De Warsovie, le 4 Fevrier 1689.
La Diete continuë tousjours ses délibérations avec beaucoup de lenteur. Les Senateurs qui sont arrivez les derniers, n’ont pas encore achevé d’opiner. Le Palatin de Russie Grand Général fait de fortes instances pour le payement des troupes Polonoises : et le Grand Général de Litüanie sollicite avec la mesme chaleur, celuy de l’armée de sa nation. Plusieurs Senateurs et quelques Nonces ont declaré que les biens de la Princesse Radzevil veuve du Marquis Loüis de Brandebourg, pouvoient estre confisquez au profit du Prince Iacques fils aisné du
Roy
. Aujourdhuy, le sieur Piziemski qui est revenu de Moscovie, où il estoit Ambassadeur aupres des Czars, a fait rapport de ses négociations : et il a esté proposé d’y envoyer vn autre Ministre. Il est arrivé icy, vn Ambassadeur du Kan des Tartares, qui eut audience du
Roy
le 31 du mois dernier. Le brüit court qu’il est chargé de quelques propositions de paix entre la Pologne et la Porte, à des conditions avantageuses pour cette Couronne : mais que
sa Majesté
luy a déclaré qu’elle ne pouvoit luy faire aucune reponse positive, avant que de sçavoir le succez de la negociation des Envoyez de la Porte à Vienne. Apres l’audience, il presenta au
Roy
deux magnifiques manteaux à la Tartare, vn cheval Turc richement harnaché, vn arc et vn carquois rempli de fleches. Cet Ambassadeur a rapporté qu’il avoit laissé le Kan à Kiliey avec le Seraskier : qu’il attendoit la reponse du
Roy de Pologne
dans quarante jours, à compter depuis celuy de son départ : et qu’il menaçoit, apres ce terme expiré, d’envoyer des troupes faire le degast dans le Roy-
aume. Comme il a esté vingt-six jours en chemin, ce terme expirera bien tost. L’avis qui estoit venu du soulevement de la garnison de Kaminietz a esté confirmé avec ces nouvelles circonstances.
Le Grand Vizir
avoit envoyé au Bacha deux cents bourses de cinq cents écus chacune, dont la moitié estoit destinée pour le payement de la garnison : et il en avoit détourné vne partie. Elle en fut tellement irritée, qu’elle alla l’attaquer dans sa maison : où il fut tüé par l’Aga des Ianissaires. On écrit de Bialacerkiew, que les Moscovites et les Cosaques s’assembloient en tres grand nombre, à dessein de faire au printemps, vne puissante irruption dans la Crimée.