De Londres, le 27 Iuin 1689.
Le 16 de ce mois, la Chambre des Communes fut occupée sur le Bill du subside accordé au
Prince d’Orange
: et commença à examiner les additions et les changements faits par les Seigneurs à celuy qui doit regler les droits du peuple et la succession à la Couronne. Les Seigneurs mirenten délibération l’affaire d’
Oats
. Plusieurs estoient disposez à casser le jugement rendu contre luy : n’en prévoyant pas les conséquences. Mais d’autres ayant demandé aux Iuges présents à la séance, si apres sa réhabilitation, il seroit recevable en justice comme témoin irréprochable, tous répondirent qu’il n’en falloit pas douter. Cette réponse avoit fait changer de résolution aux Seigneurs : et poussez par ceux qui craignent de se voir bien tost accusez par les Communes, ils avoient confirmé le jugement : ne doutant pas que ceux qui pressoient avec tant d’instance, la justification d’vn homme diffamé par des parjures et des faux témoignages, n’eussent dessein de s’en servir. La Chambre Basse à laquelle il avoit appellé du jugement des Seigneurs a pris l’affaire fort chaudement. Pour empescher que ces contestations n’allassent plus loin, on avoit proposé de demander au
Prince d’Orange
qu’il luy accordât vn pardon : ce qui n’a fait qu’irriter les Communes. Comme elles veulent, non seulement supprimer à l’avenir tous les pardons, mais declarer nuls, ceux qui ont esté accordez sous les précédents régnes, on proposa pour expédient de luy obtenir la remission de la peine du pilory et de la prison perpétüelle portée par la Sentence : en suspendant ainsi l’exécution, sans la casser. On lut dans la Chambre des lettres des Comtes d’Exceter, de
Clarendon
, et de
Yarmouth
, par lesquelles ils se sont excusez de venir aux séances, dont plusieurs autres continüent de s’absenter, ainsi que la pluspart des Evesques. Le 17, les Communes commencérent à examiner la procédure faite l’année derniére, contre l’Archevesque de
Cantorbéry
et six Evesques, pour avoir refusé de publier dans leurs Eglises la proclamation pour la liberté de conscience. Cette affaire a esté remise sur le tapis dans le dessein d’exclure de l’amnistie générale, tous ceux qui y ont eu part. La Chambre mit ensüite, en délibération quelques requestes présentées contre la Compagnie des Indes Orientales, pour en changer toute la forme, sans avoir égard aux lettres patentes accordées dés le temps de la Reyne
Elizabeth
, confirmées par les Roys ses successeurs et par plusieursActes des Parlements. Mylord Fanshaw Député du Bourg de Saint Michel en Cornoüaille, avoit esté cité pour prester les nouveaux serments. Il a refusé de le faire : déclarant qu’il estoit attaché par serment au
Roy
son légitime Souverain, et qu’aucun motif de crainte ny d’interest, ne le feroit jamais manquer à la fidélité qu’il luy avoit jurée : et qu’estant d’vne maison qui avoit toûjours esté inviolablement attachée au service des Roys dans les temps les plus difficiles, il ne vouloit pas estre le premier à la deshonorer par vne trahison. Cette déclaration vigoureuse a étonné toute la Chambre : qui a ordonné qu’il seroit exclus de l’Assemblée : et qu’on éliroit vn Député à sa place. Le Chevalier Monson Député de la ville de Lincoln et quelques autres en ont esté exclus, pour avoir aussi refusé de prester les nouveaux serments. On croid qu’il en faudra exclure beaucoup d’autres qui continüent à s’absenter, quoy qu’environ cent soient revenus depuis quelques jours. Les Seigneurs reçeurent vn message du
Prince d’Orange
touchant le pardon d’
Oats
, qu’il a accordé à leur priére. Ils travaillérent à vn Acte particulier pour le serment qui sera presté par les officiers du
Prince
et de
la Princesse d’Orange
: qui estant tous Nonconformistes, devroient estre exclus selon les Actes d’vniformité de la Religion. Ces Actes n’ayant pû estre détrüits, par la trop grande opposition de l’Eglise Anglicane, commencent à n’estre exécutez qu’autant qu’il plaist à ceux qui ont tasché de les abroger. Le 18, la Chambre-Basse délibéra sur l’affaire des Evesques et sur celle de la Compagnie des Indes : et il fut résolu que ceux qui avoient signé des commissions pour établir des officiers, avec puissance de vie et de mort, dans l’Isle de Sainte Hélene et en quelques autres colonies seroient exceptez de l’amnistie. Le 20, la Chambre Basse oüit le rapport du Committé touchant le Bill, pour accorder au
Prince d’Orange
vn schellin par livre, sur tous les biens des particuliers. Elle ordonna que cette taxe seroit encore levée par des Commissaires, et qu’ils auroient l’autorité d’obliger les particuliers à confirmer par serment la déclaration qu’on veut qu’ils fassent de tous leurs biens meubleset immeubles : et que ces Commissaires seroient nommez par
