De Londres, le 24 Novembre 1689.
Le 7 de ce mois, le Comte de Castelmaine fut mené à la Chambre des Communes. L’Orateur luy demanda ce qu’il avoit à dire pour se justifier d’avoir esté à Rome, en qualité d’Ambassadeur. Il répondit qu’il avoit simplement obéï aux ordres du
Roy
: et la Chambre ordonna qu’il seroit poursuivi comme criminel de Haute Trahison, pour avoir travaillé à la reconciliation de ce Royaume avec le Siége de Rome. On nomma des Commissaires pour dresser vn réglement touchant les emprisonnements, avec ordre de s’informer de plusieurs véxations que les prisonniers ont souffertes, et de poursuivre le Concierge de Newgate, pour en avoir maltraité plusieurs. Le mesme jour, le Comte de Salisburyfut amené à la Barre des Seigneurs : et ils ordonnérent qu’il seroit condüit à la Tour et poursuivi comme criminel de Haute Trahison. La Chambre ne s’assembla pas le 8, à cause que le Chevalier Thomas Pilkington fut reçeu Maire pour l’année suivante.
Le Prince
et
la Princesse d’Orange
, les Seigneurs et les Communes avoient esté invitez au festin. Le 9, la séance fut principalement occupée à l’examen de quelques projets d’Actes pour asseurer le gouvernement present, en faisant prester avec plus d’exactitude, les nouveaux serments établis au lieu de ceux de fidélité et de Suprémacie. Le projet d’Acte pour regler les droits des sujets fut leu pour la premiere fois. Il comprend plusieurs articles, entre autres ceux du pouvoir de dispenser des loix : l’établissement d’vne Commission Ecclésiastique : les violences faites contre la liberté des élections des Députez au Parlement : l’établissement de Iuges et de Conseillers d’Estat qui n’avoient pas les qualitez requises : enfin, la prétendüe abdication du
Roy
, en conséquence de laquelle les Communes déclarérent le Thrône vacant dans leur premiere assemblée. Les deux Chambres, apres avoir mis ce projet d’Acte en délibération, déclarérent que tous ces articles estoient autant d’entreprises contre la liberté publique : et ils ajoûtérent que par le mesme Acte, il seroit déclaré que les sujets peuvent légitimement prendre les armes pour conserver leurs droits et leurs libertez : et qu’il estoit nécessaire que le Parlement fust souvent convoqué. Ce projet fut approuvé et leu le lendemain 10, pour la seconde fois : et on ordonna qu’il seroit mis en parchemin. Le 11, on apporta l’estat des dépenses de guerre faites cette année, celuy de l’armée de terre pour l’année prochaine, ainsi que celuy de la flote, et celuy de l’artillerie. Des Commissaires furent chargez de l’examen des premiers comptes : et de s’informer de la mauvaise condüite de ceux qui avoient esté chargez de faire passer les troupes en Irlande, et de toutes les autres affaires concernant la guerre et la marine, qui ont rapport à la derniére Campagne. On remit sur le tapis, l’Acte d’Amnistie. Le 12, la Chambre-Basse setourna en Committé général, pour examiner l’estat de guerre de l’année prochaine, et delibérer sur le subside qui devoit estre accordé au
Prince d’Orange
pour la continüer : et pour travailler plus efficacement à la réduction de l’Irlande. Il fut résolu de luy accorder vn subside de deux millions sterlin. Le mesme jour, les Seigneurs establirent vn Committé pour s’informer de ceux qui ont eu part directement ou indirectement au procez de Mylord
Russel
, du
Colonel Algernoon Sidney
, et de quelques autres personnes condamnées à mort comme traistres : de ceux qui ont conseillé d’inquiéter les villes et Communautez : et procuré la suppression de leurs chartes et priviléges : de ceux qui ont appüyé publiquement le pouvoir dispensatif : enfin, de continüer la recherche des circonstances de la mort du Comte d’
Essex
. Le 14, on parla seulement de quelques affaires particuliéres, et d’vn reglement pour faire marcher les milices. Le 15, il n’y eut point de séance à cause de la feste qui se fait tous les ans, en action de graces pour la découverte de la conspiration des poudres. Il sembloit que le Colonel
Ludlow
proscrit depuis plusieurs années, par l’Acte du Parlement qui excepta de l’amnistie générale les Iuges du
Roy Charles I
, n’avoit rien à craindre : ceux qui ont l’autorité en main luy ayant laissé depuis quelques mois, vne entiére liberté. Mais comme la mémoire de ce parricide execrable, est encore en horreur, quelques vns avoient résolu de se saisir de luy et de s’en defaire : ce qui l’avoit obligé à se cacher. Le peu de soin qu’on a pris d’en faire justice, a obligé la Chambre des Communes à en prendre connoissance. Le 16, il fut resolu de présenter vne Adresse au
Prince d’Orange
, pour luy demander qu’il fût arresté : et qu’on exécutast sur luy, l’Acte passé en 1661, contre les Régicides. On examina aussi les plaintes des ouvriers en soye : et celle des parents de quelques personnes condamnées en 1685, en l’Isle de Sainte Hélene par vne commission adressée au conseil de guerre. Il fut déclaré que cette exécution avoit esté contre les loix, qu’elle devoit estre considerée comme vn meurtre : et que ceux qui l’avoient sollicitée seroient arrestez et mis en justice. Le mesme jour 16, l’Acte pour établir les droits des sujets, fut envoyé aux Seigneurs.
