De Brest, le 27 Aoust 1689.
Aussi tost que le Chevalier de Tourville fut arrivé à Brest avec l’escadre de Provence, tous les vaisseaux de l’armée navale du
Roy
eurent ordre de se tenir prests à partir des que le vent seroit bon : mais les vents d’Oüest et de Sud-Oüest qui avoient amené le Chevalier de Tourville ayant duré jusqu’au 15 du mois passé, l’armée ne put se mettre en mer que le 16. Depuis ce temps, elle a navigué à l’ouverture de la Manche, sur Oüessant, sur les Sorlingues et par tout où on croyoit qu’on pourroit rencontrer les ennemis, sans pouvoir en apprendre de nouvelles : quoy qu’on eût fait plusieurs détachements de frégates et de vaisseaux les meilleurs voiliers. Le 18 de ce mois, le Chevalier du Mené Capitaine de vaisseau du Roy le Marquis, fut détaché pour aller du costéde Plymouth reconnoistre les flotes Angloise et Hollandoise. Il rencontra à six lieües d’icy vn de leurs vaisseaux de cinquante piéces, et luy donna chasse. L’Anglois carga ses voiles : et le laissa approcher jusqu’à la demie portée du mousquet sans tirer. Il tira le premier et fit vne décharge de toute son artillerie et de sa mousqueterie. Le Chevalier du Mené fit de son costé, vn si grand feu de canon et de mousqueterie, qu’apres avoir tüé aux ennemis cinquante cinq hommes, et en avoit mis plus de cent hors de combat, il luy coupa son grand mast et son mast de mizaine et s’en rendit maistre. Il eut dans le combat vn bras emporté d’vn coup de canon, dont il mourut peu aprés. Le Chevalier de Combes Capitaine en second, qui avoit pris le commandement, ayant rencontré le lendemain, onze vaisseaux de guerre Anglois,
fit passer sur son bord deux cents cinquante prisonniers, entre autres le Capitaine blessé à mort : et fit mettre le feu aux poudres de la prise qui coula à fonds.
Ensüite, il revint joindre la flote du
Roy
, sur laquelle les prisonniers ont esté distribüez. Elle a esté à trente lieües en mer par le travers de Oüessant et des Saints, depuis le 20 jusqu’au 25, qu’vn fort vent d’Oüest et d’Oüest Sud-Oüest l’a obligée à faire voile du costé de Bellisle, de crainte d’estre séparée par le mauvais temps.
On a eu avis d’Irlande, que le sieur du Quesne Monnier commandant trois frégates du
Roy
, pour le service de
Sa Majesté Britannique
, estoit arrivé le 9 d’Aoust à Kinsal, pour armer deux vaisseaux de guerre de cinquante piéces de canon chacun, qu’il avoit pris apres vn combat fort opiniâtré, en condüisant en Escosse des troupes que
Sa Majesté Britannique
y a envoyées.