De Londres, le 16 Iuin 1689.
Le 10 de ce mois, la Chambre Basse fut principalement occupée à regler la taxe sur les maisons, les terres, les charges, les pensions et généralement sur toutes sortes de revenus. Il se trouve de grandes difficultez sur l’exécution de ce projet, parce que ces taxes excessives n’ont presque jamais esté mises en vsage sous les Roys légitimes
: et qu’ainsi, on ne les peut exiger que par force et par des voyes directement contraires aux franchises de la nation. Cependant, la Chambre qui de cinq cents treize Députez dont elle doit estre composée, est rédüite à environ deux cents, n’a pas laissé d’examiner en Committé, les moyens de faire passer en loy vne si étrange véxation : donnantpouvoir au
Prince d’Orange
de faire faire la levée des deniers, par des Commissaires qu’il nommera, quoi que selon les anciens priviléges, elle ne se puisse faire que par des receveurs choisis sur les lieux. Il y eut ensüite, vne conférence avec les Députez des Seigneurs, touchant la prétention qu’ils ont de pouvoir faire des additions et des changements aux Actes qui concernent les taxes par teste, et de nommer des Commissaires de leur corps pour se taxer eux mesmes : ce qui leur est contesté par les Communes. On demeura d’accord de s’en rapporter aux Registres des Parlements : et particuliérement à ceux de la Chambre des Seigneurs. Le 11, la Chambre-Basse apres avoir proposé d’envoyer quelques secours de vivres aux Colonies Angloises d’Amérique, mit en délibération les affaires d’Irlande. Il fut ordonné qu’vn Committé seroit établi pour en prendre vne particuliére connoissance, pour examiner la condüite des Colonels
Lundée
, Richards et
Cuningham
, qui ayant esté envoyez à Londonderry avec des troupes les avoient ramenées : et enfin, pour s’informer de toutes les affaires d’Irlande. Il fut aussi résolu de présenter vne Adresse au
Prince d’Orange
, par laquelle on luy demanderoit au nom de la Chambre, par quelle raison et par quel ordre, le Vice-Amiral
Herbert
avoit attaqué l’escadre des vaisseaux François dans la Baye de Bantrie : et pourquoy la flote Angloise n’estoit que de vingt deux, le fonds ayant esté establi pour en équiper trente. Enfin qu’il seroit prié d’exclure de son Conseil, tous les Seigneurs qui ont esté mis à la Tour, ou qui ont esté accusez par les Communes sous
le Roy Charles II
. Le Marquis d’
Hallifax
, le Comte de
Danby
et quelques autres des plus zélez de la Convention sont de ce nombre. La requeste de Titus
Oats
fut rapportée à la Chambre des Seigneurs : et au lieu de casser la Sentence par laquelle il avoit esté déclaré atteint et convaincu de plusieurs parjures abominables, ils la confirmérent. Mais ils cassérent celle par laquelle il avoit esté condamné à vne amende de cent mille livres sterlin pour avoir tenu des discours injurieux contre
le Roy
, estant Duc d’York. Le 13, la Chambre Basse résolut entre autres choses, de comprendredans la taxe générale, le revenu que plusieurs particuliers tirent de la nouvelle riviére qui porte de l’eau dans la pluspart des maisons de cette ville. Le 14, le Committé examina les Officiers chargez de condüire du secours à Londonderry : et conclut que le Colonel
Lundée
estoit le plus coupable pour avoir manqué de faire les provisions necessaires de fourages, ce qui avoit obligé les assiégez à faire sortir quinze cents chevaux de la ville : et pour y avoir porté du biscüit et des farines gâtées. On travailla ensüite, sur le reglement pour la milice et sur le Bill d’Amnistie : et on rédüisit à onze principaux articles, tous les crimes qui seroient exclus du pardon. Il y a eu sur ce sujet, de grandes contestations : les vns voulant que dans l’acte d’amnistie, on nommast les personnes qui en seront exceptées, pour leur faire leur procez : d’autres prétendant qu’on spécifiast seulement les crimes sans nommer les personnes. Cette affaire a fort alarmé plusieurs Seigneurs qui ayant eu part au ministére sous le régne du
