestiques » qui comprennent les « bestiaux » (taureaux, bœufs, vaches et veaux), les troupeaux (béliers, moutons, brebis, agneaux), les porcs, les chèvres, les chevaux (incluant les juments et les poulains), ainsi que les mules, mulets, ânes et ânesses. L’enquête de 1840 fournit des renseignements sur les principales cultures et différentes espèces (nombre de têtes, productions et consommations en volume et en valeur).
À partir de l’enquête de 1852, de nouvelles rubriques ayant trait à « l’économie rurale » sont ajoutées. Elles concernent le prix et le taux de fermage des diverses sortes de terres, le nombre, le salaire et les dépenses des journaliers, les instruments agricoles. L’enquête agricole s’intéresse à la distribution des terres, aux aides, aux instruments utilisés, aux engrais, aux amendements et assolements. Afin de pallier les difficultés liées à l’inexpérience des maires et de leurs collaborateurs chargés de recueillir les éléments de l’enquête de 1839-1840, le duc de Persigny, ministre de l’Intérieur, de l’Agriculture et du Commerce, propose au Prince-Président de la République, de créer des commissions cantonales chargées de la statistique. Un décret met en place une organisation plus structurée, avec la création d’une commission permanente chargée de la statistique annuelle et des enquêtes quinquennales dans le chef-lieu de chaque canton. Diverses vérifications sont prévues pour améliorer la fiabilité des données. En outre, à partir de l’enquête de 1852, il est possible d’utiliser un nouvel outil, fort utile, le cadastre[2] qui permet de disposer d’une réelle quantification des surfaces cultivées. Selon Michel Demonet[3], l’enquête de 1852 est la première à décrire les structures agricoles et à offrir la possibilité d’étudier les principaux aspects de l’agriculture.
Les données relatives aux enquêtes décennales de 1862, 1882 et 1892, sont quant à elles publiées par département. En ce qui concerne l’enquête de 1862, elle bénéficie de commissions cantonales de statistiques permanentes, instituées en vertu du décret du 1er janvier 1852 et dont les membres sont nommés par les préfets, ainsi que des sous-commissions communales présidées par le maire. Elle contient les questions qui étaient posées lors de la précédente enquête décennale, auxquelles sont ajoutés quelques nouveaux éléments. La première partie de l’enquête de 1862 comprend pour chaque commune les superficies affectées à chaque culture, des données relatives aux céréales, à des cultures potagères, maraîchères, et industrielles, aux plantes servant à l’alimentation des animaux, aux jachères mortes et aux vignes. La deuxième partie traite des animaux de la ferme et la troisième partie de « l’économie rurale » (des divers modes d’exploitation du sol, de l’étendue des exploitations rurales, de la valeur vénale et du prix de fermage, des salaires et gages des travailleurs agricoles, de l’outillage agricole…). Les résultats sont centralisés par les préfets.
L’exécution de l’enquête prévue en 1872 est ajournée compte tenu de la guerre de 1870-1871. L’enquête décennale suivante a donc lieu en 1882. Le ministère de l’Agriculture qui vient d’obtenir son autonomie coordonne l’opération et en publie les résultats : les documents sont centralisés et dépouillés dans le Bureau spécial des subsistances et de la statistique agricole. L’administration réorganise les commissions cantonales qui avaient presque toutes disparu et modifie certaines questions. Elle rappelle aux préfets que ces commissions doivent se subdiviser en commissions communales. En outre, l’enquête est étendue à l’Algérie et aux colonies françaises, grâce à la coopération des gouverneurs. L’administration du ministère de l’Agriculture envoie les questionnaires communaux (à chacune des 36 096 communes de France) et les 2 848 questionnaires cantonaux. Contrairement à l’enquête de 1862, les tableaux synoptiques destinés aux commissions cantonales, ne sont plus destinés à rester dans les archives du niveau cantonal. Ils sont également transmis au ministère de l’Agriculture. Les questionnaires cantonaux doivent être adressés directement au ministère de l’Agriculture, sans récapitulation départementale préalable. En outre, la collaboration des professeurs départementaux d’agriculture est souhaitée.
En ce qui concerne l’enquête de 1892[4], son organisation et son programme sont similaires à la précédente en termes de pratiques mises en œuvre. La principale différence réside dans un délai d’exécution plus grand, dû à l'enregistrement des naissances et des pertes d’animaux.
Olivia Blum