Le 17, il fut résolu que pour amasser le fond du nouveau subside, il se feroit vne nouvelle recherche de ceux qui n’ont pas payé la taxe par teste. Que tous les marchands, artisans et gens de boutique qui auroient trois cents livres sterlin de fond seroient taxez à vingt schelins, et les autres à proportion : et qu’on leveroit cent mille livres sterlin sur les Iuifs establis en ce Royaume.
Ceux-cy ont depuis, representé qu’ils n’estoient qu’environ soixante familles, dont la pluspart vivoient des aumônes de la Synagogue : et qu’ils ne pouvoient satisfaire à cette taxe. Le 18, il fut ordonné que pour estre plus exactement informé des dépenses des armements de terre et de mer, le Committé auroit pouvoir d’interroger les officiers, soldats, munitionaires et toutes sortes de personnes. La Chambre résolut aussi d’employer pour partie du fond des deux millions sterlin, les amendes dües par les Catholiques et autres qui ont esté dans les emplois au préjudice de l’Acte de l’année 25 de
Charles II
, quoy que ce fond ait déja esté assigné à la derniere convocation, et qu’on n’en ait presque rien tiré. Le Chevalier Edward
Seymour
rapporta que
le Prince d’Orange
avoit répondu à l’Adresse qui luy avoit esté présentée contre le Colonel
Ludlow
, que la demande estoit si juste, qu’il feroit incessamment publier vne proclamation pour l’arrester. Les Seigneurs avoient passé vn Acte sous ce titre, Pour le soulagement de ceux qui n’ont pas presté les serments dans le temps limité, par lequel ils prolongent le terme jusqu’au mois de Fevrier prochain. Ils demandérent pour cela le consentement des Communes : et envoyérent l’Acte le 19. On donna de nouvelles instructions aux Commissaires chargez de s’informer de diverses malversations dans le maniement des deniers employez pour les armements de terre et de mer : et il fut résolu de proteger ceux qui sur ce sujet, donneroient des avis à la Chambre. On délibéra encore sur le subside : et comme il s’en faut beaucoup que les fonds destinez ne puissent produire les sommes accordées,
il fut résolu d’établir vne taxe sur les terres à raison de deux schelins par livre sterlin
, de recevoir les propositions de ceux qui offrent de faire quelques avances,
à condition qu’on leur donnera pour sureté de leurs dettes, la joüissance des biens de ceux qui sont avec
le Roy
en Irlande, et de lever vne double taxe sur les terres de ceux qui refuseront de prester les nouveaux serments.
Enfin, il fut résolu que ceux qui avanceroient quelques sommes au dessous de trois cents mille livres sterlin sur le subside de douze sols par livre, auroient pour seureté de leur remboursement, des assignations sur le fond que produiront les nouvelles taxes.