Roy Charles II
, et oubliant tous les bienfaits qu’ils en avoient reçûs, ont depuis esté les principaux instruments de la rebellion. Il fut aussi résolu que tous les pardons accordez à ceux qui avoient esté accusez par les Communes, seroient considerez comme nuls : et que quand l’action n’auroit pas esté poursüivie, elle demeureroit toûjours en vigueur. La Chambre diminüant de jour à autre, résolut que le Secretaire dresseroit vne liste de tous les Députez qui se sont absentez, et qui sont au nombre de plus de trois cents. Elle mit en délibération, la Sentence par laquelle les Seigneurs ont confirmé le jugement rendu contre
Oats
, comme convaincu de parjure. Le 15, il n’y eut pas de séance à cause du jeûne public qui fut observé ce jour là. Le 16, cette mesme affaire fut agitée dans la Chambre des Seigneurs : où quelques vns de ceux qui ont autrefois esté accusez par les Communes et qui craignent la résolution qui a esté prise de les exclure de tous emplois, proposérent vn expédient qui estoit de demander au
Prince d’Orange
qu’il pardonnast à
Oats
, nonobstantla résolution qui a esté prise de declarer tous les pardons contraires aux Loix. Ils espérent ainsi appaiser les Communes qui continüent néanmoins, à dresser vne liste de ceux qui doivent estre à leur requeste, exclus des conseils et des emplois. Le brüit court mesmes que la Chambre doit demander qu’on fasse le procez à quelques vns. Plusieurs personnes ont presté les nouveaux serments : entre autres l’Archévêque d’York, les Evesques de Carlille et de Winchester. Mais plusieurs Seigneurs et vn grand nombre d’Ecclésiastiques refusent toûjours de le prester. On continüe d’arrester tous les jours, vn grand nombre de personnes soupçonnées de vouloir favoriser le retour du
Roy
. On a trouvé que dans le seul Comté de Chester, plus de cinq mille personnes avoient signé vn acte d’association par lequel ils s’engageoient à faire tous leurs efforts pour procurer son rétablissement.
On a reçû vne Déclaration du
Roy
donnée à Dublin le 18 May, par laquelle il promet à tous ses sujets de ce Royaume vn pardon de tout le passé, si vingt jours aprés qu’il s’y sera rendu en personne, ils retournent à leur devoir : se joignant à
Sa Majesté
et abandonnant ses ennemis.
Le Comte de
Devonshire
et Mylord de la Mére travaillent avec beaucoup d’empressement dans le Nord, à de nouvelles levées, qui se font avec peu de succés. On a emmené en plusieurs endroits des enfans de famille, des apprentifs, et mesmes des escoliers : et on les a obligez à prendre parti. La levée des Matelots ne se fait pas avec plus de facilité. Les vaisseaux qui portent du secours à Londonderry partirent de Leverpoole le 10 de ce mois. Les nouvelles du siége de cette place sont fort incertaines : celles qui ont esté publiées jusqu’icy, s’estant pour la pluspart trouvées fausses. On dit seulement, que
le Roy
a partagé ses troupes en deux corps, dont l’vn campoit prés de Dublin, et l’autre devoit marcher vers le Nord. On dit aussi que l’ouverture du Parlement d’Irlande a esté faite avec les cérémonies ordinaires : mais on n’en sçait pas encore le détail. On a fait marcher les troupes du costé du Nord qui vivent par tout à discrétion, et prennent deslogements par force : les seuls Seigneurs et les Députez au Parlement en estant exemts.
On a commencé à lever les taxes en quelques endroits avec de grandes difficultez.
Le sieur
Herbert
est party aujourdhuy, pour se rendre à la flote. Le Duc d’
Ormond
, Mylord Fairfax et quelques autres personnes de qualité doivent partir pour passer en Hollande. Les négocians se plaignent fort de l’arrest qui a esté mis sur les vaisseaux marchands, d’autant plus qu’on a enlevé les matelots de plusieurs pour les faire embarquer sur la flote : ce qui cause vn grand préjudice au commerce. Il arrive plusieurs estrangers de Hollande pour s’establir icy avec leurs familles.