De Venise, le 29 Octobre 1689.
On a reçeu des lettres de l’armée du 24 du mois dernier, qui confirment que le sieur Cornaro Provéditeur Général estoit avec les galéres et les galéasses, dans le port della Spécie, distant de trente milles de Napoli de Malvasie : que le sieur Pisani Capitaine des navires estoit avec une escadre de douze vaisseaux aux environs de la mesme place : et que neuf galéres et quelques galiotes croisoient d’vn autre costé : de maniére qu’il seroit diffi--cile aux Turcs d’y faire passer du secours de la Canée et de Négrepont, parce que les deux forts constrüits vis à vis du pont, et bien munis de troupes, de canon, et de munitions, en défendoient les avenües.
Plusieurs transfuges ont assuré que la garnison souffroit vne extréme disette des choses nécessaires à sa subsistance, ce qu’il y avoit de vivres, estant partagé entre les principaux officiers
: et qu’elle n’avoit reçeu aucunes nouvelles de la flote Othomane, dont elle attendoit du secours. On dit qu’elle est à la hauteur de Chio, composée de quinze vaisseaux et d’autant de galéres du
Grand Seigneur
, avec quinze vaisseaux de Barbarie. Quelques barques arrivées de Castelnovo ont rapporté que le sieur Molino Provéditeur Général de Dalmatie estoit de ce costé là, avec ses troupes beaucoup augmentées par la jonction des Monténegrins, des Pérastins, et des Pastrovichs : et qu’il se disposoit à marcher vers le païs des Turcs, pour l’exécution d’vn dessein important. Les Ambassadeurs nommez par le Sénat pour aller complimenter
le Doge
, se préparent à partir. On a eu avis qu’il est entiérement guéri de la fiévre.