Le 21, il fut ordonné que les Commissaires des Doüanes et de l’Amirauté rendroient compte du nombre et de la qualité des vins, eaux de vie, et autres marchandises de France trouvées sur les prises. Il fut aussi résolu de demander que quelques personnes capables fussent envoyées en Irlande, pour dresser vn estat exact des troupes et des affaires du païs, et en rendre compte à la Chambre. Le 22, on résolut de casser les sentences rendües contre le Chevalier
William
Williams, et le Chevalier Thomas Armstrong : et que le Committé chargé de l’examen des dépenses de la guerre auroit pouvoir d’obliger les officiers de chaque vaisseau à representer leurs livres de compte. Le 23, les Seigneurs mandérent qu’ils avoient commencé à faire informer contre ceux qui avoient eu part aux jugements criminels rendus contre Mylord
Russel
et d’autres exécutez pour leur rebellion sous le régne du
Roy Charles II
: de ceux qui avoient conseillé la confiscation des Chartes : et qui avoient appüyé le pouvoir de dispenser des loix. On reçeut ensüite, les plaintes de plusieurs Marchands de cette ville, contre les Capitaines des vaisseaux d’escorte qui avoient exigé de grandes sommes pour les convois : et il fut résolu de leur donner audience le lendemain. Mylord
Preston
ayant esté mis en liberté, alla à la Chambre des Seigneurs pour y prendre place, comme ayant esté créé Pair du Royaume, par Lettres Patentes du
Roy
données à S. Germain en Laye, au mois de Ianvier dernier. Les autres Seigneurs refusérent de le reconnoître en cette qualité, et consultérent les Iuges, qui déclarérent que les Lettres estoient nulles : et il fut ordonné que Mylord
Preston
seroit poursuivi par le Procureur Général, pour avoir pris vn titre qui ne luy appartenoit pas. Il fut mis en mesme temps, à la garde du grand Huissier, jusqu’à l’entiére discussion de cette affaire : quelques vns ayant proposé de procéder contre luy, pour avoir eu commerce avec
sa Majesté Britannique
, Mylord Griffin qui s’estoit absenté s’est rendu ici : et apres avoir esté examiné par le Comte de
Shrewsbury
Secretaire d’Estat, il a esté condüit à la Tour. Les Commissaires Ecclésiastiques se sont assemblez chez l’Evesque de Rochester, pour préparer les articles de réünion des Nonconformistes Presbytériens avec l’Eglise Anglicane, et les proposer à la prochaine Convocation ou Assemblée du Clergé, afin de les présenter au Parlement. On écrit d’Edimbourg, que les Highlanders ont encore fait des courses dans le Lockhaber : et qu’ils en ont enlevé quantité de bestiaux. Ils ont esté fortifiez par la jonction de quatre ou cinq cents Irlandois qui sont passez de ce costé là. Le Colonel Canon est toûjours dans l’Isle de Mull : et deux vaisseaux ont esté envoyez pour l’empescher d’en sortir, et tâcher de couper les secours qu’il pourroit recevoir d’Irlande. On a tiré trente piéces de canon de la Tour, qui ont esté envoyées à Melford et à Pembrok : où on doit dresser des bateries pour la défense des costes. Le Vice Amiral
Russel
qui commande l’escadre destinée pour condüire
la Reyne d’Espagne
, ira jusqu’au Cap de Finisterre : et il reviendra avec vne partie des vaisseaux. Les autres sous le commandement du Capitaine Killigrew, iront jusqu’en Espagne. Les marchands qui ont fait inutilement de si fréquentes instances pour obtenir des escortes, préparent vne grande flote pour profiter de celle de ces vaisseaux. Le régiment de
Dumbarton
est embarqué pour passer en Hollande. Les lettres du camp du Maréchal de
Schomberg
du 29 du mois dernier, portent que les régiments de cavalerie de Langston et de Lanier, celuy de dragons de Heyford, et celuy d’infanterie de Hasting estoient arrivez d’Escosse à Belfast : que l’armée estoit toûjours campée à Dundalk : d’où vn détachement avoit esté envoyé vers Charlemont, pour se saisir de ce poste. On publie qu’elle est présentement pourveüe de toutes les choses nécessaires pour sa subsistance, principalement depuis que le Maréchal de
Schomberg
a fait publier vne ordonnance tres rigoureuse, pour obliger les habitans de la campagne à condüire des vivres au camp.
Cependant, ces nouvelles sont contredites par plusieurs lettres particuliéres, qui portent que la disette y est encore fort grande : et que les troupes diminüent tous les jours considérablement par les maladies.
Ceux qui avoient cru l’entreprise d’Irlande si facile, conviennent aussi présentement que les avis publiez avec tant d’affectation, du bon estat et du nombre de ces troupes, ainsi que de la foiblesse de l’armée du
Roy
, n’estoient pas véritables
, puis qu’autrement on ne pourroit justifier la condüite des principaux officiers, qui ayant esté si longtemps campez fort pres de l’armée de
Sa Majesté Britannique
, se sont contentez de se retrancher pour éviter le combat : ayant seulement eu grand soin de faire valoir de prétendus avantages remportez sur des partis ennemis. Mylord
Montgommery
fils aisné du Duc de
Powis
, a esté mis en liberté sous caution.