De Londres, le 29 Aoust 1689.
Le 15 de ce mois, la Chambre des Communes délibéra sur le projet d’Acte pour prévenir les banqueroutes, sur celuy en vertu duquel ceux qui sont en armes avec
le Roy
, seront poursuivis comme criminels de Haute Trahison, sur le revenu qui doit estre assigné au
Prince d’Orange
, et sur les affaires des Colonies Angloises. Le 17, on fit la troisiéme lecture du projet d’Acte pour défendre tout commerce avec la France : et il fut envoyé aux Seigneurs. Les Isles de Iersey et de Guernesey ont fait des remontrances, afin que selon leurs anciens priviléges, elles ne fussent point comprises dans la défense générale, puisqu’autrement leur commerce ne pouvoit subsister : mais on n’y a eu aucun égard. Les Communes résolurent ensüite d’établir à
la Princesse de Danemark
vne pension de quarante mille livres sterlin. Le 18, apres le rapport de l’Acte touchant les manufactures de laine, il fut résolu pour favoriser ce commerce, de défendre toutes les soyes travaillées, à commencer au mois de Ianvier prochain. Le 19, les interessez à la Compagnie de Levant, qui avoient desja fait des plaintes sur l’Acte qui défend le transport des laines hors du Royaume, demandérent que la Chambre voulust bien entendre leurs Avocats. Mais ils ne purent rien obtenir. Il fut seulement résolu d’y ajoûter cette clause, que ce seroit sans préjudice des interests de la Compagnie. La Chambre ordonna qu’on dresseroit vn Acte pour faire payer aux Hollandois les six cents mille livres sterlin qui ont esté accordez pour les frais de l’entreprise du
Prince d’Orange
. Vn Committé fut nommé pour examiner les affaires des Colonies, et
pour établir de nouveaux droits sur les marchandises des Indes Orientales, et sur celles de France. Le 22, l’Acte dressé pour cette nouvelle imposition fut leu : et la Chambre ordonna que les deniers qui en proviendroient, et de l’impost sur le tabac, sur le sucre, et sur les boissons, seroient employez à payer six cents mille livres sterlin aux Hollandois et soixante mille livres aux officiers de la maison du
feu Roy
, suivant l’ordre du
Prince d’Orange
.
Elle résolut aussi qu’il seroit prié de donner quinze mille livres sterlin pour estre distribüées aux Gentilshommes Protestants d’Irlande. On leut vne requeste de quelques Seigneurs pour s’opposer à cet Acte. La Chambre délibéra ensüite, sur les affaires d’Irlande, sur le moyen de prévenir les entreprises des Catholiques contre le gouvernement present, et enfin, sur l’affaire de Titus
Oats
. Le 23, on examina les raisons que les Seigneurs prétendent avoir, pour ne pas consentir à sa réhabilitation sans les clauses proposées, sur lesquelles ils ne veulent pas se relâcher : estant persüadez que les Communes ne s’y interessent que pour s’en servir contre quelques vns d’entre eux, en le prodüisant comme témoin. Ils demandérent vne nouvelle conférence entre les deux Chambres : mais les Seigneurs la refusérent. Le mesme jour, deux ou trois mille ouvriers en soye allérent à Westminster : et presentérent vne requeste contre l’Acte proposé pour favoriser le trafic et les manufactures des laines, comme estant trop préjudiciable à plus de quarante mille personnes qui seroient ainsi rédüites à la mendicité. Cette requeste fut rejettée et les Communes envoyérent l’Acte aux Seigneurs. Ce procédé irrita tellement ces ouvriers, que s’estant assemblez au nombre de plus de vingt mille, avec plus de quatre mille femmes ou enfants, ils allérent tumultüairement à Westminster à la Chambre des Seigneurs se plaindre des Communes, menaçant mesme d’aller les insulter dans leur chambre : et cependant, les femmes et les enfants remplissoient l’air de cris pitoyables. Les Seigneurs tâchérent à les contenter, en leur promettant d’avoir soin de leurs interests : et ils eurent beaucoup de peine à les faire retirer. Le 24, le desordre continüa, et obligea les deux Chambres à ordonner pour leur sureté, que quelques compagnies de milices de
Middlesex
se tiendroient prestes : que Mylord Maire feroit prendre les armes aux troupes de la ville : et que
le Prince d’Orange
seroit prié d’envoyer quelques compagnies de cavalerie et d’infanterie pour tâcher de prévenir les süites de ce tumulte. Il en arriva vn autre le mesme jour, au camp de Honslowheat : où les troupes ont commencé de s’assembler. Lors qu’elles prirent leur rangs, les Anglois prétendirent avoir la droite : et les Hollandois refusérent de céder. Cette contestation dura assez long temps : les officiers n’y prenant pas moins de part que les soldats, passérent des contestations aux injures : et enfin, les troupes s’estant rangées en bataille les vnes contre les autres estoient sur le point de se charger. Mais
le Prince d’Orange
en ayant esté averti à Hamptoncourt, envoya ordre aux Hollandois de céder.
Ces tumultes ont jetté le peuple dans vne grande appréhension d’en voir bientost de nouveaux : et on entend beaucoup de plaintes contre le gouvernement present.
La Cour des Docteurs en Droit, dont les procédures se font sous l’autorité de l’Archevesque de
Cantorbéry
, est suspendüe, à cause qu’il refuse toûjours de prester les nouveaux serments. Quatre mille hommes sont destinez pour marcher promtement en Escosse et se joindre au Major Général
Mackay
, sur l’appréhension qu’on a que les Escossois fideles au
Roy
ne fassent de plus grands progrez. Le 22, le Mareschal de
Schomberg
mit à la voile pour passer en Irlande : et on dit qu’il est arrivé à Carickfergus.