le Prince d’Orange
. Le 21, on proposa de diminüer encore les salaires des officiers de l’Echiquier : et sur ce que plusieurs témoignent ouvertement qu’ils sont résolus à ne pas payer tant de taxes exorbitantes, il fut ordonné qu’on imposeroit vne peine à tous ceux qui refuseroient de les payer. Cela n’a pas empesché quelques personnes de qualité de refuser d’obéïr : et les Communes se sont mutinées à cette occasion en divers endroits de la Comté de Suffolk. Ensüite, la Chambre délibéra sur l’affaire d’
Oats
: et déclara que le jugement rendu contre luy estoit crüel et contraire aux loix : qu’il tendoit à empescher la poursuite de la prétendüe conspiration imputée aux Catholiques : et qu’il luy seroit permis de faire présenter vn Bill pour estre réhabilité. Les Seigneurs ordonnérent que le Comte de Salisbury seroit poursuivi en Iustice, pour n’avoir pas fait revenir les sieurs William et Charles Cécil ses fréres qui sont hors du Royaume. Ils jugérent aussi définitivement l’affaire d’vn particulier qui se prétendoit héritier de la maison de Percy, et par conséquent en droit de demander le titre de Comte de
Northumberland
, possédé long temps par cette maison. Ses prétentions furent déclarées sans fondement. Le 22, la Chambre Basse travailla à faire vne nouvelle recherche de la prétendüe conspiration des Catholiques : et ordonna que les journaux du Parlement depuis 1678, seroient apportez pour estre examinez de nouveau : et vn Committé en fut chargé. On mit aussi en délibération les raisons que la Chambre a eües de rejetter les clauses ajoûtées par les Seigneurs, au Bill pour établir des Commissaires du Grand seau. On leut vne lettre du
Prince d’Orange
: et on fit aussi la lecture de la déclaration qu’il avoit faite avant l’invasion de la Couronne. Enfin, on examina encore l’Acte d’amnistie, sur lequel les difficultez sont toûjours fort grandes : la Chambre voulant y faire insérer de nouveaux articles d’exclusion, pour avoir droit de poursuivre ceux qui déplaisent aux chefs du parti qui la gouvernent. On a arresté plusieurs personnes qui distribüoient
des copies de la déclaration du
Roy
dont on a répandu plus de mille. Les effets qu’elle a commencé à prodüire en ont fait craindre les süites : et il a esté résolu pour l’exemple, de faire le procez à ceux qui les ont distribüées, comme criminels de Haute Trahison.
Mais on n’est pas encore tombé d’accord de la maniére de régler la procédure, parce que les loix n’ont jamais ainsi qualifié l’obéïssance düe au légitime souverain, mais seulement ce qui se fait contre sa personne et contre son autorité : particuliérement tout ce qu’a fait la Convention, et mesmes les Loix qu’elle pourroit faire au préjudice des anciennes, qui spécifient les crimes de Haute Trahison. La peine que les officiers de l’Amirauté ont à trouver des Matelots, est toûjours fort grande. On a ordonné à la compagnie des Bateliers de cette ville de fournir six cents hommes de leur corps, pour estre distribüez sur la flote. Les Protestants fugitifs d’Irlande commençant à estre fort à charge au public, seront enrôlez : et on pretend en faire quatre nouveaux régiments. Par des lettres de Leverpoole du 19, on apprend que le Colonel
Kirke
qui commande le secours qu’on envoyoit en Irlande, avoit esté obligé par les vents contraires d’y relâcher le 12 : et qu’il n’avoit pû remettre à la voile que le 15. Les Ducs d’
Ormond
et de
Northumberland
, le Comte de Pembrok, et plus de cinquante autres personnes de qualité sont partis, pour aller en Hollande : où plusieurs passent pour s’exemter d’avoir part aux délibérations des deux Chambres, estant persüadez qu’ils seront par tout plus en repos qu’en ce Royaume. On publie toûjours ici des relations avantageuses de la résistance des assiégez dans Londonderry : mais elles paroissent fort suspectes, parce qu’on n’a reçû depuis prés d’vn mois, aucunes lettres d’Irlande :
le Prince d’Orange
les faisant toutes brûler. Le 20, jour de la naissance du Prince de Galles on entendit sonner les cloches de grand matin, en divers endroits de la ville, comme on fait dans les réjoüissances publiques : ce qui causa quelque alarme. Plusieurs Ecclésiastiques des Provinces ont refusé de faire les priéres ordonnées par
le Prince d’Orange
le dernier
jour de jeûne. On dit qu’il est arrivé vn courier qui a apporté avis que le Chasteau d’Edimbourg s’estoit rendu le 23. Mais comme on n’en dit aucune particularité on ne sçait encore qu’en croire.