De Rome, le 20 Septembre 1689.
Les affaires du Conclave vont toûjours fort lentement : et il paroist assez que les Cardinaux ne veulent pas précipiter l’élection, estant résolus d’attendre ceux qui sont encore en chemin. On a eu avis que les Cardinaux de
Boüillon
, de Bonzi et de Furstemberg, qui viennent avec vingt huit galéres de France, avoient passé devant Livourne. Le Marquis de Torsy est arrivé aujourdhuy : et on a sçeu que ces galéres doivent estre dans deux jours, à Civitavecchia. On attend dans peu de jours, le Cardinal Ranuzzi, dont le bagage a esté pillé par les Religionnaires rebelles dans les passages du Mont Cenis. Le Cardinal de Goëtz doit pareillement arriver bien tost : et le brüit court que le Cardinal Radziewski Archevesque de Gnesne et Primat de Pologne est aussi en chemin pour venir en cette ville. Le Cardinal Visconti est venu depuis peu, de Milan : et il doit entrer demain, dans le Conclave. Le Cardinal de Médicis reçeut il y a quelques jours, par vn courier extraordinaire, la nouvelle d’vne victoire remportée sur les Turcs par
le Prince Loüis de Bade
. Il en a donné part au Sacré Collége : qui a fait chanter le Te Deum en action de graces dans la Chapelle du Conclave. Le 18, la mesme cérémonie fut faite dans l’Eglise dell’ anima de la nation Allemande : mais il ne se fera aucunes réjoüissances publiques, parce que ce n’est pas la coûtume de les permettre durant le Siége vacant. Le Prince de Liechtenstein Envoyé Extraordinaire de
l’Empereur
est arrivé aujourdhuy : et il est allé descendre au Palais du Cardinal de Médicis. Le Marquis de Cogolludo Ambassadeur d’Espagne a quitté le deüil, à cause du mariage du
Roy
son maistre : et il fait préparer vn divertissement en musique et d’au--tres réjoüissances. Il a continüé de faire venir en cette ville, plusieurs bandits et soldats du Royaume de Naples, sous prétexte de la seureté de sa personne : et sur ce que le nombre en augmentoit tous les jours et qu’il y avoit pres de deux mille hommes sur les confins de l’Estat Ecclésiastique, les Cardinaux luy en ont fait faire des plaintes. Mais il a répondu qu’on les assembloit pour les envoyer en Catalogne. Plusieurs personnes ont esté emprisonnées et condamnées aux galéres, pour avoir composé des pasquinades.