De Londres, le 28 Fevrier 1689.
Le 17 de ce mois,
les deux Chambres apres avoir renversé par leurs délibérations, la Loy fondamentale de la succession héréditaire, commencérent à travailler à la suppression des autres
, que les Protestans considéroient comme fondamentales : qui imposoient à tous les particuliers vne étroite obligation de prester deux serments, l’vn de fidélité, et l’autre de suprémacie. Le premier avoit esté rédüit en la forme qu’il a présentement, par le Roy Iacques I, et l’autre avoit esté établi par Henry VIII, pour déclarer que les Roys d’Angleterre sont apres Dieu, les seuls Chefs de l’Eglise Anglicane. Ces deux serments ont esté confirmez par vn grand nombre d’Actes de Parlements : et vn des premiers sujets de plainte des Protestans sous ce Regne, a esté que
le Roy
en avoit dispensé les Catholiques. Cependant, les Seigneurs s’estant assemblez le 17, résolurent que ces deux serments seroient supprimez : et ils en dressérent deux nouveaux. Le premier est conçeu en ces termes. Ie promets sincérement, et je jure que j’obéïray fidélement à leurs Majestez
le Roy Guillaume
et
la Reyne Marie
. Ainsi Dieu me soit en ayde. Le deuxiéme est conçeu en cette maniére. Ie jure que j’abborre, déteste et renonce de tout mon cœur, à cette impie, hérétique et damnable doctrine qui enseigne que les Princes excommuniez et dépoüillez par
le Pape
, ou toute autre autorité qui dérive du Siege de Rome, peuvent estre déposez ou mis à mort par leurs sujets : et je déclare aussi qu’aucun Prince estranger, personne, Prélat, Estat ni Potentat, n’a ni ne doit avoir aucune jurisdiction, supériorité, prééminance ou autorité Ecclésiastique, ni temporelle, dans ce Royaume. Les Seigneurs ordonnérent que ces deux serments seront prestez au
Prince
et à
la Princesse d’Orange
, quoy que leur nullité soit évidente, si on ne peut, comme ils le portent expressement, attenter à la personne d’vn légitime Souverain, ny le déposer. Les Communes approuvérent ce résultat des Seigneurs, et employérent leur séance à dresser plusieurs mémoires de griefs : et vn Committé fut nommé pour les mettre en ordre.
Le mesme jour, les Seigneurs s’estant assemblez apres midy, furent fort surpris de ce que plusieurs au lieu de continüer les délibérations sur l’Acte qui devoit estre dressé pour ordonner le couronnement du Prince et de la Princesse d’Orange, s’y opposérent par vne protestation solennelle contre le résultat par lequel les deux Chambres ont déclaré le thrône vacant.
Les Ducs de Sommerset, de
Grafton
et de
Northumberland
: les Comtes d’Exceter, de Scarsdale, de
Clarendon
, d’Aylesbury, de
Notingham
, de Litchfield, de Rochester, de
Feversham
et de
Craven
, et les Lords
Maynard
, Ferrers,
Dartmouth
et Griffin firent cette protestation. L’Archevesque de
Cantorbery
, qui étoit absent, envoya la sienne par écrit : déclarant qu’il s’opposoit comme Primat et premier Pair du Royaume, à vne résolution contraire à toutes les Loix, à la Religion Anglicane, et au bien public. L’Archevesque d’York et les Evesques de Lincoln, de Winchester, de Norwich, d’Ely, de Chichester, de Bath et Wells, de Bristol, de Peterborough, de S. David, de Glocester, et de Landaf protestérent en personne. Le 18, la Chambre-Basse ayant reçeu le résultat des Seigneurs pour le couronnement du
Prince
et de
la Princesse d’Orange
,
nomma vn Committé pour l’examiner, et pour y faire quelques changements ou additions : entre autres cette maniére de préface. Que
Iacques II
, cy-devant, Roy d’Angleterre avoit entrepris de donner atteinte aux Loix du Royaume, d’en dispenser, et d’en suspendre l’exécution, d’extirper la Religion Protestante
: comme aussi qu’il avoit fait arrester plusieurs Seigneurs : établi vne commission extraordinaire pour les affaires Ecclésiastiques, entretenant vne armée sur pied en temps de paix sans le consentement du Parlement : obligé les Protestants d’estre desarmez lors qu’il armoit les Catholiques : troublé la liberté des élections pour députer aux Parlements : fait juger au Banc du Roydes causes reservées à la connoissance du Parlement : établi de mauvais luges : levé des subsides, et des amendes extraordinaires contre les Loix.
Pour ces causes dont la pluspart sont notoirement fausses, ils déclarent que Iacques II, avoit abdiqué le gouvernement, et laissé le thrône vacant : qu’ainsi le Prince d’Orange a eu le pouvoir nécessaire pour faire élire des Députez, et donner autorité à la présente Convention. Que la Chambre consent que ce Prince et la Princesse soient proclamez Roy et Reyne
: à condition que
le Prince
seul exercera toute l’autorité royale : et qu’en cas que
la Princesse d’Orange
meure sans enfans, la Couronne appartiendra à la
Princesse Anne
et à ses enfans : et à leur défaut, à ceux du
Prince d’Orange
, en cas qu’il en ait d’vne autre femme légitime. Le résultat fut approuvé et porté aux Seigneurs. Le 19, la Chambre Basse fut occupée à des affaires particuliéres pour des députations contestées. Les Seigneurs examinérent le projet des griefs dresse par les Communes, qu’ils approuvérent apres y avoir ajoûté vn article pour décharger les peuples du logement des gens de guerre, comme d’vn fardeau insupportable et contraire aux Loix. Mais ils addoucirent cet article, en déclarant que l’opinion de la Chambre estoit, que l’armée qui est présentement sur pied ne pouvoit estre considerée comme estant à charge à la nation. Ils firent aussi quelques autres changements et additions à ces griefs, qui furent communiquez aux Communes. Le 20, il n’y eut pas de séance à cause du Dimanche. Le 21, les deux Chambres demandérent vne conférence sur les griefs, dont tous les articles furent reglez, excepté celuy qui regarde le pouvoir de dispenser des Loix, sur lequel il n’y eut aucune conclusion à cause de la contrarieté des avis. Le 22, ces difficultez furent terminées par vne conférence entre les deux Chambres : qui en eurent ensüite, vne autre touchant la déclaration qui devoit estre faite pour établir Roy et Reyne
le Prince
et
la Princesse d’Orange
. Apres qu’elle eut esté approuvée, il fut ordonné qu’elle seroit mise en parchemin : et que des copies en seroient inserées dans les Registres du Parlement et de la Chancellerie. Les Seigneursdressérent vne Proclamation pour estre publiée le lendemain : et elle fut approuvée dans les deux Chambres. Le mesme jour,
la Princesse d’Orange
arriva icy.
Le 23, les Seigneurs et les Communes présentérent au
Prince
et à
la Princesse d’Orange
, dans la salle des Banquets, l’acte par lequel ils les ont déclarez Roy et Reyne d’Angleterre : et quoy que
le Prince d’Orange
eût solennellement protesté dans sa déclaration, qu’il n’avoit aucun dessein d’envahir la Couronne, il accepta sans hésiter, les offres des deux Chambres.
Le reste de la journée se passa à faire la cérémonie de la Proclamation.
Le Duc de Nortfolk
, Comte Maréchal d’Angleterre la régla comme il luy plût : et aucun des autres Ducs n’y assista. Les Roys d’Armes la publiérent à Whitehall, à Westminster, et devant le Temple. Aucun Evesque ne s’y trouva : et il n’y eut pas vn grand nombre de Seigneurs. Le 24,
le Prince d’Orange
nomma le Comte de
Dévonshire
Grand Maistre de sa nouvelle maison : le sieur de
Benting
, premier Gentilhomme de la Chambre : le Marquis d’
Hallifax
, Garde du seau privé : le Comte de
Danby
, Président du Conseil. Ceux qu’il a nommez pour le composer, sont l’Archevesque de
Cantorbery
, qui témoigne assez ne vouloir pas y entrer : le
Duc de Norfolk
: les Marquis de Winchester et de
Hallifax
: les Comtes de
Lindsey
, d’Oxford, de
Shrewsbury
, de
Devonshire
, de
Dorset
, de Betford, de Bath, de
Notingham
et de Maklesfield, les Lords Falcomberg,
Mordant
, Newport,
Montagüe
, de la Mére,
Lumley
,
Wharton
et
Churchill
: le sieur de
Benting
, et les sieurs
Powle
,
Sidney
,
Hamden
, Boscowea, et les Chevaliers Robert Howard,
Sidney
, Henry
Capel
, et Edward
Russel
. Il a aussi créé deux Secrétaires d’Estat, qui sont le Comte de
Shrewsbury
et le sieur William
Temple
.
La Chambre Busse s’est assemblée pour délibérer si la Convention se pouvoit changer en Parlement : ce qui a paru fort étrange, puis qu’elle n’a pas balancé à changer la forme du gouvernement, s’attribüant vne autorité que les Parlements légitimes n’ont jamais prétendüe
: et qu’elle semblereconnoistre assez ce défaut d’autorité, en voulant donner à l’assemblée la forme de Parlement. Aujourdhuy
le Prince
et
la Princesse d’Orange
ont esté à la Chambre Haute, pour s’y faire voir en habits royaux.